Alors que débute un nouveau mandat du président de la République, la FOPH a mobilisé ses troupes Pour un quinquennat utile à nos concitoyens, thème de son assemblée générale, les 23 et 24 juin, à Rennes. Un rendez-vous annuel marqué par son centenaire, et la réalisation pour l’occasion d’une médaille d’honneur par la Monnaie de Paris, distribuée aux participants.

La médaille d’honneur réalisée par la Monnaie de Paris pour le centenaire de la FOPH, sur laquelle est gravée la mention “Avec vous, solidaire et pour longtemps”. © H. Thouroude/FOPH
Sociologue à l’Ined, Pascale Dietrich-Ragon a salué le modèle généraliste du logement social et son rôle stabilisateur dans la vie de ses locataires. Pour elle, c’est “le bail à durée indéterminée, la possible mutation au sein du parc et l’assurance de l’entretien de l’immeuble et du logement qui autorisent cette sécurisation. Les catégories populaires perçoivent le logement social comme un mécanisme de compensation face aux épreuves de la vie et aux injustices sociales”, a-t-elle estimé. Mais aussi comme “un outil de promotion sociale”. Elles en ont une image positive, et considèrent leur logement comme “une opportunité plutôt qu’un facteur de stigmatisation”. La sociologue s’est inscrite en faux contre la tentation de résidualisation du secteur qui consisterait à “modifier la cible et le sens du logement social” en le réservant aux publics les plus pauvres ; une issue qui reviendrait à “priver les catégories populaires de cette protection sociale (...), dernier rempart contre l’exclusion”.
Pour Romain Biessy, secrétaire de la Confédération syndicale des familles (CSF) et ancien président du Conseil social de l’USH, maintenir la vocation généraliste du logement social passe par une régulation du marché, dont l’envolée des prix ne permet pas aux occupants du parc social d’en sortir et qui génère un effet pervers sur la production. Il a appelé à “une vision d’ensemble et d’équilibre de l’aménagement du territoire et de l’habitat”. Le maire de Colombes (92) et président de Colombes Habitat Public, Patrick Chaimovitch, a confirmé que dans sa ville, “beaucoup de gens n’arrivent pas à avoir un parcours familial normal, je ne parle même pas de parcours résidentiel”, du fait de la suroccupation des logements et faute de logements disponibles, alors même que sa municipalité compte 33% de logement social. Il craint que la cotation des demandes en zone tendue ne prenne pas en compte “la dimension humaine”. “La cotation est un pis-aller pour agir sur la file d’attente alors que la priorité, c’est le délai de l’attente”, a abondé Romain Biessy. Pour Isabelle Rueff, DG d’Alpes Isère Habitat, “la cotation n’a de sens que si c’est une aide à la décision”. La présidente de l’Institut Hlm de la RSE a insisté sur la nécessaire mixité sociale, “qu’il ne faut pas abandonner, même si c’est difficile”.
Des aides publiques inégalitaires
À quelques mois d’une nouvelle loi de Finances, la FOPH a confié à Pierre Madec, économiste et professeur à Sciences Po, la réalisation d’une étude sur Les réorientations possibles de la politique du logement, que la Fédération appelle de ses vœux. Car le paradoxe français veut qu’on construise plus en France que partout ailleurs en Europe, selon l’OCDE, mais que cet effort significatif ne suffise pas à répondre à la demande de logements. Même le parc social, abondant en stock, et dont la production a été dynamique au cours des 10 dernières années (avec 130 000 logements financés en moyenne) n’arrive pas à suivre une demande qui a plus que doublé depuis 20 ans. Outre la tension, le logement subit également “de fortes inégalités territoriales et des situations de mal-logement trop nombreuses”, souligne l’économiste. Surtout, il a pointé l’incohérence du fléchage des aides publiques : 32,8 Md€ dont 42% sont versés aux bailleurs sociaux, 37% aux bailleurs personnes physiques et 19% aux propriétaires occupants. Une conséquence du “désengagement de l’État”, selon lui, qui se chiffre à une baisse de 23% entre 2014 et 2020, alors que “les aides aux propriétaires privés sont en hausse”. Il l’illustre par les “69 000 logements Pinel produits en 2017, pour un coût de 2,4 Md€, qui auraient permis la construction de 59 500 logements PLAI, 105 500 PLUS, 815 000 PLS ou encore l’attribution de 630 000 PTZ”. Des réalités qui éclairent les choix politiques récents.
Faire confiance aux territoires
“Pourquoi ce pays, a-t-il abandonné au fil du temps toute politique d’aménagement du territoire ?”, s’est interrogé Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis et membre du bureau de la FOPH. Pour lui, ce manque de planification territoriale, cumulé à “l’abandon des territoires ruraux” et à “la priorité donnée aux métropoles”, est responsable de la création de “zones de forte tension”. Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes et secrétaire générale de la FOPH, y voit aussi l’œuvre des résidences secondaires en augmentation, de la vacance des logements privés et du faible niveau des taux d’intérêts qui, selon elle, a participé à la hausse des prix de l’immobilier. Elle a proposé que “la politique nationale du logement fasse davantage confiance aux territoires”, encourage les maires bâtisseurs et a plaidé pour “de la visibilité et de la stabilité”. Elle a pris pour exemple la loi Climat et Résilience : “Le gouvernement se gargarise avec MaPrimeRenov’, mais il n’y a pas du tout de massification de la rénovation énergétique. Les bailleurs sociaux sont les seuls acteurs qui, aujourd’hui, s’engagent dans la rénovation globale. Mais il faudra aussi trouver les éléments financiers pour rénover leurs passoires thermiques”, a estimé celle qui fut rapporteure de la partie Logement de la loi au Sénat.
Marcel Rogemont, président de la FOPH, demande une “allocation différente” des crédits logement.
La trajectoire carbone des Offices à horizon 2034-2050 interroge. L’étude prospective confiée au cabinet Carbone 4 et au bureau d’études Erese a montré que les OPH devront passer d’un investissement d’1 Md€ annuel consacré à la rénovation énergétique des logements à un montant compris entre 3 et 4 Md€ pour atteindre la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC)(1). “Deux dates sont devant nous, a souligné Marcel Rogemont, président de la FOPH. Celle de 2034 pour la location des logements classés G, F, E. Ils sont près de 400 000. Et 2050 pour la neutralité carbone dans les bâtiments, pour l’ensemble des 2,3 millions de logements des Offices”. “L’enjeu porte sur 85% de votre parc, qui vont devoir vivre une véritable révolution d’un point de vue énergétique et environnemental”, a analysé Charles Pertuiset, directeur délégué chez Erese.
Des propositions face à l’inflation
En attendant, c’est à l’inflation galopante qu’il faut faire face aujourd’hui, qui ne manque pas d’inquiéter Emmanuelle Cosse. Le relèvement du taux d’intérêt du Livret A, attendu au mois d’août autour d’1,9 à 2%, et cumulé à celui de février, coûterait cette année 2 Md€ en intérêts aux organismes de logement social.
Sur les loyers, elle a estimé qu’“en responsabilité, les bailleurs ne pourront pas augmenter leurs loyers à 5% car de nombreux locataires ne seront pas capables de suivre”, avant que le gouvernement n’annonce, trois jours plus tard, sa décision de plafonner le taux de l’IRL à 3,5%. Pour elle, les APL doivent être revalorisées, y compris le forfait charges. L’ancienne ministre du Logement s’est insurgée contre “la pression dingue des représentants du bâtiment pour nous imposer une automaticité des clauses de révision dans l’ensemble des marchés. Soit on arrive à discuter avec chaque entreprise concernée, soit les chantiers vont s’arrêter”, craint-elle. La présidente de l’USH a réclamé “de la discussion, de la transparence et pas d’automaticité”.
Le Mouvement Hlm est d’autant plus inquiet qu’il attend toujours la clause de revoyure de la RLS, qui devait avoir lieu avant fin juin. “Je n’ai toujours pas le début de démarrage d’une discussion, même avec la Première ministre. Ça urge”, a annoncé Emmanuelle Cosse, alors que le débat sur la loi de Finances approche. La présidente de l’USH compte bien (re)demander la suppression de la RLS, et souhaite “avoir une discussion sur tous les sujets en même temps plutôt que de saucissonner les dossiers”. Stéphane Peu propose, lui, de se grouper aux associations de consommateurs pour “lier la question des loyers à celle de la clause de revoyure. Une IRL à 3,5% entraîne une augmentation de loyers qui va peser environ 350 M€ sur les Offices. La RLS, c’est 500 M€ pour les OPH. C’est peut-être le moment de lui tordre le cou définitivement”, ambitionne le député de Seine-Saint-Denis. Sur ce point, l’USH pourra compter sur Valérie Rabault, députée du Tarn-et-Garonne et administratrice de Tarn-et-Garonne Habitat. “Si un secteur a été le grand perdant au cours du dernier quinquennat, c’est bien le logement, avec 6 Md€ de recettes en moins pour le logement social. (…) 95 000 agréments, c’est scandaleux. Le retard pris ne se rattrape pas. Je suis d’accord de mettre tous les sujets en même temps sur la table”. Pour compenser la hausse des coûts de construction et le plafonnement de l’IRL, elle proposera qu’1,5 Md€ soit apporté en soutien au secteur Hlm.
(1) Actualités Habitat reviendra plus en détail sur cette étude dans un prochain numéro.
Les propositions de la FOPH au Gouvernement
La Fédération des OPH a présenté, dans sa Résolution votée à l’unanimité, les mesures qu’elle entend proposer au gouvernement, à commencer par “une réflexion sur une allocation différente des 36,7 Md€ de crédits consacrés au logement”. Pour Marcel Rogemont, président de la FOPH, “nous ne pouvons pas nous satisfaire de constater, selon l’étude de Pierre Madec, économiste à l’OFCE et professeur à Sciences Po, que l’allocation des ressources affectées au logement puisse montrer que sur les 10 dernières années, les crédits allant vers les bailleurs publics ont baissé de 2 Md€ lorsque ceux des bailleurs privés ont gagné 2 Md€”.
Outre la suppression de la RLS et la réintroduction d’une TVA à 5,5% sur l’ensemble de leurs investissements, il dénonce un “traitement inégal” et souhaite l’abandon total ou partiel des mesures fiscales offertes au logement privé, dans le cadre du Pinel, et au logement locatif intermédiaire, au profit du logement social. La FOPH demande la revalorisation des APL au niveau de l’inflation, l’abandon de la réduction mensuelle de 5 € et la revalorisation du forfait charges pour tenir compte de l’augmentation des prix de l’énergie.
Pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et ceux de la loi Climat et Résilience en termes d’éradication des passoires thermiques, le président de la FOPH propose la création de MaPrimeRénov’ Hlm et un taux de TVA inférieur à 5,5% pour les travaux en lien avec la SNBC. Ces mesures pourraient venir en complément d’un financement spécifique de la Caisse des Dépôts d’aide à la seconde vie des bâtiments afin d’éviter leur démolition-reconstruction, avec un prêt sur une durée de 40 ou 50 ans.
Enfin, la FOPH insiste sur une différenciation territoriale dans l’application des lois, en permettant aux départements volontaires de se doter du statut d’Autorités organisatrices de l’habitat (AOH), créé par la loi 3DS. Ces structures pourraient bénéficier d’un financement dédié, pourquoi pas une partie de la PEEC dont bénéficie aujourd’hui Action Logement, propose la Fédération. “Constatant que le 1% Logement représente de l’argent public, il serait normal que tous les organismes aient un égal accès à la ressource gratuite”, estime Marcel Rogemont.
Activité 2021 : augmentation de la production et des réhabilitations
Au 31 décembre 2021, les OPH étaient au nombre de 197, dont 79 rattachés à des Conseils départementaux et 118 à des EPCI. Ils représentaient un patrimoine locatif de 2,29 millions de logements, dont 66,3% appartenaient aux 68 Offices de plus de 12 000 logements. 6 SEM ont adhéré à la Fédération. Plus de 204 000 logements ont été mis en location. L’offre due à la mobilité locative a représenté 8,6 % du parc locatif (+ 0,7 point). La vacance a augmenté légèrement à 5,7 % du parc (+ 0,1 %).
118 Offices ont rejoint des sociétés de coordination.
Les premiers chiffres 2021 montrent une hausse de 2,9% de la production de logements familiaux par rapport à 2020, la portant à 18 000. La hausse est de 10,5% pour les logements-foyers.
Près de 260 000 logements ont fait l’objet de travaux en 2021, en hausse de 39% par rapport à 2020, un record, pour un montant total de 1,7 Md€.
La diminution du nombre d’étiquettes E, F, G se poursuit : entre 2010 et 2021, elle est passée de 25 à 15%. La part des étiquettes A, B et C a, elle, progressé de 28 % à 45 % du patrimoine.
Après un ralentissement des investissements depuis la mise en place de la RLS, les prévisionnels des OPH pour les 5 prochaines années indiquent un rebond, notamment en réhabilitation. Cette croissance, qui porterait les investissements annuels de près de 8 Md€ à un peu plus de 10 Md€, est cependant menacée par le contexte inflationniste.