Actualités
Thème de la publication
Financement du logementNuméro
Actualités Habitat n°1152
Paru dans
Date de publication :
04 octobre 2021
Auteur(s) :
DOMINIQUE HOORENS
Finances des organismes Hlm : les perspectives de la Banque des Territoires
Deux semaines avant le Congrès Hlm de Bordeaux, la Caisse des Dépôts a publié l’édition 2021 de sa publication Perspectives, dans laquelle la Banque des Territoires présente, comme chaque année, une description du parc social et son analyse des résultats financiers des organismes sur la période 2014/2019, avant de s’engager dans l’exercice difficile d’une projection à long terme. Actualités Habitat a demandé à Dominique Hoorens, directeur des études à l’USH, de commenter cette étude.
Comment analysez-vous les résultats de la période 2014-2019 présentés par la Banque des Territoires ?
Ces résultats sont en pleine cohérence avec les travaux des services d’auto-contrôle des Fédérations Hlm. L’intérêt de la note est d’apporter une vision consolidée d’éléments épars et de proposer une analyse que d’aucuns pourront considérer comme plus “neutre”. Elle permet de mettre à mal des stéréotypes, encore malheureusement en cours, sur un secteur qui serait mal géré ou sous perfusion d’aides.
Le commentaire indique bien la limite d’un tel exercice de consolidation qui ne peut refléter les disparités importantes de situation entre les organismes, même s’il existe d’importants mécanismes de mutualisation et de solidarité entre les organismes. Tous les organismes ne se reconnaitront pas dans la tendance moyenne.
Dans cette analyse rétrospective, qui met bien en évidence la robustesse financière globale du secteur, on peut relever quelques points d’alerte, peut-être insuffisamment pris en compte dans la partie prospective de la note.
- La hausse sur long terme du taux d’impayés (0,8% en 2012 et 1,2% en 2019) qu’on peut relier à la paupérisation et la précarisation des locataires Hlm.
- L’érosion des résultats d’exploitation (de 50,4% des loyers en 2014 à 47,3% en 2019) alors même que les dépenses de maintenance ont été sévèrement revues à la baisse en 2018 lors de la mise en place de la RLS (659 € par logement contre 696 € en 2017), et qui ne pourront se maintenir à ce niveau bas au risque d’une dégradation de l’état des logements et du service rendu aux locataires.
- Cette érosion des résultats d’exploitation n’a pu être contrecarrée pour redresser les capacités propres d’investissement en 2019 que par des éléments qu’on peut considérer comme exceptionnels : une hausse des plus-values de cessions et l’effet d’un rallongement de la dette.
Partagez-vous les conclusions de l’exercice prospectif à 40 ans du secteur Hlm ?
La projection sur 40 ans des équilibres globaux du secteur tient de l’exercice de style, difficile mais indispensable. Elle repose sur des hypothèses mises en cohérence entre elles et projetées de manière quasi-linéaire sur 40 ans. Cette période très longue est de bon ton : elle permet de prendre en compte certains effets de décisions qui portent des conséquences lointaines (différés des prêts de haut de bilan, effets du rallongement de dette, impact des ventes sur les loyers futurs) trop rarement mis en évidence.
Comme le précise parfois le commentaire de la note Perspectives, cette projection doit être relativisée sur trois axes. D’une part, les résultats ne peuvent aucunement être considérés comme une estimation des résultats annuels à venir, y compris pour les années les plus rapprochées. Les variations annuelles réelles, comme le montre la partie rétrospective de la note, seront affectées année par année par des événements de nature diverse et de portée parfois importante (mise en place de la RLS, gel de loyer, crise économique, arrêt-reprise des chantiers, hausse-baisse des prix, hausse-baisse du taux du Livret A...), parfois “corrigés” l’année suivante, parfois pas. Mouvements heurtés, loin donc de tendances lissées. L’exercice développé dans la note est donc une projection “toutes choses égales ou connues à ce jour” autour de tendances moyennes considérées comme lourdes et signifiantes.
D’autre part, il faut considérer l’incertitude qui pèse, y compris sur des tendances longues. Il suffit pour s’en convaincre de regarder… 40 ans en arrière et tout ce que 40 ans apportent de nouveautés. Le monde économique actuel n’est plus celui des années 1980 ni même celui des années 2000. Le cadre d’exercice des organismes, leur activité, leur organisation ne sont pas ceux des années 1980 ou 2000… et ne seront pas ceux des années 2040 ou 2060.
Enfin, l’aspect globalisant de la projection masque la disparité des situations et écarte les résultats de la réalité opérationnelle. Et l’effet est loin d’être négligeable : la projection illustre par exemple “un point bas de l’autofinancement locatif du secteur à 3%”. Puisqu’il s’agit là d’une moyenne globale, cela signifierait que pour un bon nombre d’organismes, on soit bien en dessous de ce niveau. Situation qui, a priori, compte tenu du comportement financier des organismes, de leurs partenaires ou tutelles, ne serait pas acceptée. Les comportements individuels seront à même donc de faire que les tendances moyennes effectives seront différentes de celles projetées.
Que pensez-vous des hypothèses sur lesquelles reposent cette projection ?
La projection entérine le maintien des fondamentaux du modèle économique et financier du secteur Hlm dans leur structuration actuelle et n’incorpore pas de nouveaux coups durs pour le secteur comme la RLS. C’est une option forte.
La projection repose par ailleurs sur des jeux d’hypothèses, que l’on pourrait qualifier de “raisonnées” mais sans doute aussi de quelque peu “optimistes”.
Il en est ainsi, on l’a vu, des impayés, du niveau et de l’évolution des frais de gestion et de maintenance. On peut ajouter le niveau élevé de ventes sur toute la période. On pourrait s’interroger aussi plus fondamentalement sur la possibilité de maintenir, sur une longue durée, des loyers évolutifs face à une paupérisation des locataires et à une érosion des aides personnelles.
Il en est peut-être ainsi aussi au point de vue macroéconomique de l’hypothèse du maintien de taux d’intérêt réels très faibles sur une très longue période. On peut également interroger l’hypothèse d’un taux du Livret A à son plancher de 0,5% jusqu’en 2026.
La hausse de l’endettement que sous-tend le scénario retenu pourrait donc s’avérer bien plus lourde à supporter que ce qui est anticipé.
En ce sens, l’exercice de mesure de la sensibilité du modèle aux hypothèses présenté dans la note mériterait d’être étendu et approfondi.
La Banque des Territoires conclut que le secteur Hlm disposerait d’une capacité financière suffisante pour maintenir à l’avenir son effort de construction. Partagez-vous cette confiance ?
La projection aboutit en effet à considérer comme financièrement accessible la production (y compris les projets Anru) de 350 000 logements au total pour les trois années 2022, 2023, 2024 ; ce qui d’ailleurs est inférieur aux attentes du secteur. Puis il y aurait un point mort de 100 000 logements par an sur les années suivantes, bien loin des objectifs actuels (125 000) ou ceux annoncés un temps (150 000). La réponse à la demande nécessitera donc d’accroître les capacités financières du secteur.
J’ai relevé enfin que cette projection conduit, selon les hypothèses d’évolution démographique utilisées, à un pourcentage de ménages logés en Hlm de 21%, ce qui suppose vraisemblablement que le développement du parc social ne repose pas uniquement sur de la construction neuve mais passe également par des rachats de patrimoine locatif privé. C’est un élément de stratégie intéressant, auquel croit également l’USH et dont de nombreux organismes se sont déjà emparés.
Une analyse tout en confiance
La Banque de Territoires estime que “le secteur du logement social s’est montré jusqu’à présent plutôt résilient face à la crise sanitaire, qu’il a abordée dans une situation financière solide fin 2019”. Selon elle, les bailleurs sociaux seraient en mesure de participer à la relance, “grâce à une situation financière initiale saine, au niveau bas des taux d’intérêt et à leurs revenus issus des loyers peu affectés par la crise”. Elle est confiante sur le court terme, estimant que grâce aux mesures à venir, visant à limiter les freins à la construction (issues de la commission Rebsamen), la construction pourra tout à fait “progresser conformément au protocole d’engagement signé entre l’État et les acteurs du secteur”. De plus “l’effort de réhabilitation serait amplifié grâce aux subventions octroyées dans le cadre du Plan de relance”. À plus long terme, le secteur disposerait, selon la Banque des Territoires, de la capacité financière suffisante pour maintenir un effort de construction “significatif” (100 000 logements par an) et poursuivre les travaux de réhabilitation nécessaires (100 000 logements par an également), “en particulier grâce à l’environnement de taux durablement bas”.
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1152 DU 30 septembre 2021
Actualités Habitat n°1152
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