Dans une région aussi étendue et diverse que la Nouvelle-Aquitaine, quelle est la morphologie du logement social ?
Les 311 000 logements des 53 organismes Hlm au sein des 12 départements de la Nouvelle-Aquitaine (d’une superficie équivalente à celle de l’Autriche) accueillent 620 000 Néo-aquitains. Ce qui représente 11% de la population totale de la région. Si la majorité du territoire est rurale, sa population est fortement (à 70%) implantée dans des zones urbaines. L’étendue de la région présente une grande diversité, avec des zones tendues, du littoral, des villes moyennes, et un croissant intérieur, plus rural, dont la tension de la demande est faible mais qui a néanmoins des besoins.
Dans un tel contexte, quelles sont les ambitions de l’Union régionale Hlm que vous présidez ?
Nous avons trois missions. Celle d’aménageur de tous les territoires, y compris bien entendu les territoires ruraux. Celle d’investisseur de proximité, en confiant nos marchés (1,5 Md€ par an) pour 98% d’entre eux aux PME locales. Et celle d’amortisseur social, permettant à des personnes modestes et fragiles d’accéder à des logements confortables et en sécurité d’usage.
Quels principaux enjeux identifiez-vous ?
En premier lieu les aspirations de nos concitoyens pour l’évolution de leur cadre de vie, tant en zone rurale, davantage recherchée, que dans les villes moyennes revigorées par Action cœur de ville. Même si la dimension logement doit être réaffirmée. Reste le sujet des zones tendues dans lesquelles convergent emploi, besoins et demandes pour un foncier rare et coûteux.
Ceci conduit les plus modestes, pour lesquels le logement y est inaccessible, à habiter plus loin. Apparaissent alors les problèmes de mobilité et même de couverture numérique, tellement nécessaires pour toutes les activités y compris le télétravail. C’est pourquoi nous sommes les partenaires de l’ensemble des aménagements de tous les territoires.
“Nous sommes les partenaires de l’ensemble des aménagements de tous les territoires”.
Quel angle d’attaque adopter pour répondre à une demande croissante, qui se heurte à la limite de l’offre ?
C’est un sujet complexe. Nous remettons les clefs de 6 400 logements par an, ce qui représente une progression de livraison nette de logements sociaux de 2,1%. Un beau chiffre mais encore très insuffisant compte tenu de la demande. Avec l’objectif zéro artificialisation net inscrit dans la loi Climat et Résilience, il est évident que la construction de lotissements autour des bourgs va être revue. Le développement des centres-bourgs est un axe important, devant reposer sur la volonté de créer un habitat confortable et adapté. Ceci suppose des politiques locales engagées auprès des organismes de logement social déterminés à produire notamment des micro-opérations. Concernant les autres zones, le gouvernement dit vouloir donner la priorité à la reconquête des friches, avec un fonds friche de 650 M€, déjà épuisé et reconduit. Les friches elles-mêmes seront vite comblées. Quelles sont les autres pistes ? Les terrains publics ? Il y en a de moins en moins. Le foncier ? Le sujet est crucial dans les zones tendues. L’accès au foncier est l’enjeu majeur qui nécessite un partenariat volontariste des politiques locales. C’est notamment une préoccupation forte pour Bordeaux Métropole où l’offre de logements n’est pas au rendez-vous du besoin.
Justement, impossible d’évoquer la région sans s’arrêter sur Bordeaux Métropole, sa zone la plus dense…
Nous avons 138 000 demandes de logement social en Nouvelle-Aquitaine, dont 58 000 pour la Gironde et 45 000 pour Bordeaux Métropole. Jusqu’à peu, nous avions entre 9 000 et 10 000 agréments par an, mais depuis 2020, ce chiffre est tombé à 7 800, notamment en raison d’une baisse très conséquente des agréments pour Bordeaux Métropole. La Métropole est le phare urbain et économique de la région. La tension du marché y est palpable. Les personnes modestes et fragiles, ainsi qu’une grande partie de la classe moyenne, doivent renoncer à y habiter. Sans parler du sort peu enviable des étudiants. L’éloignement déjà évoqué et ses conséquences sur la mobilité augmentent l’empreinte carbone, quand nous sommes à la recherche de sobriété. Nous attendons de Bordeaux Métropole une politique publique locale partenariale de solidarité avec les familles modestes (dont les travailleurs clés) et les classes moyennes.
Quelles orientations politiques vous semblent les plus propices à la prise en compte des défis ?
La réglementation de l’habitat et du logement se joue aux niveaux national et local. Je souhaite à la fois une impulsion de la politique locale publique de Bordeaux Métropole, notamment autour d’une offre de foncier social garant de la mixité, et des mesures de l’État pour que celui-ci soit le régulateur assurant l’équité entre les territoires. Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, a signé le 19 mars dernier la convention avec la ministre chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, qui nous engage à réaliser 250 000 logements en deux ans. Je suis solidaire de cet objectif, mais il ne peut être réalisé qu’avec les collectivités qui partagent avec nous cette ambition, qu’il faut mettre en œuvre le plus vite possible, car l’immobilier se joue sur un temps long.
Comment accompagner la transition énergétique et les défis financiers qu’elle propose ?
La transition environnementale est de longue date au cœur des réflexions collectives de l’habitat et du logement social, d’ailleurs pionnier sur ces questions. Aujourd’hui, nous souhaitons que les expérimentations puissent être modélisées financièrement et transposables, pour devenir des outils durables. Nous savons bien que le fait d’aller vers d’autres modèles de construction entraîne des surcoûts pendant quelques années. Néanmoins, l’équilibre des opérations reste un impératif. C’est pourquoi, là encore, le rôle d’accompagnement des collectivités locales reste prépondérant, en attendant que les savoir-faire soient eux aussi adaptés aux nouveaux objectifs, pour la construction neuve ou la réhabilitation. À La Rochelle par exemple, la ville soutient des opérations de ses bailleurs pour créer des zones zéro carbone. C’est une politique locale volontariste.
Vous êtes très engagée sur les questions liées au vieillissement dans les logements Hlm. Où en est-on en Nouvelle-Aquitaine ?
Nous sommes parmi les régions avec le plus fort taux de vieillissement de la population. D’ailleurs, sur les 138 000 demandes en Nouvelle-Aquitaine, 30% sont des demandes de mobilité dans le parc, dont une proportion importante liée au vieillissement. Se pose alors la question : va-t-on fabriquer des villes de seniors ? Ou des villes POUR les seniors ? la réponse est bien sûr que nous devons construire des villes aménagées pour toutes les générations, qui proposent des équipements favorisant l’autonomie des plus anciens, tout en convenant aux générations plus jeunes, pour garantir la ville pour tous en intégrant les espaces publics.
“Va-t-on fabriquer des villes de seniors ? ou des villes POUR les seniors ?”.
Comment intégrer le plus intelligemment dans les résidences les aménagements conçus pour les seniors ?
J’ai la conviction que ces aménagements peuvent s’inscrire dans le concept de confort partagé. Les aménagements que nous faisons pour les personnes âgées sont parfaitement adaptés au confort de tout type de familles. Il ne sert donc à rien de stigmatiser ces logements pensés et conçus pour les personnes âgées. Nous devons être capables d’opérer une rotation entre les générations. Par ailleurs, je crois beaucoup aux colocations seniors. Nous avions déjà des résidences seniors, mais ce concept colocatif est selon moi un des enjeux des prochaines années. Il constitue une des solutions pour lutter contre l’isolement. Nous devons explorer très sérieusement cette piste.
Quid de la proximité des bailleurs avec leurs résidents ?
Pendant la pandémie, les bailleurs ont été plus que jamais réactifs. Nous sommes des acteurs majeurs de la proximité, avec des personnels au plus près des populations les plus exposées à l’isolement. Il s’agit bien là d’une de nos missions essentielles, qui reste notre fil rouge d’action.