La majeure partie de la dette du secteur du logement social a été contractée auprès de la CDC à taux variable indexé sur le taux du Livret A (TLA). Le TLA fixe donc à la fois le niveau de rémunération de l’épargne des détenteurs d’un Livret A et contribue à déterminer le taux d’intérêt des prêts de la gamme de la CDC. Par exemple, le taux d’un PLAI est égal à TLA - 0,2%, soit dans le cadre actuel 0,8%.
Et la particularité d’un taux variable… c’est de varier.
À première vue, les variations du taux du Livret A constituent donc un phénomène normal, qui pourrait ne pas appeler de commentaires. Il n’en est pourtant rien ; et il n’est pas inutile de rappeler les mécanismes en jeu et leurs impacts à court et long termes sur les dépenses des organismes et leurs équilibres financiers.
En termes relatifs, la hausse du TLA est spectaculaire : un doublement en passant de 0,5% à 1%. Pour un épargnant, la somme en jeu reste, somme toute, modeste : pour 5 000 € déposés sur un Livret A(1) les intérêts annuels versés pour un taux de 1% représentent 50 €, c’est-à-dire 25 € de plus qu’avec un taux de 0,5%(2).
Les taux des prêts de la gamme CDC progressent, eux aussi, assez nettement en termes relatifs compte tenu du faible niveau des taux antérieurs ; +166% par exemple pour le taux du PLAI qui passe de 0,3% à 0,8%. Ces taux d’intérêt s’appliquent à des montants de dette qui atteignent plus de 140 Md€. Les impacts financiers sont donc ici considérables.
Mécanismes de lissage
En première approche, un TLA à 1% entraîne, en année pleine, une hausse des intérêts dus de 700 M€, soit une demi-RLS… ou encore l’équivalent de 20% des fonds propres annuels investis par les organismes. Ce qui n’est pas rien. Mais deux mécanismes vont, non pas faire disparaître l’impact immédiat, mais le “lisser” dans le temps.
Pour une partie des prêts de la Banque des Territoires, le montant des annuités (intérêts + amortissements de dette) est préfixé, une hausse des intérêts va entraîner une baisse des amortissements donc un endettement supplémentaire(3). En outre, la matérialisation de la hausse se produira en 2023 pour une partie des prêts selon la date de révision des contrats. In fine, en année pleine, la hausse des échéances au titre du passage du TLA de 0,5% à 1% pour les organismes en 2022 serait de moins 100 M€.
Deuxième effet de l’inflation
Pour mesurer l’impact de ce relèvement du TLA sur les équilibres financiers globaux des organismes Hlm, il faut rappeler l’origine de cette hausse. Le TLA répond depuis 2021 à un calcul effectué par la Banque de France : la moyenne entre l’inflation et le taux du marché monétaire à court terme, assortie d’un plancher à 0,5%.
C’est la hausse très significative de l’inflation (passée d’un rythme annuel quasi-nul en 2020 à près de 3% actuellement), qui a amené à relever le TLA. Ce rebond de l’inflation va se matérialiser aussi dans l’IRL qui sert à l’indexation des loyers. L’application de cette indexation aux loyers à compter du 1er janvier 2023 apportera aux organismes des capacités financières supplémentaires pour absorber la hausse des intérêts dus (et celle des autres dépenses courantes). 2 points de hausse des loyers comptent en gros pour 400 M€.
Sur une longue période, les hausses et baisses du TLA se succèdent ; l’important pour les équilibres économiques du secteur Hlm est que la liaison entre le taux d’intérêt, l’inflation et l’évolution des loyers, soit globalement cohérente. C’est la logique des équilibres d’opérations sur 40 ans, qui pour chaque programme de logements, sont construits autour d’un taux moyen anticipé pour le Livret A et un taux moyen pour l’IRL.
Trois points de vigilance donc pour le secteur Hlm :
• la tendance prolongée ou non de la hausse du taux du Livret A ;
• la capacité à augmenter les loyers qui suppose, pour ne pas détériorer la situation des ménages aux revenus les plus modestes, que les aides personnelles suivent elles aussi le rythme de l’inflation ;
• les hypothèses de taux et d’inflation projetés sur 40 ans dans les équilibres d’opérations, le scénario utilisé actuellement semblant sans doute optimiste au regard de l’histoire économique longue.