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Interview d'E. Cosse, présidente de l'USH : "Nous serons attentifs au 1er projet de loi de Finances du quinquennat" AH

Le 82e Congrès Hlm se déroulera à Lyon, les 27, 28 et 29 septembre prochains, quelques mois après les premières mesures du nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron et les premiers votes d’un Parlement renouvelé dont la composition promet de riches débats de fond. Échanges avec Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, à l’approche de ce grand rendez-vous mobilisateur pour le Mouvement Hlm.

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Dans quel contexte se déroulera ce 82e Congrès ?

Je me réjouis tout d’abord de tenir ce Congrès à Lyon. C’est une ville qui a compté dans l’histoire du logement social, avec de l’ambition, des élus qui sont de grands promoteurs du logement social, à l’opposé de la frilosité que nous avons pu constater et regretter sur d’autres territoires. Ce n’est sans doute pas un hasard si les organismes sont parmi les plus dynamiques et les plus innovants, regroupés dans une Association régionale qui fait référence.

Ces caractéristiques n’ont rien d’anecdotique, car ce 82e Congrès intervient à un moment particulier, puisqu’il s’agira du premier Congrès post-élections. Nous avons vu comment, en septembre 2017, pendant le Congrès de Strasbourg, des décisions politiques prises sous la pression de Bercy et votées par des députés mal informés et mal préparés pouvaient avoir un impact très négatif sur notre secteur. La configuration politique sera bien évidemment différente, mais nous serons très attentifs aux contenus du premier projet de loi de Finances de ce nouveau quinquennat.

On nous annonce par exemple une nouvelle baisse des impôts de production. Nous aimerions rapidement savoir si cela aura un impact sur la PEEC (Participation des employeurs à l’effort de construction), et donc sur les ressources et l’organisation d’Action Logement. Et nous rappellerons que la PEEC est un élément du modèle du logement social en France. Sur un autre plan, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité d’accélérer rapidement nos efforts en matière de transition environnementale, et c’est une très bonne chose. Mais cela nécessite des moyens importants, que seuls l’État et la Caisse des Dépôts peuvent engager. Cette loi de Finances témoignera de la réelle volonté du gouvernement de nous donner les moyens de prendre toute notre part dans cette dynamique, et de rendre concrets les engagements pris en la matière.

« Le Mouvement Hlm est pleinement engagé dans la transition environnementale ; à aucun moment nous n’en discutons l’absolue nécessité ou les objectifs. »

Plus largement, ce Congrès sera l’occasion pour le secteur de prendre contact avec nos interlocuteurs ou interlocutrices au sein de l’exécutif. À ce titre, je peux d’ores et déjà vous indiquer que nous souhaitons inviter le président de la République et la Première ministre. On nous annonce une nouvelle méthode de gouvernement, associant beaucoup plus les corps intermédiaires. J’ai la faiblesse de penser qu’avec 5 millions de familles logées, 16 milliards d’euros d’investissements annuels, 80 000 salariés, nous pouvons être considérés comme un interlocuteur indispensable dès lors qu’il s’agit d’aborder les questions liées à la notion d’habitat populaire.

La première plénière sera consacrée aux questions posées par le retour de l’inflation. Pourquoi ce choix ?

Le retour de l’inflation est un phénomène inédit pour beaucoup d’entre nous, et il nous a semblé intéressant d’entendre, sur ce sujet en particulier, des points de vue d’experts. Qu’il soit conjoncturel ou structurel, ce retour de l’inflation a, de toute façon, un impact très direct et opérationnel sur notre activité. En premier lieu parce qu’il pèse sur le pouvoir d’achat des locataires, et notamment s’agissant du prix de l’énergie. Nous avons demandé au gouvernement, et obtenu, l’extension du bouclier tarifaire aux locataires du parc social, qui sont pour beaucoup chauffés au gaz. Mais il n’en reste pas moins que malgré la mise en place de ce bouclier, la quasi-totalité des locataires concernés verra sa facture de gaz augmenter très sensiblement. Je doute qu’il s’agisse là d’une hausse conjoncturelle des prix de l’énergie, je pense au contraire que nous devons nous préparer à un enchérissement continu du prix de l’énergie. C’est une profonde modification des paramètres économiques des ménages, et donc de nos locataires. Nous devons en tenir compte.

D’autres question sont posées par ce retour de l’inflation, avec, par exemple, le lien entre le taux d’inflation et l’IRL. Nous avons entamé des discussions avec le gouvernement pour trouver un point d’équilibre. L’objectif est de prendre à la fois en compte la situation sociale et économique des ménages les plus fragiles, mais cela passe aussi par les APL, et la nécessaire réévaluation des loyers pour permettre aux organismes de faire face à leurs obligations d’entretien, de construction et de rénovation. Enfin la perspective d’un renchérissement du coût du crédit ne doit pas peser sur nos capacités d’investissement, alors même que les besoins en termes de production neuve et de rénovation, notamment thermique, n’ont jamais été aussi élevés. Pour l’anecdote, Dominique Hoorens, le directeur des études économiques de l’USH, avait proposé, il y a deux ans, une séquence intitulée “Faut-il avoir peur d’un retour de l’inflation ?”. Certains nous avaient trouvé alarmistes. Nous sommes passés en quelques mois de l’exercice théorique à la confrontation la plus directe avec une nouvelle donne économique. C’est une des forces du Congrès Hlm de donner une vision à la fois théorique et opérationnelle d’un sujet comme celui-là.

Avec plus de 300 exposants, en croissance par rapport à 2021, le Congrès Hlm est, par culture, un lieu d’échanges et de réflexion économique. Notre écosystème productif, bancaire est lui aussi directement concerné par ce retour de l’inflation. Il sera intéressant de confronter nos visions avec celles de nos partenaires.

La transition environnementale tient une grande place dans le programme...

Oui, et nous l’assumons pleinement. Je le dis à chaque occasion, à chaque point presse, lors de chaque rencontre avec l’exécutif : le Mouvement Hlm est pleinement engagé dans la transition environnementale, et à aucun moment nous n’en discutons l’absolue nécessité ou les objectifs. Je me félicite, soit dit en passant, de voir que cette préoccupation traverse l’ensemble des familles Hlm.

Sur ce sujet, nous ne partons pas de rien ; cela fait des dizaines d’années que ce sujet est intégré aux pratiques des organismes Hlm, que nous réalisons plusieurs dizaines de milliers de rénovations thermiques par an et que nous adaptons notre stratégie énergétique aux enjeux. Mais il est clair que nous devons, comme beaucoup d’acteurs, changer d’échelle, et rapidement. Nous avons pour cela besoin de la mobilisation de l’ensemble de la chaîne, qu’il s’agisse des financeurs ou des industriels. Et nous avons aussi besoin d’un État stratège, investisseur, impulseur. Ce qui sera fait au profit du logement social, et donc de ses locataires, sera bon pour l’ensemble du pays. L‘effet de levier peut être considérable. Encore faut-il nous donner les moyens financiers et techniques de mettre en œuvre une politique de rénovation ambitieuse et réaliste. Je ne reviendrai pas sur le fiasco du nouveau DPE, c’est à peu près tout ce qu’il faut éviter de faire.

Ce sujet environnemental nous concerne aussi en tant qu’organisateur d’un événement d’une ampleur logistique aussi importante que le Congrès Hlm. Cela fait plusieurs années que les équipes en charge de son organisation développent une stratégie d’achat et d’organisation responsable, dont l’objectif est de minimiser son impact environnemental. De plus, depuis le Congrès de Bordeaux l’an dernier - et ce sera encore le cas pour celui de cette année et les prochains - nous veillons à en compenser le coût carbone. Très concrètement, nous compensons le coût carbone par la plantation d’arbres dans la région d’accueil.

2022 constituera aussi une année électorale pour les associations de locataires. Quelle place auront-ils dans ce Congrès ?

Nous avons besoin d’associations de locataires qui reposent sur la base électorale la plus large possible. Le taux de participation enregistré ces dernières années n’est pas satisfaisant, et nous devons, collectivement, Union, Fédérations comme organismes, mobiliser les locataires pour qu’ils votent. Le Congrès n’est pas la réponse à ce problème, celle-ci se situe plutôt dans des actions de communication portées par les organismes ou par l’État, à qui nous demandons, comme le font d’ailleurs les associations de locataires, de mettre les moyens pour promouvoir ces élections. En revanche, nous organiserons un débat entre les représentants des associations de locataires en plénière, pour que chacun puisse porter auprès de la communauté des bailleurs ses revendications mais aussi ses propositions.

Propos recueillis par la rédaction d’Actualités Habitat