
Date de publication :
16 avril 2021
Auteur(s) :
EMMANUEL BONZÉ
Les OPH explorent de nouvelles pistes de financement
Modernisation du parc Hlm, réhabilitation des passoires thermiques, objectif neutralité carbone, production neuve… À l’occasion d’une journée réunissant les dirigeants d’Offices publics de l’habitat, la Fédération des OPH a présenté, le 1er avril, une série de propositions pour aller chercher les modes innovants de financement qui permettront de relever les défis du logement social.
“Alors que le monde Hlm a vu son modèle économique bousculé par l’impact de la RLS et de la loi ÉLAN, les enjeux de modernisation, réhabilitation et transition écologique sont, eux, plus présents que jamais”, estime-t-on à la Fédération nationale des OPH qui organisait, le 1er avril, une journée sur le thème “Les OPH, acteurs locaux et globaux - Quels nouveaux leviers pour développer les capacités d’action des Offices ?”. La Fédération identifie trois défis majeurs à relever, dès aujourd’hui et ces prochaines années, pour mieux répondre aux besoins des ménages aux revenus modestes et moyens.
Tout d’abord, celui de la modernisation du parc Hlm dans les quartiers populaires. Car l’ensemble des opérations relevant de l’Anru représentent près de 15Md€ d’investissements pour les Offices, au profit de la mixité sociale et de la livraison de logements neufs ou réhabilités répondant aux attentes des ménages. Ensuite, celui de la réhabilitation dans tous les territoires, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. “Sans aide complémentaire, les Offices l’atteindraient seulement dans les années 2080”, calcule la Fédération, ajoutant : “Il faudrait que les OPH puissent mobiliser environ 400M€ par an de fonds propres supplémentaires jusqu’en 2050 afin de rendre tangible cet objectif”. Et enfin le défi de la production neuve.
Six nouvelles pistes de financement
La poursuite de ces objectifs nécessite des moyens. La Fédération des OPH s’est lancée dans un vaste brainstorming afin d’identifier des pistes de financement des organismes. “Au-delà des financements classiques de la Banque des Territoires, qui reste un acteur majeur du secteur, nous devons mobiliser des pistes de diversification afin de maintenir les investissements, et même les augmenter”, souligne Carole Debras, directrice du pôle d’expertise économique et financière de la FOPH. Une étude menée par la Fédération, en partenariat avec le cabinet EY, ainsi que des élus, directeurs généraux et présidents d’Offices, fait apparaître six nouvelles pistes de financement.
Obligations vertes et à impact social
Le recours aux obligations vertes et à impact social consiste à émettre des obligations sur des projets, soit contribuant à la transition énergétique, soit ayant un impact social à destination de populations ciblées, par exemple : personnes vivant sous le seuil de pauvreté, seniors, personnes en situation de handicap... Ces prêts bénéficient d’une bonification de leur taux d’intérêt en contrepartie d’engagements extra-financiers pris par l’emprunteur. “Un OPH prend un engagement au choix parmi huit thématiques”, détaille Isabelle Paris, directrice Animation des marchés Secteur public, logement social, Prêt immobilier professionnel & Santé, Groupe BPCE, qui a signé le 8 mars un partenariat avec la Fédération (voir AH du 30 mars). “Prenons par exemple le handicap. La loi ÉLAN imposant un pourcentage de logements adaptés aux personnes handicapées, l’Office s’engage sur un nombre de livraisons. Dans le cadre du contrat, on regardera tous les ans si les livraisons sont conformes à l’engagement pris. Si le pourcentage annoncé est respecté, le taux d’intérêt sera bonifié”. La bonification est reversée sous forme de trop perçu à l’emprunteur, qui peut aussi reverser tout ou partie à une association partenaire.
Le partenariat signé avec le groupe BPCE comporte également un volet financement à très long terme. “Pour faire face aux contraintes fortes qui pèsent sur les OPH, nous ouvrons la possibilité d’avoir recours à des sources de financement à long terme et à taux fixe. On parle ici de durées de 40, 50, voire 60 ans”, a rappelé Isabelle Paris.
VEFA inversée, levée de fonds, emprunt AFL
Alors que le recours à la VEFA est à la hausse chez les OPH, la Fédération propose d’accélérer le recours à la VEFA inversée. Celle-ci a l’avantage de permettre de renforcer la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise de la qualité, mais aussi de “bénéficier des marges plutôt que de les payer”, et donc de renforcer les fonds propres, pouvant servir à investir dans de nouveaux projets.
La FOPH propose également de faire appel à de nouveaux financeurs, en faisant des levées de fonds via un fonds d’investissement locatif social créé pour le secteur. Ce fonds pourrait réinvestir dans les OPH et leurs filiales, ainsi que dans les sociétés de coordination.
La Fédération prépare aussi les termes d’un partenariat astucieux avec l’Agence France Locale (AFL), banque des collectivités territoriales, auprès de laquelle les Offices peuvent, depuis la loi Engagement et Proximité, obtenir des emprunts. “Il s’agit de financements attractifs à maturité longue”, précise Carole Debras. “Les OPH sont les seuls organismes de logement social à pouvoir en bénéficier. Des travaux sont en cours visant à déterminer la faisabilité de la mise en œuvre”. Un projet pour lequel le directeur général de l’AFL, Olivier Landel, se montre optimiste. Selon lui, “les établissements publics locaux, dont les OPH, pourront bientôt bénéficier de cette ingénierie mutualisée et accéder à des marchés obligataires”.
Les titres participatifs, un succès déjà avéré
La FOPH en avait fait l’un de ses plus importants chantiers de 2019 et 2020 pour compenser la RLS. Les titres participatifs (TP), quasi-fonds propres, ont rencontré un franc succès (voir AH n°1138 du 15 février). Pour rappel, la Fédération avait négocié une enveloppe auprès de la Caisse des dépôts et d’Action Logement, puis avait œuvré pour que soit également rendue possible la souscription des collectivités de rattachement des Offices.
Pour nombre d’OPH qui avaient subi avec la RLS une baisse de leurs capacités d’investissement, les TP ont ouvert la voie à de nouvelles ambitions. “Chez nous, le Conseil départemental a souscrit 5 millions d’euros de titres participatifs et la Banque des Territoires 13,4 millions d’euros au profit d’Habitat 77, ce qui nous amène à 18,4 millions d’euros de quasi-fonds propres”, se félicite Denis Jullemier, président d’Habitat 77. “Ces TP vont nous permettre de rénover plus de 6000 logements entre 2022 et 2030. Ils constituent un vrai levier pour nos capacités d’investissement. Ils nous permettent d’avoir un plan stratégique de patrimoine plus ambitieux en termes de volumétrie et de qualité. Ils accompagnent notre volonté d’aller vers une rénovation vertueuse”. Le président de l’OPH de Seine-et-Marne salue également la souplesse du dispositif : “Les titres ne nécessitent aucune garantie, les fonds sont alloués à l’opérateur et non à l’opération, avec un remboursement à notre initiative à expiration d’un délai de sept ans”.
Recours au mécénat et emprunt obligataire
Enfin, la Fédération et ses partenaires évoquent la possibilité de recourir au mécénat, en faisant appel à une multiplicité de donateurs et en créant un fonds de dotation.
Les regards se tournent aussi vers les Offices innovants en matière de nouveaux financements, comme l’OPAC du Rhône, qui a recours à l’emprunt obligataire. “Il consiste à aller directement sur le marché pour lever des fonds”, détaille François Weinbrenner, directeur financements et trésorerie de l’Office. “Depuis une quinzaine d’années, des entreprises de taille moyenne comme la nôtre ont accès à ce marché, qui permet de solliciter un investisseur, lequel va souscrire l’obligation que l’Office émet. On sort un peu des canaux habituels de financement mais ce n’est pas si compliqué. Bien entendu, il convient d’être vigilant et agile, il s’agit d’un financement d’opportunités qui nécessite de surveiller régulièrement le niveau des taux d’intérêt”.
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1142 DU 15 avril 2021
Actualités Habitat n°1142
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