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L'agriculture urbaine pollinise les quartiers AH

Les organismes Hlm ont historiquement investi l’agriculture urbaine avec les cités-jardins puis les jardins partagés. Aujourd’hui, le développement de ces initiatives appelle de nouveaux partenariats, de nouvelles expertises, d’autres usages du patrimoine Hlm et de gestion des espaces verts, d’autres façons de créer du lien avec les locataires-habitants.

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L’agriculture urbaine fleurit, essaime, pollinise et produit désormais au vrai sens du terme, c’est-à-dire qu’elle va bien au-delà de quelques salades bien fraîches et quelques kilos de tomates mûries au soleil, au point d’être parfois devenue un ‘’vrai’’ secteur économique, pourvoyeur d’emplois pérennes et de formations professionnalisantes. Le 22 mars dernier, l’USH organisait sur ce thème une journée professionnelle sous forme de webinaire. “Au-delà d’être “sympa”, cette activité a un rôle important, au sens environnemental, mais aussi sociétal car elle contribue à apaiser les lieux et à substituer des activités “désirables” à des activités informelles”, précisait en préambule Céline Di Mercurio, responsable de département Développement social des quartiers à l’USH, et co-organisatrice avec Véronique Velez,  responsable du département Innovation et prospective au sein de la Direction de la Maîtrise d’ouvrage et des Politiques patrimoniales. Ce sujet sera également largement traité lors du prochain Congrès de Lyon en septembre, et a fait l’objet d’un guide publié en mars par l’USH(1).

 

L’agriculture urbaine dans le secteur Hlm

- 300 jardins collectifs
- 87 espaces interstitiels
- 13 fermes urbaines
- 50 ruchers
- 7 élevages et poulaillers
- 4 éco-pâturages (de 500 m2 à 13 000 m2)
- Des typologies variées : écopôle, miellerie pédagogique, pépinières...
- 32 compostages collectifs

 

L’agriculture ne s’improvise pas

Nombre de bailleurs se sont emparés de ce thème, chacun à sa manière, d’abord parce que ces expériences ont presque toujours montré des résultats positifs, tant sur le plan de l’animation et du lien social, que sur l’alimentation et l’éducation à une nourriture plus saine et plus variée. Ensuite parce que les organismes Hlm sont propriétaires de sols non bâtis sous-utilisés, voire délaissés, souvent difficiles à entretenir, et que la culture vivrière constitue une alternative pour valoriser ce foncier… et redessiner les paysages.

Reste que l’agriculture ne s’improvise pas, et qu’il ne suffit pas d’une parcelle, d’une bêche et d’un peu de bonne volonté pour produire fruits et légumes. C’était tout l’objet de ce séminaire qui visait à proposer une méthodologie appuyée sur des expériences menées ici et là. De janvier à mars 2021, l’USH a mené une enquête auprès des organismes Hlm. Les 53 réponses recueillies ont permis d’établir une étude chiffrée (voir encadré), mais aussi de dresser un panorama des possibilités qui s’offrent aux bailleurs, et de détailler des retours d’expériences. Les organisatrices de la journée se sont appuyées sur l’expertise d’associations et de structures spécialisées, telles que l’Association française d’agriculture urbaine professionnelle (Afaup) qui regroupe 110 structures et propose d’accompagner les projets, notamment dans une approche hybride production agricole / pédagogie et formation. Ou encore l’Exp’AU, un bureau d’expertise en agricultures urbaines. Et ceci pour des activités agricoles sur tous types de sites urbains, que ce soit au sol, sur les toits, ou encore en sous-sol… Ces derniers sujets exigeant l’expertise du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), pour évaluer la possibilité technique de cultiver sur du bâti (portance des toitures, étanchéité...).

Quelle stratégie globale ?

Première question à se poser pour le bailleur : quelles sont les priorités pour le quartier ? S’agit-il de lutter contre la précarité alimentaire, favoriser le lien social et la tranquillité résidentielle, améliorer l’image du quartier, développer une activité économique en circuit court ou encore construire un projet avec les habitants ?

La deuxième question conduit à s’interroger sur les besoins et les attentes des parties prenantes externes (locataires, acteurs économiques, collectivités...), étape qui induit de prévoir les moyens humains, interne et externe, pour monter le projet. Mieux vaut s’appuyer sur des leviers efficaces, comme la mobilisation d’un personnel de proximité. Le soutien de la collectivité s’avère souvent plus puissant lorsque le projet prévoit un solide volet pédagogique autour de la nature ou des biodéchets, par exemple avec les écoles environnantes ou les centres sociaux. Il est alors utile d’inventorier quels sont les acteurs externes sur le territoire, agriculteurs mais aussi associations spécialisées ou habitants investis.

La troisième question vise à choisir un site adapté, qui réponde aux contraintes techniques : surfaces disponible, nature du sol, approvisionnement en eau, accessibilité… mais aussi sécurité et éventuels conflits d’usages.

Cultiver le lien social

Historiquement, les potagers ont émergé les premiers, souvent autour de projets liés à l’insertion et à une meilleure alimentation. Ces jardins pédagogiques sont généralement animés par une association qui fédère les habitants de la résidence, mais aussi les écoles, un EHPAD, une entreprise ou la collectivité locale. Les productions sont données, partagées ou auto-consommées, par exemple dans le cadre de pique-niques collectifs et de préparations culinaires. Ces jardins peuvent être aussi le moyen d’inciter les habitants à produire eux-mêmes sur leurs parcelles, comme c’est le cas à Raisme (Nord), où a été créé, dans une cité minière gérée par SIA Habitat, l’écoferme pédagogique du Pinson, adossée à une association d’insertion. Un petit hectare de terrain, 4 serres, quelques volailles, des chèvres et un rucher, et des animations pour acculturer les habitants à réinvestir leurs jardins, souvent occupés par des jeux pour enfants ou de simples pelouses. Objectif : diffuser de nouvelles pratiques, organiser fêtes en plein air et portes ouvertes. Et nourrir le projet alimentaire territorial porté par la ville et désormais relayé par la Communauté de communes de la Porte du Hainaut.

Aux abords de la résidence Blaise de Floirac (33), les parcelles ne sont plus traitées de façon motorisée par la régie d’espaces verts du bailleur Aquitanis : la tonte est effectuée par des troupeaux de moutons et de chèvres ! Ce projet d’éco-pâturage a été lancé en 2021, sur un terrain de 10 000 m2, avec une éleveuse de l’entreprise Reflex Nature qui finance les clôtures mobiles. Le coût pour le bailleur est similaire, environ 7 200 € TTC/an/ha. La plus-value se mesure en observant les liens qui se sont tissés entre les habitants entre eux et ceux qui se sont créés entre les résidents et les animaux. Une évaluation est en cours pour déterminer si la méthode écologique permettra de réduire les charges des locataires.

Urbaines et participatives

La ferme urbaine et participative mêle à la fois la production en bonne et due forme (plus de 50% des revenus doivent être générés par l’activité agricole), la pédagogie et l’animation. Toulouse Métropole Habitat (TMH) a ainsi développé sur deux sites, Les Jardins partagés de la Vierge et Les Izards, une ferme urbaine à vocation sociale. Le bailleur s’est appuyé sur un prestataire, la Milpa, des maraîchers professionnels. “Première étape : définir un modèle économique afin que le projet n’ait pas d’impact sur les charges locatives et pour qu’il soit pérenne”, souligne Cendrine Maurel, responsable Clientèles et Territoires chez TMH.

La friche des Trois cocus, née d’une opération de démolition entre 2013 et 2016, était en attente de projet et générait des coûts pour le bailleur. En 2017, elle a été transformée en un espace maraîcher de 2 000 m2 et une prairie fleurie de 1 500 m2, ce qui lui a valu d’être récompensée par les Trophées de l’Innovation Hlm 2018. Elle est désormais considérée comme un terreau préparatoire pour les projets d’aménagement futurs.

Dans la résidence de La Vierge, les espaces, composés au départ essentiellement de pelouses, ont été partagés en trois zones : pour l’agrément (herbe tondue) ; pour le potager ; et une zone libre, nécessitant peu d’entretien. Le travail s’est concentré sur la partie potager qui a pris la forme de rangées d’oignons, choux, coriandre, navets, salades, tomates, courgettes, maïs, haricots, betteraves… Un projet pédagogique est mené avec les élèves, les centres sociaux... La Milpa entretient les espaces qui lui sont concédés en prestation globale d’entretien d’espaces verts, et accompagne le potager “dans une relation à trois avec le bailleur, les locataires et le prestataire afin que les deuxièmes s’approprient le projet avec le troisième”, précise Cendrine Maurel.

Urbaines et productives

Les fermes urbaines productives ne sont pas (ou peu) ouvertes au public et ne proposent que peu (ou pas) d’activités annexes. Ici la production agricole doit constituer 50% des revenus.

C’est le cas de la micro-safranière du toit terrasse du Monoprix Daviel à Paris, dont le bâtiment est propriété de Paris Habitat. Le safran, qui nécessite peu d’entretien, peu d’eau, et peu de surface de stockage, est ici cultivé hors sol depuis 2018 par une entreprise, les Biens élevées, contre un loyer de 555 € par an. Auparavant affectés par des jets de détritus, les 700 m2 de toiture inaccessible au public sont aujourd’hui plantés de 35 000 bulbes produisant le précieux pistil.

Les projets peuvent faire l’objet de nombreux soutiens : l’Anru (Quartiers fertiles), mais aussi les Agences de l’eau, l’Ademe et les collectivités territoriales qui elles, aussi, développent de plus en plus des projets d’alimentation territoriaux et des actions pour la biodiversité.

(1) L’agriculture urbaine dans le secteur Hlm : un atout pour les lieux de vie partagés, attractifs et durables – guide pratique, mars 2022, en ligne sur le centre de ressources de l’USH ; voir p. 20.

Pour en savoir plus : L'agriculture urbaine dans le secteur Hlm : un atout pour des lieux de vie partagés, attractifs et durables - Guide pratique