Menée entre le printemps 2016 et début 2018, en lien avec des experts nationaux sélectionnés par Housing Europe, l’étude offre à la fois un éclairage sur chacun des pays étudiés et une mise en perspective d’ensemble des enjeux et des difficultés rencontrées. Elle s’est toutefois heurtée aux limites intrinsèques à ce type d’exercice, notamment en termes de disponibilité des données et de comparabilité entre pays. Le parc locatif social n’occupe pas la même place dans chacun des pays, en valeur absolue ou en valeur relative. Ce qui peut expliquer en partie l’importance accordée à la problématique de la rénovation des logements sociaux. De plus, si les parcs français, suédois, néerlandais et anglais de logements sociaux ont une moyenne d’âge d’environ quarante ans, en Autriche et en Allemagne ils sont nettement plus jeunes, avec une prédominance du parc construit dans le dernier quart de siècle.
Les caractéristiques du parc
Les étiquettes énergie
L’Autriche dispose d’un parc assez récent et donc assez performant. Les Pays-Bas sont plus polarisés avec environ 30% de leur parc dans les classes A et B mais aussi 15% dans les dernières étiquettes. La France et l’Angleterre ont peu de logements dans les meilleures étiquettes avec une large prédominance des classes C et D. Bien qu’elles soient encadrées par une Directive européenne, les méthodes de calcul des classes énergie sont propres à chaque pays : le graphe suivant doit donc être lu comme une vision des performances du parc de chaque pays plutôt qu’une comparaison directe entre pays. Les données sont indisponibles à ce jour en Allemagne et en Suède.
Les modes d’énergie utilisés
Les pays étudiés peuvent être distingués en trois groupes :
- les pays où prédomine l’utilisation du gaz (Royaume-Uni et Pays-Bas) ;
- les pays où domine le chauffage urbain (Allemagne, Suède et Autriche) ;
- les pays avec un mix équilibré de plusieurs énergies (France). Mais il faut noter que le gaz, l’électricité et le chauffage urbain proviennent de modes de production plus ou moins verts et qui sont appelés à se verdir dans le futur. La France se distingue des autres pays par la part du parc chauffé à l’électricité. On relève peu d’installations en énergies renouvelables dans l’ensemble des pays et aussi peu d’autoconsommation à ce jour.
Les objectifs de rénovation énergétique fixés et atteints
Ce sont les entités détentrices du parc locatif social qui décident de la rénovation de tel ou tel logement, ceci dans un cadre réglementaire défini par les institutions publiques. Les pays diffèrent par l’ampleur des objectifs qu’ils se sont assignés. Certains pays ont des objectifs chiffrés en nombre de logements à rénover à une certaine date. En Autriche, l’objectif de rénovations annuelles est de 3% du parc contre un rythme de 2,5% actuellement. En France, les ordres de grandeur sont similaires : l’objectif est de 150 000 logements sociaux rénovés par an (3% du parc social). Ces dernières années, environ 110 000 logements Hlm ont été rénovés par an (2,3%) dont plus d’un tiers (40000) bénéficiant d’un éco-prêt. Les Pays-Bas apparaissent encore plus volontaristes avec 140 000 rénovations annuelles (6% du parc) dont 36 000 rénovations énergétiques et un programme de "saut énergétique" où plus de 1 000 logements sont passés à énergie zéro.
Les autres pays n’ont pas d’objectifs chiffrés de rénovation de logements sociaux. En Allemagne, l’objectif porte sur une baisse de 20% des consommations d’énergie finale en 2025 par rapport aux niveaux de 2005. Il est également prévu la généralisation des bâtiments à énergie nulle dès 2021 pour la construction neuve. En Suède, l’utilisation de l’énergie doit être 50% plus efficace à horizon 2030 qu’en 2005. Au Royaume-Uni, tous les logements du parc social doivent atteindre l’étiquette C à horizon 2030 et les logements des étiquettes F et G doivent être éradiqués à horizon 2020(1).
Globalement, le choix qui a été fait est donc plutôt d’une massification de la rénovation énergétique que d’une expérimentation d’équipements très performants.
Dans tous les pays, les performances après rénovation sont estimées selon des calculs théoriques. S’il y a bien des contrôles sur les travaux effectués, il y a en revanche peu de suivi des consommations réelles, à l’exception de la production d’électricité photovoltaïque mise sur le réseau. Les garanties de performance restent parcimonieuses.
La nature des travaux et le coût des opérations
Les travaux sont la plupart du temps sous-traités à des entrepreneurs et portent en général sur l’isolation extérieur et intérieure, l’amélioration de la ventilation, des modes de chauffage et parfois de l’éclairage. Certains pays vont cependant plus loin en intervenant sur des éléments d’entretien et de confort (par exemple, réfection des systèmes d’évacuation et amélioration qualitative de la cuisine et des salles d’eau en Suède ou aux Pays-Bas). Certains pays prennent également en compte l’avis du locataire et/ou du sous-traitant sur la nature des travaux à entreprendre.
Les travaux de rénovation énergétique sont quasiment toujours entrepris dans le cadre d’une rénovation plus large. Le coût moyen de ces travaux s’étage de 9 K€ à 17,5 K€ par logement, pour des opérations de rénovation comprises dans une fourchette de 21 K€ à 46 K€ par logement. Ces travaux représentent entre 20 et 80% du coût d’une opération standard. Le coût de rénovation énergétique, s’il est élevé partout, n’est véritablement dissuasif nulle part ; ce qui signifie qu’une action énergétique à grande échelle peut tout à fait être envisagée. À noter que les travaux peuvent être entrepris sans l’accord formel des locataires dans plusieurs pays, tandis que dans d’autres, leur consentement est un préalable.

Exemples de travaux de rénovation énergétique sur des Hlm en Autriche. © Vogewosi
Les financements
Les rénovations se financent via différentes combinaisons de fonds propres, de prêts bonifiés, de prêts bancaires, de subventions, voire d’émissions d’obligations. Les prêts sont souvent bonifiés par une banque publique (hormis aux Pays-Bas ou en Angleterre). De même, les subventions peuvent être importantes mais elles ne constituent pas un mode de financement en Allemagne ou en Suède. En règle générale, les prêts publics ou subventions sont d’autant plus avantageux que le niveau de performance attendue après travaux est élevé.
Dans plusieurs pays, les excédents d’autofinancement du parc ancien déjà amorti et/ou une péréquation avec des activités commerciales abondent les réserves et permettent le financement de la rénovation. Seuls les opérateurs autrichiens et suédois ne font pas appel à leurs fonds propres pour rénover.
L’Autriche est un cas à part car elle a mis en place un système de "provision de loyer". Dès l’emménagement du locataire, celui-ci paie un montant par m2 et par mois qui est mis de côté, ne peut être employé à une autre affectation et servira à financer la rénovation énergétique. Cette provision évolue dans le temps et permet de financer environ la moitié du coût de la rénovation du logement.
Les certificats d’économie d’énergie ont connu peu de succès : ils n’existent qu’en France et au Royaume-Uni, pour des montants marginaux de l’investissement.
Les émissions d’obligations vertes sont également peu utilisées. Seule la Suède a essayé de développer cet outil de financement, dans des proportions réduites.
Les aides européennes (Fonds européen de développement régional ou prêts de la Banque européenne d’investissement) demeurent également des financements marginaux partout.
Les avantages fiscaux
Dans plusieurs pays, les opérateurs jouissent d’un taux de TVA réduit mais cette règle souffre d’exceptions. Le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties est une exception française que l’on ne retrouve pas ailleurs. En Autriche, la TVA est incluse dans le quittancement du loyer et cette taxe est donc expressément à la charge du locataire, perçu comme le consommateur final du service logement.
Les hausses de loyer
Hormis en Autriche, qui s’est doté d’un système de "provision locative" évoqué précédemment, les hausses de loyer sont en général plutôt modérées.
En Allemagne, la loi permet des hausses de loyer qui peuvent couvrir jusqu’à 11% de l’investissement énergétique et en Suède, des hausses de loyer de 25% sont théoriquement possibles. Toutefois, dans la pratique elles sont moindres et étagées dans le temps. Il est également tenu compte du profil socioéconomique du locataire. En Angleterre, elles sont prohibées.
Points communs avec la France
Un certain nombre de points abordés dans cette étude entrent en résonance avec les débats actuels français. En Autriche et en Angleterre, l’individualisation des frais de chauffage a été mise en œuvre. En Suède, les travaux énergétiques sont souvent conduits à la relocation ou lorsque les logements sont vacants. Certains pays font également face à des problématiques territoriales très disparates, comme par exemple les profondes différences entre les Länders ouest et est allemands.
En Angleterre comme en France, le logement social est moins énergivore que le parc privé mais les passoires thermiques subsistent dans le parc social.
Certains pays impliquent le locataire ou les sous-traitants dans le choix des travaux. Certains pratiquent des hausses de loyer en fonction de l’importance des rénovations entreprises ou des loyers à points. Ces mesures expérimentées ailleurs peuvent constituer des pistes de réflexion pour la France.
Étude disponible sur le Centre de ressources sur le site Internet USH. Voir également le dossier rénovation énergétique page 22.
Contact : Martin de Bettignies, DEEF, Housing Europe.