Lancée avec le soutien de plusieurs partenaires dont l’USH, la recherche conduite par une équipe de la Chaire publique des politiques sociales(1) se déploie sur la période allant de septembre 2019 à septembre 2022 sur les terrains des métropoles de Lyon et de Grenoble(2). En partant du point de vue des personnes qui ont trouvé un appartement grâce au dispositif du Logement d’abord (LDA), cette démarche scientifique vise notamment à évaluer son effet sur les bénéficiaires, tant en termes d’accès au logement que d’accompagnement ou d’intégration. Cette évaluation des changements qui s’opèrent prend en compte la durée puisque les chercheurs rencontreront les personnes à quatre reprises sur deux ans.
“Comme une main qui tombait du ciel”
Sur les modalités d’accès au LDA, l’équipe de recherche constate que la connaissance du dispositif par les bénéficiaires est limitée. Elle observe quatre cas distincts.
Cas n°1. “C’était comme une main qui nous tombait du ciel”, dit un couple proche de la soixantaine représentatif de ceux qui ont entrepris de nombreuses démarches et qui voient soudainement la situation se débloquer.
Cas n°2. Certains ayants droit multiplient les démarches en vain, puis découragés, abandonnent et oublient jusqu’à ce que : “Un jour ils m’ont dit écoute, stop, suffit la rue ! Moi je ne voulais rien, j’avais pas fait de demande… Enfin si, j’avais formulé une demande bien avant. Mais j’avais laissé tomber”, témoigne un homme de 54 ans.
Cas n°3. Parfois des démarches récentes en cours ouvrent rapidement l’accès à un logement : “Une assistante sociale m’a conseillé de les appeler (le LDA) parce que j’allais être expulsée. Donc, voilà, j’ai été prise en charge”, se réjouit une femme de 59 ans.
Cas n°4. Certaines personnes ne font aucune démarche et sont orientées vers le LDA par des acteurs sociaux. C’est ce qu’a vécu un homme de 65 ans en perte d’autonomie et menacé d’expulsion : “L’assistante sociale m’a dit qu’elle allait s’en occuper, alors moi j’ai laissé faire.”
Premier critère : la propreté
L’orientation vers le LDA est le fait d’acteurs sociaux des collectivités locales, de l’accueil hébergement insertion (AHI) ou de secteurs plus spécialisés relevant par exemple du handicap, de la santé ou de la protection de l’enfance. Les bénéficiaires se sentent souvent redevables à l’égard des travailleurs sociaux qui les ont aidés et peuvent hésiter à les déranger pour résoudre un problème.
Sur le fait d’accepter ou non le logement proposé, les choix s’avèrent souvent contraints par la crainte de ne pas retrouver de sitôt une opportunité de quitter l’extrême précarité. Dans tous les cas, un critère paraît déterminant dans l’acceptation d’un logement : la propreté. “Le jour de la remise des clés, le ménage n’était pas fait. Je ne voyais pas à travers les vitres.” Cet homme de 56 ans qui vivait dans la rue déplore une saleté repoussante et en conclut que c’est sale parce qu’il est SDF. C’est une exception, car en général les logements proposés sont propres, parfois neufs, notamment dans le logement social où la plupart des bénéficiaires sont relogés.
En cas de dysfonctionnements dans les logements, les chercheurs notent deux attitudes : ceux qui les prennent en charge seuls, comme s’ils s’estimaient déjà privilégiés d’avoir un domicile, et ceux qui recourent à des tiers (travailleurs sociaux). Ce qui pose la question de la durée de l’accompagnement jusqu’à la transition vers des dispositifs de droit commun. L’équipe de recherche a constaté des situations différentes selon les territoires tant sur sa temporalité que sur ses modalités. Ainsi, les intervenants du LDA jouent souvent un rôle de médiation entre le locataire et l’organisme Hlm avec la volonté d’éviter les conflits et de créer les conditions de succès du dispositif mais qui peut, avec le temps, faire obstacle à la relation directe locataire-bailleur. Au cours de la présentation de ces résultats préliminaires, des participants ont relevé un point crucial qui explique beaucoup des difficultés rencontrées. La mise en œuvre du LDA n’a pas créé d’offre nouvelle et s’inscrit dans une pénurie de logements abordables.
(1) La recherche est conduite par Louis Bourgois, Julien Lévy, Gabriel Uribelarrea et Benjamin Vial (Chaire publique des politiques sociales – Fondation Université Grenoble Alpes).
(2) Sur le Grand Lyon, la recherche est financée par la Métropole de Lyon, l’USH et Est Métropole Habitat.
Contacts : Dominique Belargent, dominique.belargent@union-habitat.org et Maryse Sylvestre, maryse.sylvestre@union-habitat.org