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La VEFA : un outil à maîtriser AH

Si les organismes Hlm peuvent acheter des logements en VEFA, il est important de bien connaître la réglementation qui s’impose à eux pour la production de logements sociaux.

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Afin de répondre à cette question, il convient de s'interroger sur la possibilité, pour les organismes Hlm, compte tenu de leur statut, de recourir à la VEFA sans contradiction avec d'autres législations qui s'imposeraient à eux, pour la construction de logements locatifs sociaux. En effet, ils sont soumis, d'une part, à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, dite loi MOP et, d'autre part, à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

LA COMPATIBILITÉ DE LA LOI MOP AVEC LE CONTRAT DE VEFA

La loi MOP est-elle compatible avec le contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) ? Quelles sont les obligations issues de la loi MOP qui s’imposent aux organismes Hlm ? Et qu’est-ce qu’un contrat de VEFA ?

Les obligations des bailleurs issues de la loi

MOP Aux termes de la loi MOP, et notamment de son article 2 : "I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux…".
Son article 2 prévoit, cependant, que "...les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables : - aux ouvrages de bâtiment acquis par les organismes énumérés à l'article L. 411-2 du Code de la construction et de l'habitation et les sociétés d'économie mixte par un contrat de vente d'immeuble à construire prévu par les articles 1601-1, 1601-2 et 1601-3 du Code civil."

La définition du contrat de VEFA Selon l’article 1601-3 du Code civil : "La vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux." À la lecture de la loi MOP, si les organismes Hlm sont tenus d’assurer directement la maîtrise d’ouvrage de leur patrimoine, ils en sont dispensés lorsqu’ils acquièrent des ouvrages par le biais d’un contrat de VEFA. L’exclusion de la VEFA est justifiée par le fait que l’organisme Hlm acquiert un immeuble en construction sans en être le maître d’ouvrage, la maîtrise d’ouvrage étant assurée par le vendeur, propriétaire du terrain ou titulaire du droit à construire sur celui-ci. Ainsi, dans ce cas, l’organisme Hlm n’est pas maître d’ouvrage, il n’est donc pas tenu de respecter les prescriptions de la loi MOP. C’est pourquoi, le recours à la VEFA par les personnes soumises à la loi MOP est légal dans la mesure où elles n’assurent pas la maîtrise d’ouvrage.

La position de la jurisprudence

Or, dans certains cas, la jurisprudence administrative a analysé le recours à la VEFA en un détournement de la loi MOP (Cf. CE. 08/02/1991. Région Midi-Pyrénées c/ Syndicat de l’architecture de la Haute-Garonne). Il s’agit d’hypothèses dans lesquelles les personnes soumises à la loi MOP ont exercé, alors qu’elles ont conclu un contrat de VEFA, de manière déguisée leurs responsabilités de maître de l'ouvrage à la place du vendeur, tel est le cas :

  • lorsque l’objet de l’opération consiste en la construction même d’un immeuble pour le compte de la personne publique ;
  • lorsque l’immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété ;
  • lorsqu’il a été conclu en fonction des besoins propres de la personne publique. La position du gouvernement Mais malgré cette jurisprudence, une incertitude demeurait quant au caractère cumulatif ou non des conditions posées par la jurisprudence "Région Midi-Pyrénées". C’est pourquoi, le gouvernement a sollicité l’avis du Conseil d’État. Dans un avis en date du 31 janvier 1995, ce dernier a estimé que le recours à la VEFA serait contraire aux dispositions de la loi MOP et du Code des marchés publics dès lors que l'objet de l'opération est la construction même d’un immeuble pour le compte de la personne publique, que l’immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété et qu’il a été conçu en fonction de ses besoins propres. L’avis précise que l’ensemble des conditions doivent jouer de façon cumulative : si l’une d’elles devait manquer, le recours à la maîtrise d’ouvrage publique n’aurait pas à s’appliquer. En dépit de ces jurisprudences, plusieurs circulaires sont venues préciser les conditions de recours par les organismes Hlm à la VEFA.

• La circulaire UHC/FB 12 no 2000-42 du 13 juin 2000. Cette circulaire concernant la mise en œuvre des dispositions du décret no 2000-104 du 8 février 2000 modifiant le Code de la construction et de l’habitation (CCH) précise dans son article I.2. relatif à la possibilité de financer en PLUS ou PLA-I l’acquisition de logements locatifs neufs par les organismes Hlm dans le cadre de la VEFA : "Depuis l’intervention de la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967, les personnes morales de droit public peuvent acquérir des immeubles en VEFA. Par ailleurs, la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991 a exclu du champ d’application de la loi MOP du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique, les ouvrages de bâtiment acquis par les organismes Hlm par un contrat de VEFA. "Afin de favoriser une meilleure répartition des logements locatifs sociaux sur les territoires communaux et le développement du logement social en centre-ville, qui ne peut être bien souvent obtenu que par l’acquisition-amélioration, le financement de l’acquisition de logements locatifs neufs au moyen d’une VEFA est désormais possible en PLUS et en PLA-I dans les conditions restrictives précisées ci-dessous.
"Ce financement de l’acquisition de logements en VEFA ne pourra avoir pour effet de contourner les règles prévues aux articles R. 433-5 à R. 433-23 du CCH et ne doit être utilisé que lorsque les méthodes classiques de maîtrise d’ouvrage n’auront pu être mises en œuvre. "En effet, le recours à la VEFA devient illégal lorsque les collectivités publiques utilisent ce contrat pour faire construire un immeuble à leur place par un promoteur privé ; le vendeur devient alors un simple prestataire de services pour un acheteur qui, en réalité, est le véritable maître d’ouvrage de l’opération. Ainsi, avant d’autoriser le financement, il faut s’assurer que :
- ce type d’acquisition reste accessoire pour la constitution du patrimoine de l’organisme par rapport à son activité classique de constructeur ;
- la VEFA ne doit être financée que pour des logements situés dans des immeubles ou ensembles immobiliers comportant une majorité de logements qui ne sont ni la propriété des organismes de logement social, ni pris en gestion par ces derniers. Il conviendra, en règle générale, de ne retenir que quelques logements à l’intérieur de ces opérations, ce qui permettra, en outre, d’assurer un maximum de mixité sociale dans les immeubles concernés. "Il faudra également vérifier l’intérêt de cette acquisition pour l’organisme acheteur et, en particulier, l’adéquation des prix d’acquisition avec ceux du marché ainsi que la qualité des logements à acquérir au regard des normes techniques en vigueur."

• La circulaire UHC/IUH2 2005-22 du 17 mars 2005. Relative à la mise en œuvre de la politique du logement et à la programmation des financements aidés de l’État pour 2005, elle rappelle que : "Les circulaires du 12 mars 2001 (§ II a) et du 30 décembre 2003 (§ I 7) relatives aux prêts locatifs sociaux (PLS) permettent aux organismes Hlm d’acquérir, à l’aide des financements PLUS, PLA-I, PLS, des logements dans le cadre de VEFA. Je vous rappelle que les organismes Hlm ne peuvent acquérir directement en VEFA qu’un nombre minoritaire de logements dans une même opération."
Il ressort des termes mêmes de ces circulaires que le gouvernement a transposé les conditions de recours à la VEFA issues des jurisprudences administratives précitées, dans la mesure où elles limitent le recours à la VEFA par les organismes Hlm à "l’acquisition minoritaire" au sein d’un programme de construction.
Toutefois, cette règle semble avoir été remise en cause par le plan de relance en faveur du logement prévoyant l’acquisition de 30 000 logements par les organismes Hlm, lequel a créé l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation qui lui aussi semble autoriser plus largement le recours par les organismes Hlm à la VEFA. En effet, l’article L433-2 dispose qu’"un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 ou une société d'économie mixte peut, dans le cadre de l'article 1601-3 du Code civil ou des articles L. 262-1 à L. 262-11 du présent code, acquérir :
- des immeubles ayant les caractéristiques de logement-foyer mentionné à l'article L. 633-1 ou de résidence hôtelière à vocation sociale mentionnée à l'article L. 631-11 ;
- des ouvrages de bâtiment auprès d'un autre organisme d'habitations à loyer modéré ou d'une autre société d'économie mixte ;
- des logements inclus dans un programme de construction, à la condition que celui-ci ait été établi par un tiers et que les demandes de permis de construire aient déjà été déposées."
Il ressort de ces dispositions que le recours par les organismes Hlm à la VEFA doit être considéré comme autonome et ne pas relever entièrement des jurisprudences précitées. En effet, d’une part, les organismes Hlm ont la possibilité d’acquérir :
- un immeuble entier en VEFA lorsque l’acquisition a pour objet des immeubles ayant les caractéristiques de logement-foyer mentionné à l'article L. 633-1 ou de résidence hôtelière à vocation sociale mentionnée à l'article L. 631-11 ou lorsque l’acquisition a pour objet des ouvrages de bâtiment acquis auprès d'un autre organisme d'habitations à loyer modéré ou d'une autre société d'économie mixte ;
- une partie de l’immeuble en VEFA lorsque les logements sont inclus dans un programme de construction, à la condition que celui-ci ait été établi par un tiers et que les demandes de permis de construire aient déjà été déposées. Ainsi, si un bailleur social peut acquérir l’ensemble d’un bâtiment, c’est uniquement dans les cas visés à l’article L. 432-2 précité, et si et seulement si, il n’a pas contourné les dispositions de la loi MOP ainsi que les dispositions relatives aux règles des marchés publics.

LA COMPATIBILITÉ DES RÈGLES DE MARCHÉS PUBLICS AVEC LA VEFA

Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, sont soumis aux règles de mise en concurrence les marchés de travaux, de fournitures et de prestations de services. Cependant, l’article 14 de ladite ordonnance exclut du champ de la mise en concurrence une liste de prestations de services au titre desquelles celles présentant les caractéristiques suivantes : les marchés de services qui ont pour objet l’acquisition de bâtiments existants ou de biens immeubles.

La position du juge français

Dans certains cas, le juge considère que la VEFA doit faire l’objet d’une mise en concurrence. À cet égard, il se base sur la définition du marché de travaux qui définit ces marchés comme ceux conclus avec des entrepreneurs qui ont pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution d'un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. (Cf. article 5 de l’ordonnance précitée). Ainsi, le juge assimile le contrat de VEFA à un marché public de travaux, lequel est soumis aux règles de passation des marchés. Pour mettre en œuvre les procédures de mise en concurrence, se pose alors la question de savoir si la VEFA s’apparente à un marché de service ou à un marché de travaux.

Dans l’hypothèse où :

  • la construction de l’ouvrage n’a pas pour objet spécifique et exclusif de répondre aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur, comme l’implique la définition du marché de travaux ;
  • le vendeur est à l’initiative de la construction, à l’inverse de ce qu’implique la notion de marché de travaux, c’est l’acquéreur qui doit être à l’initiative du projet ; • le contrat n’a pas pour objet la construction mais la vente d’immeuble, c’est ce qui distingue le marché de services du marché travaux. Dès lors que ces trois critères cumulatifs sont remplis, il s’agira bien d’une vente immobilière, c’est-à-dire d’un marché de services lequel est dispensé des règles de mise en concurrence aux termes de l’article 14 de l’ordonnance précitée.

Dans l’hypothèse où :

  • l’objet de l’opération est la construction même d’un immeuble ;
  • la construction est pour le compte du pouvoir adjudicateur ;
  • l’immeuble est entièrement destiné à devenir la propriété du pouvoir adjudicateur,
  • l’immeuble a été conçu en fonction de besoins propres du pouvoir adjudicateur.

Dès lors que ces quatre critères cumulatifs sont remplis, il s’agira bien d’un marché de travaux, lequel est soumis aux règles de mise en concurrence aux termes de l’article 4 de l’ordonnance précitée. 

La position du juge communautaire

Le juge communautaire va plus loin : il a tendance à englober dans le giron des marchés publics un grand nombre de VEFA grâce à une conception extensive de la notion de marché public de travaux. Dans l’affaire Impresa Pizzarotti c. Comune di Bari (2014), la CJCE a conclu que ledit contrat de location en l’état de futur d’achèvement devait être considéré comme un marché public de travaux dès lors que le contrat :

  • a pour "objet principal la réalisation de l’ouvrage" ;
  • répond aux besoins de la personne publique ; et cette condition étant caractérisée lorsque la personne publique a "pris des mesures afin d’en définir les caractéristiques ou, à tout le moins, a exercé une influence déterminante sur sa conception."

L’ordonnance des marchés publics reprend les principes posés par cette jurisprudence dans la définition de marché public de travaux. Désormais, les marchés publics de travaux sont à présent définis comme ayant pour objet : "1° Soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux dont la liste est publiée au Journal officiel de la République française ; 2° Soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception".

Ainsi, cette nouvelle définition des marchés de travaux rend plus difficile le recours à la VEFA pour les organismes Hlm. Au surplus, il est à noter que le juge a tendance à s’interroger sur la légalité du recours à la VEFA, lorsque le pouvoir adjudicateur a acquis en grande partie l’immeuble, considérant que l’opération de construction n’aurait pu être réalisé sans le concours financier de la personne soumise aux règles des marchés publics.

Thèmes : Marchés des organismes Hlm/Champ d’application matérielle/Exclusions.

Contact : Alima Mial, Conseillère juridique marchés publics & privés, contrats techniques, bâtiment et développement durable, Direction des études juridiques et fiscales ; Tél. : 01 40 75 78 60 ; Mél. : ush-djef@union-habitat.org