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Les sièges sociaux, porte-étendards de valeurs sociales et écologiques AH

Comme pour leur parc immobilier, les organismes Hlm doivent porter à leur siège un soin tout particulier. Du choix de l’implantation à la qualité d’usage pour les collaborateurs en passant par les matériaux utilisés, ces partis pris sont souvent le reflet d’une stratégie d’entreprise affirmée. Tour d’horizon des récentes réalisations.

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“Le corps est le temple de l’esprit” disait Saint Paul. L’adage serait-il transposable dans l’univers professionnel avec des sièges sociaux qui seraient les vitrines des valeurs des entreprises ? Au sein du Mouvement Hlm, il semblerait bien que oui, à en juger par les récents projets réalisés ou en cours dans tout la France.

S’affirmer comme des acteurs du territoire

En premier lieu, le choix du site d’implantation est déterminant. C’est le cas de Clésence dont le nouveau siège sera livré cet été à Saint-Quentin, dans l’Aisne. Créée il y a 3 ans, la filiale du groupe Action Logement est issue de la fusion entre Logivam, Maison du Cil et Picardie Habitat, et ce nouveau siège est aussi l’occasion de marquer le coup et de s’implanter durablement en tant qu’acteur de la région. “Cette implantation est symbolique : le territoire de l’Aisne est la terre d’accueil de deux des acteurs historiques du logement social qui forment aujourd’hui Clésence”, explique Eric Efraïm Balci, directeur général de Clésence. Il était important pour nous de rester fidèles à ses origines axonaises, et ce, même si nous affirmons notre engagement auprès de l’ensemble du territoire des Hauts-de-France.” 

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Le siège social de Clésence, d'un coût de 15 M€ HT, devrait être livré en juin 2022. © V. Dobbel

Autre filiale du groupe Action Logement, Podeliha, premier bailleur des Pays de la Loire, n’a pas choisi de s’implanter à Nantes, la grande métropole régionale, mais de rester à Angers, dont la position est beaucoup plus centrale. Conçu par le cabinet Rolland & associés, son nouveau siège, inauguré le 15 octobre dernier, est situé au cœur du quartier d’affaires Cours Saint-Laud, à proximité de la gare d’Angers. “Un autre point essentiel de notre politique économique, qui se veut être une économie circulaire, est d’être ancré sur notre territoire”, assure Gonzague Noyelle, directeur général. “Ainsi, sur les 22 millions d’euros investis pour ce siège, 80% sont destinés à des entreprises locales”.

De son côté, pour la restructuration de son siège, Loir et Cher Logement a fait le choix de soutenir l’activité du territoire à travers 3 739 heures d’insertion (196 réalisées à ce jour), dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ou pour des jeunes de moins de 26 ans, travailleurs handicapés ou titulaires du RSA. Au-delà d’un simple projet d’entreprise s’inscrivant dans une démarche RSE, ce dispositif est aussi créateur d’emplois pour les plus démunis.

Impliquer les collaborateurs

À Douai (Nord), le projet de Maison & Cités, ESH des Hauts-de-France, incarne les nouvelles organisations que les bailleurs tentent de mettre en place. Ce nouveau siège, dont la livraison est prévue en avril 2023, permettra le regroupement des services supports, autrefois présents à Lens, Liévin et Noyelles-sous-Lens. En déménageant son siège du centre-ville de Douai à la ZAC de la Clochette suite à un échange de terrains avec la Ville, le bailleur s’installera dans un quartier en expansion, dans le cadre du projet EuraDouai, via un bail en l’état futur d’achèvement (BEFA). Conçu par l’architecte Thomas Richou, le bâtiment cherche à s’imprégner du site, avec une bande en R+4 à l’ouest qui fait face à la gare, reflète les voies ferrées et fait figure de vitrine ; et une bande en R+3 à l’est qui s’inscrit plus à l’échelle des cités minières. L’histoire de la région est d’ailleurs mise à l’honneur sous la forme d’une maison de mineur revisitée, greffée au hall d’accueil et qui sert d’amphithéâtre pouvant accueillir 200 personnes.

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Le siège de Maisons & Cités, prévu pour avril 2023. © De Alzua +

Confronté à des mouvements sociaux en relation avec le regroupement des différents services, le bailleur a mis en place une stratégie, baptisée Moov’, pour impliquer au maximum les salariés dans la démarche. Dès le début du projet, 30 collaborateurs (issus des services impactés par le déménagement) ont été désignés comme “ambassadeurs” et mis à contribution afin de concevoir les différents espaces avec l’agence Kardham, spécialisée dans l’aménagement des espaces de travail.

Favoriser les échanges

Depuis la crise sanitaire qui a considérablement modifié le rapport au travail, la recherche d’un confort d’usage pour les collaborateurs est devenue quasiment obligatoire. Pour Maison & Cités, cela se matérialisera par des équipements comme une salle de sport, une bibliothèque, des espaces de détente ou encore des potagers collaboratifs. Le projet vise d’ailleurs le niveau “Silver” de la certification WELL, qui se focalise sur le bien-être des salariés selon sept critères (l’air, l’eau, la lumière, l’activité physique, le confort, l’alimentation et le bien-être psychologique).

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80 collaborateurs ont emménagé dans le siège de Ratp Habitat en octobre 2021. © B. Barda

De même, les bailleurs n’hésitent pas à favoriser les mobilités douces, à travers des garages à vélo et des douches, des bornes électriques... comme dans le parking du siège de Ratp Habitat ou la mise à disposition de vélos et voitures électriques au sein du siège de Podeliha.

Autre tendance boostée par la crise sanitaire et le développement du télétravail, les programmes de bureaux misent davantage sur la flexibilité : plan libre, espaces modulables et non définis. Les sièges sociaux ne sont plus uniquement des lieux où l’on vient pour travailler, isolé dans sa pièce. Ils sont davantage voués à favoriser les rencontres et les échanges, à l’image du siège d’Habitat 76 à Rouen, le “Spatium”, conçu en BIM par l'Atelier Bettinger Desplanques et AIA Architectes associés. Le plus important bailleur normand a signé un nouvel accord d’entreprise qui autorise jusqu'à trois jours de télétravail par semaine et le nouveau siège livré l’année dernière en est le reflet. Le flex-office a supplanté les bureaux classiques, permettant au passage une économie de surfaces. Le nouveau siège offre ainsi des espaces flexibles de 6 000m2 au lieu des 7 000m2 de bureaux avec 400m2 de couloirs jugés inutiles. Les habitudes de travail des collaborateurs ont été quelque peu modifiées. Ils peuvent s'isoler en mode “bulle” s’ils le souhaitent, mais aussi travailler en mode semi-collectif ou en mode collectif pour du brainstorming.

Mixer les programmes

Le “Spatium” a été réalisé par Legendre construction via un marché global de performance avec contrat d'exploitation sur dix ans. Au-delà du siège d’Habitat 76, il comprend plus de 5 000m2 de surface de plancher (SP) de logements. Témoignage du savoir-faire d’ensemblier des bailleurs tout en contribuant à l’équilibre économique de l’opération, cette mixité programmatique se retrouve dans de plus en plus de projets. Ainsi, le projet de Podeliha à Angers accueille, sur trois bâtiments, 6 400m2 de bureaux auxquels s’ajoutent 68 logements - 22 locatifs et 46 en accession sociale ou libre - et même une boulangerie.

À Rennes, le nouveau siège d’Espacil, conçu par l’agence Forma6, s’intègre dans un projet mixte baptisé Ôdacité et est situé à proximité de la station Gayeulles de la nouvelle ligne de métro. Cette opération, dont le chantier a démarré, comprend un socle avec une brasserie et les 6 000m2 de bureaux du siège social de l’ESH. Autour de jardins partagés et d’aires de jeux, trois émergences en R+17, R+9 et R+6 abriteront plus de 100 logements.

Toujours à Rennes, Aiguillon Construction, dont l’actuel siège est une passoire thermique, projette de le démolir pour en construire à la place un nouveau en phase avec les exigences thermiques et environnementales que le bailleur applique dans ses projets. Sur quatre plots, le projet prévoit lui aussi une opération mixte avec des activités et des services, des bureaux et des logements sociaux, de l’accession libre et de l’accession abordable, dont une partie en bail réel solidaire (BRS).

Chasser le carbone

Enfin, ces opérations ont en commun la même volonté d’exigence environnementale à l’image du siège d’Habitat 76 qui a décroché le label Passivhaus. On note également une nette tendance à aller vers des bâtiments de moins en moins carbonés. Assez logiquement, le bois est de plus en plus utilisé, tant en structure, comme pour le siège de Ratp Habitat à Paris ou celui de Podeliha à Angers, qu’en aménagement intérieur pour ses bienfaits à travers le concept de biophilie(1) qui s’impose peu à peu en architecture. Le recours à des systèmes constructifs en structure bois “nécessite un énorme temps de préparation mais […] le montage complet de l’ossature ne demande que 3 mois”, explique Franck Sagnier, responsable technique d’Aventim, opérateur immobilier spécialiste du bois associé avec Clésence pour l’opération. De tels choix permettent aux bureaux de viser la certification BREEAM niveau “Good”, le niveau E2C1 du label E+C-, ainsi que des consommations réduites de 200 % par rapport à la RT 2012.

Au niveau du second œuvre, l’utilisation d’isolants en partie biosourcés est également plébiscitée, avec l’Isoduo, mixant laine de verre et laine de bois, utilisé dans le siège de Ratp Habitat à Paris ou celui de Maisons & Cités à Douai. Au sein de ce dernier, les revêtements intérieurs disposeront également d’une étiquette QAI A+ et bénéficieront tous d’une labellisation environnementale. Les équipements énergétiques sont également soigneusement choisis par les entreprises pour maintenir une consommation énergétique basse et récupérer le maximum d’énergie : ventilation double flux à récupération d’énergie, chauffage et rafraîchissement par système air/eau... sans oublier l’utilisation d’énergies renouvelables, comme le solaire photovoltaïque ou la biomasse, utilisée dans le siège de Podeliha pour alimenter le réseau de chaleur urbain qu’utilise l’entreprise.

Si les sièges sociaux sont des vitrines pour les bailleurs, ce sont aussi des laboratoires. En optant pour des montages programmatiques originaux ou des solutions techniques innovantes, écologiques et performantes, ils expérimentent ainsi les voies à suivre pour leur parc immobilier et leurs futurs logements.

(1) Appliqué au secteur du bâtiment, ce terme fait référence à une conception architecturale favorisant une reconnexion avec notre environnement naturel.

 

Architecture et écologie au siège de Ratp Habitat

Nous l’avions évoqué dans le n°1157, le siège de Ratp Habitat, conçu par l’agence Atelier du Pont, a frôlé l’Équerre d’argent. Il se distingue par une architecture juste, s’insérant dans son site du 20e arrondissement de Paris. Le bâtiment, d’une surface de 3 000m2 sur trois niveaux, est porté par une ossature poteaux-poutres en bois lamellé-collé. Il s’inscrit dans la surface totale du site et est sculpté en gradins pour dégager des terrasses au sud habillées par des jardins et des serres pour travailler en extérieur ainsi qu’un potager au dernier niveau.

Au sein d’un îlot bâti dense, “le bâtiment occupe l’ensemble de la parcelle, l’espace consommé au sol est ainsi compensé par une succession de jardins sur les toits”, explique Atelier du Pont. L’éclairage et la ventilation sont apportés par 2 patios et l’atrium, tandis que le noyau de service est placé en façade nord pour maximiser l’utilisation de la lumière dans les bureaux. La structure permet un plan libre, afin d’apporter flexibilité et évolutivité aux espaces de travail, qui peuvent être utilisés différemment selon la nécessité.

Le projet priorise également les performances énergétiques à travers un travail sur une enveloppe performante, de la morphologie au système constructif (le mur rideau est constitué de modules facilement démontables) en passant par le taux de surfaces vitrées. Les vitres sont en triple vitrage, l’isolation est réalisée en Isoduo, un caisson de refroidissement adiabatique (imperméable à la chaleur) permet de refroidir l’air en été et une pompe à chaleur air/eau performance EER produit le chauffage en hiver. Des panneaux photovoltaïques sont également installés au dernier niveau et les eaux pluviales sont récoltées pour alimenter les chasses d’eau. Tout cela permet au bâtiment d’obtenir la certification BREEAM au niveau “very good” ainsi que le niveau E2C2 du label E+ C-.