
Date de publication :
01 mars 2022
Auteur(s) :
DIANE VALRANGES , MAGALI VALLET
Logement des jeunes : une urgence absolue
À la fin du quinquennat, d’ici quelques semaines, seuls 30 000 logements auront été construits pour les étudiants sur l’objectif de 60 000 fixé par Emmanuel Macron au début de son mandat. À l’approche des élections, les difficultés d’accès au logement rencontrées par les jeunes ont fait l’objet d’éclairages récents et de propositions. L’USH est en première ligne, avec une nouvelle feuille de route pour 2022.
“Le logement des jeunes est une urgence absolue”. Ainsi débute le rapport d’information de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale sur le logement et la précarité des étudiants, des apprentis et des jeunes actifs, présenté le 15 décembre 2021 par les députés David Corceiro et Richard Lioger. Il dresse un état des lieux sans concession de la précarité des jeunes et souligne l’accroissement de leurs difficultés d’accès au logement et l’insuffisance de l’offre qui leur est proposée face, à la fois, à une expansion démographique rapide et aussi aux besoins croissants de logements pour cette catégorie de population.
Premier poste de dépense des jeunes, le logement représente 60,5% du budget des étudiants, selon l’enquête sur le coût de la vie étudiante publiée par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), en août 2021. “La crise a frappé fortement les jeunes, en affectant notamment leur employabilité”, témoignent les deux députés, “un jeune sur cinq entre 18 et 29 ans se situant sous le seuil de pauvreté”. Ils rappellent que “les ressources mensuelles moyennes des étudiants sont constituées à 40% d’aides familiales, à un quart de revenus d’activités et à un quart d’aides publiques”.
Dans ce contexte, les rapporteurs soulignent la nécessité de renforcer l’offre de logement très social et confirment le rôle essentiel des acteurs du secteur. Ils formulent 20 propositions, parmi lesquelles :
- améliorer l’accès à un foncier abordable et bien localisé pour favoriser la production neuve de logements pour les jeunes, notamment celui sur le territoire des universités ;
- renforcer l’autonomisation des universités et la dévolution du patrimoine qui y est liée, et approfondir l’accompagnement des établissements de l’enseignement supérieur dans la valorisation immobilière et la gestion d’un parc de logements. Cette proposition fait écho à la convention signée par l’USH en octobre 2020 avec les représentants du monde étudiant (voir AH 1131) ;
- améliorer l’information auprès des jeunes concernant leurs droits et les modalités d’accès au logement dans les établissements scolaires, le plus tôt possible ;
- faciliter l’accès des jeunes au parc social existant, notamment en renforçant le recours à la colocation dans le parc Hlm, comme le prévoient l’article 109 de la loi ÉLAN(1) et la toute nouvelle loi 3DS ;
- accentuer la production de T1 et de T2 en zones tendues.
Demandes et attributions : des jeunes bien représentés
Sur la même lancée, l’Union nationale des comités locaux pour le logement autonome des jeunes (UNCLLAJ) a rendu publique, le 18 janvier, une étude intitulée Jeunesse en transition, jeunesse en installation : quel recours au logement social ? Alors que les 15-29 ans représentent 21% de la population - certes, pas tous en âge de déposer une demande de logement social - les jeunes représentent 23,7% des demandeurs de logement social et bénéficient d’un tiers des attributions annuelles. Plus d’1 demande de jeune sur 5 a abouti en 2018, ajoute l’UNCLLAJ, contre environ une sur 7 dans les autres classes d’âge. L’étude souligne la nécessité de dépasser la segmentation du public jeune (étudiants, apprentis, jeunes actifs) pour tendre vers une politique globale du logement des jeunes.

Selon une enquête de la Fondation Abbé Pierre/Ipsos publiée en février 2022, 31% des jeunes de moins de 30 ans ont eu besoin de l’aide alimentaire durant la pandémie. © UNCLLAJ
Dans la perspective des élections présidentielles et législatives, l’UNCLLAJ formule plusieurs propositions, regroupées en trois objectifs :
- produire du logement social pour toutes et tous, en finançant mieux la construction de logement social plutôt que celle du parc privé, et en planifiant durablement le développement du parc social pour tous les publics. Elle propose notamment de supprimer la RLS ainsi que les dispositifs d’exonération fiscale, d’augmenter la PEEC et de faire passer le parc social à 30% de PLAI d’ici 2027 ;
- faciliter les transitions résidentielles des jeunes en mobilité, en améliorant leur accès aux droits et au parc social et en développant une offre sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques. Elle recommande de favoriser l’intermédiation locative et le glissement du bail et d’augmenter la production de PLAI-A pour les jeunes plus fragiles, avec un fort besoin d’accompagnement, notamment dans le cadre de politiques comme celle du Logement d’abord ;

Chaque année, l’UNCLLAJ organise une Semaine pour le logement des jeunes. La 13e édition aura lieu du 30 mai au 4 juin 2022.
- proposer d’abord aux jeunes un logement de droit commun pour répondre à leurs aspirations, en facilitant la transition du logement spécifique au logement de droit commun et en répondant aux aspirations des jeunes en termes de typologie de logement. Cet objectif passe notamment, pour l’UNCLLAJ, par une priorité de production donnée aux T2 et T3 en PLAI, privilégiés par les jeunes “en installation”.
La feuille de route de l’USH pour 2022
La feuille de route pour 2022 de l’USH, élaborée en décembre dernier par le groupe de travail sur le logement des jeunes, se décline en cinq axes qui résonnent avec les propositions de l’UNCLLAJ et celles des deux députés : améliorer la communication sur la diversité des solutions en direction des jeunes eux-mêmes et des partenaires ; mieux identifier la demande des jeunes ; accroître la production et lever les freins à la création d’une offre nouvelle ; favoriser l’accompagnement des publics les plus fragiles et limiter le risque de rupture ; capitaliser sur les retours d’expériences et diffuser les bonnes pratiques pour pouvoir les dupliquer à d’autres territoires.
Une rencontre a été organisée à l’USH le 8 février avec les associations étudiantes et des représentants des ministères de la Cohésion des Territoires et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Elle a permis au Mouvement Hlm de présenter le logement social, dresser un état des lieux de l’attribution de logement social aux moins de 30 ans et éclairer la diversité de l’offre à destination des étudiants, des jeunes actifs et des apprentis : logements en résidences universitaires, en résidences sociales jeunes actifs (RJA), places en foyers de jeunes travailleurs (FJT), logements familiaux, ceux favorisés par l’article 109 de la loi ÉLAN, en colocation (article 128 de la loi ÉLAN)(2), et l’émergence de la cohabitation intergénérationnelle solidaire (article 117 de la loi ÉLAN)(3).
Au global, en 2021, les organismes Hlm sont propriétaires de 120000 places en résidences universitaires, de 50000 places en foyers de jeunes travailleurs/jeunes actifs et de 1000 logements financés au titre de l'article 109 de la loi ÉLAN.
Enfin, le 15 février, la commission Attributions, mixité et gestion de l’USH a validé le lancement, d’une part, d’une étude sur la colocation, d’autre part, de travaux permettant la réalisation d’un rapport relatif aux besoins en logement des jeunes sur l’ensemble des territoires, quel que soit leur statut (étudiants, apprentis, jeunes actifs). Rapport qui pourrait être présenté au Congrès Hlm, à Lyon, en septembre.
(1) L’article 109 de la loi ÉLAN (articles L.353-22 et L.441-2 du CCH) permet de réserver des logements à des jeunes de moins de 30 ans dans les programmes de production de logements locatifs sociaux “ordinaires”, dans le parc neuf et le parc existant faisant l’objet de travaux de réhabilitation, pour une durée maximale d’un an, renouvelable dès lors que l'occupant continue de remplir les conditions d'accès à ce logement, sous réserve d’une autorisation préalable du préfet.
(2) La loi ÉLAN a modifié l’article L.442-8-4 du CCH en instaurant une colocation dite “universelle”.
(3) L’article 117 de la loi ÉLAN décrit la cohabitation intergénérationnelle solidaire, qui permet à des personnes de soixante ans et plus de louer ou de sous-louer à des personnes de moins de 30 ans une partie du logement dont elles sont propriétaires ou locataires dans le respect des conditions fixées par le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire prévu à l'article L.631-17 du Code de la construction et de l'habitation.
Pour en savoir plus : Dossier Logement des jeunes
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1161 DU 28 février 2022
Actualités Habitat n°1161
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