

Actualités
Thème de la publication
Construction & ArchitectureNuméro
Actualités Habitat n°1164
Paru dans
Date de publication :
15 avril 2022
Auteur(s) :
ACHILLE DEFAWE , VALÉRIE LIQUET
La construction et la rénovation bas-carbone et responsable
Acier, béton, bois et biosourcés, terre cuite, pierre naturelle… Premier tour d’horizon des filières de matériaux et des solutions constructives au regard de leur impact carbone.
L’USH a organisé le 3 mars la première partie d’un webinaire intitulé “Matériaux et réemploi de matériaux pour la construction et la rénovation bas-carbone et responsable” qui se déroulera en deux temps(1). Ce premier aperçu a présenté les principaux procédés constructifs par filière de matériaux : acier, béton, bois et biosourcés, terre cuite et pierre naturelle. Leurs avantages, la structuration des acteurs, notamment au regard des enjeux environnementaux ainsi qu’une description des produits les plus courants, ont été détaillés par un expert de l’institut MECD (Matériaux et équipements pour la construction durable)(2).
Tout l’enjeu pour la maîtrise d’ouvrage Hlm est en effet de bien identifier les matériaux stratégiques (et les combinaisons de matériaux) pour les projets de construction mais aussi en anticipation pour la réhabilitation. L’objectif étant de favoriser des matériaux avec le plus faible impact carbone, voire ceux permettant de favoriser le stockage du carbone pendant le cycle de vie du bâtiment. Et cela, avec les meilleures qualités au regard de l’environnement (réemploi, réutilisation actuels ou futurs).
Au-delà du carbone
Inscrite en continuité de la réglementation thermique RT 2012, la RE 2020 vise à réduire un peu plus la consommation énergétique des bâtiments par le relèvement des seuils de performance, et ajoute une évaluation environnementale qui se traduit par l’apparition de l’indicateur “‘carbone” pour l’ouvrage et ses composants. Applicable depuis le 1er janvier 2022 aux logements, cette nouvelle réglementation s’étendra aux bâtiments tertiaires dans le courant de l’année 2023. Participant aux objectifs de réduction de la consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, les seuils de performance des bâtiments neufs seront relevés tous les trois ans par des paliers progressifs, déjà établis. Le volet environnemental introduit le recours à l’analyse de cycle de vie et à une approche dite ‘’dynamique’’ (même si cette orientation gouvernementale est parfois controversée).
Justification des exigences environnementales
Car tous les produits ont un impact sur l’environnement. Il peut être lié à sa fabrication, son transport, sa mise en œuvre, à son usage ou encore à sa fin de vie. Afin de l’évaluer objectivement, des outils ont été développés au niveau international avec des spécificités en fonction des pays. Ils permettent de prendre en compte les consommations de ressources, la production de déchets et les émissions polluantes. Les procédures de reconnaissance des procédés constructifs et les démarches d’introduction à l’innovation permettent ainsi aux maîtres d’ouvrage d’anticiper au mieux ces parcours.
La fiche de déclaration environnementale et sanitaire, dite “FDES”, est la version française d’un document normalisé qui présente les résultats de l’analyse de cycle de vie menée sur la durée de vie complète du produit visé : “du berceau à la tombe”. Elle est fixée par convention à 50 ans. En France, sont ajoutées à cette fiche des informations sanitaires et de confort. Une FDES est établie pour un produit de construction précis, appartenant à une gamme et peut être individuelle ou collective.
Les FDES collectives sont établies pour un ensemble de produits fabriqués par plusieurs industriels. Les FDES individuelles portent sur un produit ou une gamme de produits fabriqués par un seul industriel. Dans certains cas, et pour certains produits, il peut être très utile de personnaliser les données d’entrées des FDES pour s’adapter aux conditions précises de l’opération étudiée (composition du produit, section/dimensions, distances de transport…). Ainsi, des outils appelés “configurateurs” ont été développés par différentes filières de la construction pour aider l’utilisateur souhaitant réaliser une ACV bâtiment.
L’indicateur Réchauffement climatique, souvent appelé “indicateur carbone”, est le plus connu des indicateurs de cycle de vie. Ce n’est pourtant que l’un des 28 indicateurs qui composent un inventaire de cycle de vie. Les 28 indicateurs d’une FDES sont répartis en quatre catégories : impacts environnementaux ; consommations de ressources ; catégories de déchets (déchets solides éliminés) ; flux sortants (déchets valorisés et énergie exportée). Les 28 indicateurs sont tous à prendre en compte pour mener une évaluation environnementale complète.
La méthode d’analyse de cycle de vie dynamique consiste ainsi à dresser le bilan le plus complet possible des flux entrants dans la composition, la transformation, l’utilisation et la fin de vie d’un produit ou d’un service et d’un ouvrage. Ces flux, nécessaires à chacune des étapes de la vie du bâtiment, prennent en compte les matières, l’énergie et le transport. Également comptabilisés, les flux sortants considèrent toutes les émissions dans l’air et dans le sol et les déchets générés. Ensuite, grâce à des logiciels dédiés, ces flux sont convertis et ventilés selon chacun des indicateurs d’impacts environnementaux représentant à la fois des impacts potentiels (par exemple : x kg d’équivalents CO2 pour l’effet de serre) et des flux physiques (par exemple : x kg de déchets dangereux).
Reconnaissance technique et assurabilité
La reconnaissance technique des procédés de construction prend appui à la fois sur les règlementations en vigueur à l’échelle nationale ou européenne, sur les règles de l’art et sur l’ensemble des normes applicables au domaine de la construction. Ces dernières peuvent porter distinctement sur les spécifications des produits ou systèmes eux-mêmes et sur leurs modalités de mise en œuvre. Les modalités pour la reconnaissance technique ont pour objectif d’établir un niveau de confiance suffisant entre les différentes partenaires à l’acte de construire : fabricants, maîtres d’ouvrages, prescripteurs et metteurs en œuvre et surtout les contrôleurs et assureurs, préoccupés du respect de bonnes dispositions.
Certains matériaux disposent de normes, d’Avis techniques (Atec) ou d’Appréciation technique d’expérimentation (ATEx), de Documents techniques unifiés (DTU) et règles professionnelles. Ces documents attestent des qualités techniques des matériaux (réaction au feu, durabilité, résistance mécanique...) et garantissent l’assurabilité des bâtiments dans lesquels ils sont mis en œuvre. D’autres ont besoin d’avancer dans leur processus de normalisation.
L’Atec est un avis écrit par un Groupe spécialisé (GS), groupe d'experts représentatifs des professions, sur l'aptitude à l'emploi, la durabilité et la conformité à la règlementation d’un procédé innovant de construction, identifié par sa marque commerciale. Il appartient en général à un industriel qui met le produit en question sur le marché.
L’ATEx est une procédure rapide d'évaluation technique visant un procédé ou un produit innovant, en préalable à un éventuel Atec. Formulée par un groupe d’experts sur la base d’un dossier de preuves constitué par le demandeur, l’ATEx repose sur des premiers retours d’expérience sur la mise en œuvre avec quatre objectifs : faciliter l'intégration des expérimentations dans la construction ; favoriser l'identification des risques et leur prévention en permettant aux assureurs de les prendre en compte en connaissance de cause et de manière équilibrée ; inciter les maîtres d'ouvrage à favoriser l'expérimentation ; favoriser le recours aux ouvertures réglementaires.
Les outils à disposition des organismes Hlm
Afin de mieux appréhender ces données et se doter d’outils pour analyser la performance de bâtiments et de produits, l’USH a créé avec l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB), Carbone 4 et l’Afpols, l’École bas-carbone du logement social(3) constituée d’un observatoire bas-carbone, d’un outil d’analyse de matériaux, de “briefs filières” proposant des formations. L’outil d’analyse de produits de constructions et d’équipements permet d’identifier les matériaux bas-carbone et les gains potentiels sur un projet. L’objectif est de “se familiariser avec les ordres de grandeurs des indicateurs clés de la RE 2020, d’offrir une comparaison de bâtiments selon les modes constructifs, d’identifier les matériaux bas-carbone et les potentiels gains sur un projet”, explique Christophe Rodriguez, directeur adjoint de l’IFPEB.
Face au défi que l’ensemble des acteurs de la construction - du fabricant de produit à l’utilisateur du bâtiment en passant par le maître d’ouvrage - doit relever, il est probable que les solutions ne pourront provenir d’un seul matériau et que, plus que jamais, l’avenir de la construction se développera au travers du recours à la mixité des produits, des techniques et des usages.
(1) La 2e partie de ce webinar sur les matériaux et le réemploi de matériaux se tiendra le 14 juin sur le thème de l’économie circulaire.
(2) Le MECD regroupe tous les centres techniques industriels (CTI) des filières de matériaux de construction.
(3) https://ecole-bas-carbone.union-habitat.org/
Réemploi : composants n’ayant aucun impact... à ce jour !
L’arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments introduit une convention liée à l’utilisation de composants issus du réemploi ou de la réutilisation. Les composants (produits de construction ou équipements) issus du réemploi ou d’une opération de réutilisation (c’est-à-dire employés une nouvelle fois, pour un usage identique ou un nouvel usage, dans le même ou un autre bâtiment, sans retraitement hormis des opérations de reconditionnement, nettoyage ou réparation) sont considérés comme n’ayant aucun impact. Les valeurs des impacts pour tous les modules du cycle de vie sont donc nulles. Cependant, les impacts environnementaux des produits complémentaires nécessaires à la mise en œuvre des composants issus du réemploi ou de la réutilisation doivent être comptabilisés. Ces dispositions restent en discussion entre les experts et de nouvelles règles pourraient être définies par la suite.
Pour en savoir plus : Matériaux stratégiques pour une construction et rénovation bas carbone et responsable - Repères °90
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1164 DU 15 avril 2022
Actualités Habitat n°1164
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