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Construction : et si l'on revoyait les zonages ? AH

Une zone rurale peut être dynamique en termes de construction de logements, comme un milieu urbain peut être à la traîne, voire à l’arrêt. Avec une étude sur Les territoires de la (non) production de logements en France, Idheal-Recherche remet en question le zonage et les politiques d’aides.

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Et si le zonage A, B et C et la dichotomie zone tendue / zone détendue étaient dépassés ? Au-delà de l’approche purement quantitative de construction, une étude des chercheurs Alexandre Coulondre et Vincent Lasserre-Bigorry pour Idheal-Recherche (Institut des hautes études pour l’action dans le logement(1) s’intéresse aux façons de produire du logement en France et à leurs impacts sur les territoires. Sur une moyenne de 336 000 logements annuels produits entre 2010 et 2019, à l’échelle nationale, 40% de la construction s’est concentrée dans seulement 1% des communes, et, inversement, 60% des communes n’en ont construit aucun ou un seul par an en moyenne.

L’étude définit ainsi une nouvelle typologie de territoires intercommunaux : les “bâtisseurs”, les “modérés”, et ceux qui sont “en retrait”. Et on les retrouve chacun dans des géographies différentes, que ce soit le milieu urbain, le périurbain ou le rural.

Dynamisme des territoires bâtisseurs périurbains

Sur 1 261 EPCI, 401 sont des “bâtisseurs” (32%). Dans ces territoires, la production de logements est “dominée par les acteurs de marché, les promoteurs immobiliers et les investisseurs”. Les bailleurs sociaux y sont présents “mais ne représentent pas une part significative de la production de logements”. Plus de la moitié de la production de logements se concentre en zone urbaine, souvent dans les métropoles. Mais les volumes les plus importants sont produits chez les bâtisseurs périurbains. “C’est bien là que se concentrent les acteurs de marché parce que le différentiel entre le prix des terrains et celui des logements construits est le plus grand, et donc la valeur à capter la plus importante”, souligne l’étude, qui cite à titre d’exemple la communauté de communes du Genevois ou la communauté d’agglomération du Pays de Gex. Dans les territoires bâtisseurs ruraux, l’offre touristique est importante (communautés de communes de l’Île d’Oléron ou du Val Vanoise). Toutes zones géographiques confondues, c’est dans ces territoires bâtisseurs que la hausse des prix des logements est la plus forte, ce qui vient “questionner l’idée de l’efficacité d’un “choc d’offre” dont on attendrait qu’il fasse, au contraire, baisser les valeurs”, observent les auteurs.

L’intensité de production de logements est qualifiée de moyenne à faible dans la catégorie des territoires dits “modérés”, composée de 201 intercommunalités (15%). Le manque de réserves foncières ou de friches rapidement transformables est l’un des facteurs explicatifs de ce faible développement, notamment dans la métropole parisienne. Pour les “modérés périurbains”, “la construction de logements est surtout portée par le secteur social, dont la part dépasse souvent les 20%, par exemple dans la communauté urbaine de Saint-Dizier, Der et Blaise”. Dans le milieu rural, la dynamique est davantage portée par les ménages, qui font construire leur maison individuelle.

Des découplages géographiques notables

Les territoires “en retrait” sont assimilés à des “déserts constructifs”. Dans ces 659 intercommunalités (53%), on construit peu ou très peu, y compris des logements sociaux. Les “urbains en retrait” représentent les centres urbains les moins attractifs où l’enjeu est davantage de gérer la vacance résidentielle que de produire des logements. L’étude cite Saint-Étienne ou la communauté de commune de Millau Grands Causses. Les périurbains en retrait sont assez éloignés des centres urbains peu attractifs et peu actifs, y compris sur le maché de l’ancien, comme la communauté d’agglomération de Lisieux Normandie. Enfin, dans les territoires ruraux en retrait, à peine 4 000 logements sont construits, essentiellement à l’initiative des ménages.

Ces observations conduisent les chercheurs à s’interroger sur la pertinence des zonages. Poussant plus loin l’analyse, ils identifient quelques “découplages géographiques notables”. Il en va ainsi de 11% des territoires classés en zone C (zone détendue ne bénéficiant d’aucune aide) qui se révèlent dynamiques (catégorie des périurbains bâtisseurs). C’est le cas du Grand Chambord ou de Cœur Savoie. De même, 11% des intercommunalités en B2 (zone peu tendue) sont des “urbains bâtisseurs”, la catégorie la plus dynamique en matière de construction, comme Brest Métropole ou Béziers Méditerranée. Au-delà de l’exercice de typologie, l’étude soulève une autre question : “Les aides sont-elles octroyées pour renforcer une dynamique déjà présente ou pour pallier l’absence de marché ?”

(1) Les territoires de la (non) production de logements en France ; une diversité de modèles locaux, d’Alexandre Coulondre (chercheur associé au LATTS) et Vincent Lasserre-Bigorry (chercheur associé au LVMT) pour Idheal-Recherche. https://idheal.fr