Le dictionnaire nous indique que la surface est à la fois une étendue plane et la mesure de cette étendue. La géométrie, grâce à la notion d’aire, nous permet son calcul précis. Le profane s’en contenterait. Quoi de plus pratique qu’une mesure objective et non contestable ? Certes, mais que mesure-t-on exactement ? On dit que “le diable se cache dans les détails”(1), la formule s’applique parfaitement aux modalités de calcul de la surface des logements.
Secteur privé et secteur Hlm
Selon la loi du 6 juillet 1989(2), le bail doit préciser la surface habitable de la chose louée. La loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, précise que la surface habitable est définie par le Code de la construction et de l’habitation.
L’article R.111-2 du CCH la définit comme “la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d’escaliers, gaines, embrasures de portes et fenêtres.” Il précise plus loin qu’“il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d’une hauteur inférieure à 1,80 mètre.”
Selon cette définition, la surface habitable reste une mesure objective de la chose louée mais qui s’éloigne beaucoup de la surface réelle, par soustraction de nombreux éléments. Son calcul n’est pas qu’un simple établissement de la superficie. D’ailleurs des erreurs sont possibles et la loi de 1989 prévoit une procédure permettant au locataire de faire constater un écart et d’obtenir, dans certains cas, la diminution de loyer correspondante(3). La surface habitable sert ici de référence dans le rapport locatif, de la description de la chose louée à la fixation du montant de certaines taxes, en passant par l’établissement du montant du loyer.
Mais la notion de surface habitable n’est suffisante que pour le parc privé et la loi du 6 juillet 1989 la rend inopérante telle quelle pour servir de référence pour les logements appartenant à des organismes Hlm(4). En effet, dans le logement social, où le montant du loyer est fixé de manière scientifique, ce mode de calcul de la surface n’est pas pertinent et il est nécessaire d’avoir recours aux notions de surface corrigée et surface utile, qui seront tout de même calculées en référence à la surface réelle pour la première et à la surface habitable pour la seconde.
Contestation de la surface corrigée figurant au bail
En cas de désaccord sur la surface corrigée ou le loyer, le locataire doit notifier à son bailleur, par lettre recommandée avec A.R. ou par acte d’huissier, le loyer qu’il propose et préciser les éléments sur lesquels porte le désaccord. Ce délai de contestation, qui est un délai de forclusion de l’action, est limité à deux mois par l’article 32 de la loi du 1er septembre 1948. Le point de départ de ce délai est la notification par le propriétaire au locataire du décompte du prix du loyer, par LRAR ou acte extrajudiciaire. Le délai de forclusion ne commence pas à courir si la notification a été faite par remise en mains propres au locataire et, a fortiori, lorsque le bailleur n’a pas effectué cette notification. Il convient donc de s’assurer que la remise au locataire a bien été faite lors de l’entrée dans les lieux dans les formes requises.
Pour la Cour de cassation, l’article 32 de la loi de 1948 n’accorde au locataire, en cas de désaccord sur la fixation du loyer, le droit de contester les propositions faites par le propriétaire que durant un délai de deux mois à partir de la notification. Il s’ensuit qu’en cas d’accord sur le loyer, les parties perdent la faculté de faire réviser le prix et gardent seulement celle de poursuivre la nullité de l’accord comme de toute autre convention, dans les termes du droit commun, au cas où elles seraient en mesure d’invoquer des vices du consentement prévus par l’article 1130 du Code civil, procédure applicable aux litiges portant sur une erreur de surface utile.
Surface corrigée et surface utile
Dans le secteur Hlm, le mode de calcul de la surface dépend de la date de construction du logement. Pour les programmes de logements financés avant le 1er juillet 1996, il s’agit de la surface corrigée. Après cette date, c’est la surface utile qui sert de référence au calcul du loyer.
Pour obtenir la surface corrigée, la surface réelle de chaque pièce du logement est affectée de correctifs qui correspondent à sa nature (pièce habitable, secondaire ou annexe) et à certaines de ses caractéristiques (ensoleillement, vue, etc.). La surface obtenue est affectée d’un correctif d’ensemble prenant en compte la vétusté et l’état d’entretien du logement ainsi que son emplacement dans l’agglomération. Des équivalences de surface sont ajoutées pour tenir compte des éléments d’équipement et de confort fournis par le bailleur(5).
La surface corrigée pouvant être modifiée sans changement de la surface réelle, il convient d’être vigilant et de rappeler que, dans cette situation, un nouveau décompte doit également être notifié. Notons également, qu’à l’inverse, par exemple dans le cas de suppression des vide-ordures, la jurisprudence ne retient pas systématiquement la diminution d’équivalence superficielle et a pu valider le maintien du loyer antérieur(6).
Cette méthode est complexe et source de difficultés. C’est pourquoi, les pouvoirs publics ont eu la volonté de simplifier le système de calcul du loyer Hlm. Pour calculer la surface utile, il convient d’ajouter à la surface habitable la moitié de la surface des annexes privatives. La définition en est donnée par le Code de la construction et de l’habitation(7).
Si les notions de surface utile et surface corrigée sont prépondérantes dans le secteur Hlm, c’est parce qu’elles servent de base au calcul du loyer. Ainsi, l’article L. 442-2 du CCH dispose que “les prix des loyers mentionnés à l’alinéa précédent ne sont applicables qu’à partir du terme d’usage qui suit la notification prévue à l’article 32 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée”. L’article R. 442-1 du même Code précise : “Le loyer applicable aux logements construits en application de la législation sur les habitations à loyer modéré est calculé conformément aux dispositions des articles 28, 29, 32, 32 bis et 36 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, modifiée”. Ces différents renvois à des dispositions contenues dans la loi de 1948 sont le fondement juridique du calcul du loyer applicable en fonction de la surface corrigée. L’article 32 indique que “le propriétaire doit joindre, à l’appui de cette modification, un décompte détaillé, établi d’après un modèle type qui sera annexé au décret prévu à l’article 28, des bases de calcul de ce loyer”.
Par ailleurs, pour les logements conventionnés, l’article D. 353-19 du CCH indique : “Un décompte détaillé de surface corrigée, conforme à l’annexe au présent article, est joint à cette notification. Il doit être également remis à tout nouveau locataire”. Il précise que “pour les logements soumis au régime de la surface utile, un décompte de la surface utile du logement et des annexes donnant lieu à perception d’un loyer accessoire, conforme à une annexe au décret pris en application du présent article, est joint à la notification du loyer. Ce décompte doit être également remis à tout nouveau locataire”.
L’obligation pour les organismes Hlm est donc de faire figurer au bail et de joindre un décompte de surface corrigée ou utile selon le régime appliqué au logement concerné.
Clé de répartition des charges
Les charges locatives peuvent également être affectées par la surface retenue au moment du choix de la clé de répartition des charges non individualisables entre les locataires. Le décret n° 82-955 du 9 novembre 1982 fixe une liste exhaustive des charges récupérables mais n’impose aucune règle quant au mode de répartition. Le principe légal posé est que ces charges sont la contrepartie des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée. La jurisprudence exige également que la répartition ait un caractère juste et équitable.
Les organismes sont donc libres de choisir une répartition selon la surface habitable ou, le cas échéant, selon la surface corrigée ou utile. Il semble cependant cohérent de procéder à une répartition qui se fonde sur la surface utilisée (utile ou corrigée) dans l’immeuble concerné.
Signalons enfin, que sous le seul aspect de la gestion locative, d’autres modes de calcul de la surface peuvent être retenus selon la finalité recherchée. S’agissant par exemple de la taxe d’habitation, elle est calculée en fonction de la valeur locative cadastrale, elle-même calculée par les services fiscaux sur la base de la surface pondérée, établie en rapport avec la surface réelle. Selon la législation fiscale, la surface réelle est la surface “mesurée au sol entre murs ou séparations et arrondie au mètre carré inférieur”(8).
Loin d’être monolithique, la notion de surface est en réalité protéiforme. Son calcul et son maniement peuvent s’avérer plus subtils qu’il n’y paraît au premier abord.
(1) Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1885.
(2) Article 3 4° de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
(3) Article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
(4) Article 40 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
(5) L’article 5 du décret n° 48-1766 du 22 novembre 1948 fixant les conditions de détermination de la surface corrigée des locaux d’habitation ou à usage professionnel définit les modalités d’établissement de la surface réelle, qui servira de base à celui de la surface corrigée.
(6) Voir par exemple : Cass., 3e civ., 2 février 2000, n° 98-13.471 ; CA Douai, 15 février 2001 et CA Paris, 3e Ch., 19 mai 2016, n° 15/00326.
(7) L’article D. 353-16 du Code de la construction et de l’habitation indique que “la surface utile est égale à la surface habitable du logement, telle qu’elle est définie à l’article R. 111-2, augmentée de la moitié de la surface des annexes définies par un arrêté du ministre chargé du Logement.”
(8) Article 324 M de l’annexe 3 du CGI.
Thèmes : Surface du logement - Calcul du loyer.
Contact : Fabien Elie, conseiller juridique, pôle gestion locative, Direction juridique et fiscale - Tél. : 01 40 75 78 60 ; Mél : ush-djef@union-habitat.org