L'Union sociale pour l'habitat
Chargement en cours

Objectif ZAN : la révolution culturelle est en cours AH

La journée professionnelle de l’USH organisée le 8 novembre sur la question du ZAN a mis en avant l’engagement anticipé des bailleurs sociaux visant la sobriété foncière. Une nouvelle façon d’aborder les projets se dessine.

Lire l'article

L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), “ce n’est pas juste une contrainte à intégrer mais bien une nouvelle façon de penser les politiques publiques locales”, selon Marianne Louis. Heureusement, “les organismes Hlm ont une culture de l’intensification urbaine, et des savoir-faire à partager, qu’il faut inscrire dans des stratégies territoriales”, ajoutait la directrice générale de l’USH en introduisant la journée professionnelle du 8 novembre sur le thème Comment concilier développement de l’offre avec l’objectif ZAN ?

Le Code de l’urbanisme et les dernières mesures législatives issues de la loi Climat et résilience devraient les y aider si l’on en croit la présentation de Raphaëlle Kounkou-Arnaud, cheffe du bureau de la connaissance et des politiques foncières à la DHUP (Direction de l’habitat de l’urbanisme et des paysages). Mais encore faudrait-il que tous les professionnels concernés s’en saisissent. Et qui dit recyclage urbain, dit construire sur des sites déjà urbanisés. Or, que ce soient des opérations de réhabilitation-densification, de reconversion de friches ou de mutation typologique (de bureaux en logements par exemple), leur complexité appelle des investissements importants et des expertises qu’il faut aller chercher, voire construire. En outre, en devenant une denrée rare, le foncier est plus que jamais convoité, accentuant davantage encore la concurrence entre les bailleurs et les investisseurs privés.

Intensification urbaine

Construire de nouveaux logements en contribuant à l’intensification urbaine, les bailleurs le pratiquent déjà, à différentes échelles suivant les territoires. Cela se vérifie notamment en Île-de-France où, comme le précise Hélène Joinet, urbaniste au département Habitat et société de l’Institut Paris Région, “87% de la production Hlm se réalise en densification, recyclage, renouvellement urbain, et la densité à la parcelle est sept fois supérieure à celle des opérations privées, y compris avec du pavillonnaire plus compact”. Les 13% réalisés en extension urbaine concernent surtout une offre familiale et très sociale de grands logements, concentrée dans les villes nouvelles et les secteurs dynamiques en projet comme le plateau de Saclay ou autour de Roissy. Même tendance dans les Hauts-de-France, où les deux tiers de la production Hlm se réalisent dans l’enveloppe urbaine et où les opérations en extension sont majoritairement individuelles et plus denses que les opérations privées.

Trois types d’opérations en secteurs denses ont été présentés : le recyclage de bâtiments d’activité dans le cadre de quartiers mixtes, la construction en surélévation ou encore la conversion de bureaux en logements qui reste “modeste et sobre, mais coûteuse”, souligne Céline Oriol, responsable du pôle Performance patrimoniale et observation de l’Aorif. Toutes ces interventions semblent encore difficiles à massifier. “Pour densifier notre parc, nous avons repéré les villes où le foncier est cher, identifié 100 sites, sélectionné 20 sites favorables et initié des projets sur 4 d’entre eux. Deux sont en appels d’offres”, illustre Guillaume Viel, directeur immobilier de Batigère IDF, qui s’est fait accompagner d’un assistant à maîtrise d’ouvrage, le facilitateur de surélévation UpFactor. “Il faut des experts dédiés, bien choisir son site et une volonté forte car c’est chronophage et parsemé d’embûches pour un coût élevé”, conseille-t-il.

À Clamart, le projet de démolition-reconstruction porté par I3F et la ville a permis de densifier le site de 4 hectares du Pavé blanc qui comprenait 787 logements locatifs sociaux (dont 734 appartenant à I3F) répartis dans de grands ensembles. “611 sont démolis, plus de 1 000 sont reconstruits, soit en maîtrise d’ouvrage directe, soit en co-maîtrise d’ouvrage avec les promoteurs”, précise Maud Cognacq, responsable des projets urbains, qui souligne l’importance du relogement - ici en partenariat avec la collectivité. Le programme devait introduire de la mixité sociale dans ce quartier métamorphosé, rebaptisé “Le Nôtre”, avec 65% des logements en accession libre et 35% en locatif social. En compensation, sur les 750 logements sociaux reconstruits, 400 le sont hors site par I3F. Propriétaire du foncier, le bailleur a mené l’ensemble des procédures en concertation avec les partenaires. Le projet, reconnu comme complexe, a bénéficié d’un contrat d’intérêt national (CIN), outil qui permet de formaliser une gouvernance partagée et de mobiliser les outils de l’État et de ses opérateurs sur le Grand Paris.

 

“87 % de la production Hlm en Île-de-France se réalise en densification, recyclage ou renouvellement urbain.”

 

Les friches, gisements de transformation

Pour continuer à faire grandir le parc de logements sociaux, s’il n’est pas certain que la densification de l’existant soit suffisante, d’autres gisements de foncier, comme les friches, sont à exploiter. La reconversion en logements du site de la maison d’arrêt de Valence offre un exemple d’opération menée par un bailleur aménageur, Drôme Aménagement Habitat, en cœur de ville. Ici, les 7 000 m2 de foncier public ont été cédés au bailleur qui a développé des partenariats avec le Crous, mais aussi avec la promotion privée dans le cadre d’une société civile de construction vente (SCCV). Le programme combine résidence étudiante, logements sociaux pour seniors et accession libre. Seules la porte monumentale et une partie du mur d’enceinte témoignent de l’histoire du lieu.

Autre site, autre métamorphose, celle de la friche Masurel à Tourcoing, acquise par voie de délégation de préemption par Vilogia. L’ancienne filature se déployait sur 4 ha de terrain, compris entre deux quartiers résidentiels et une zone d’activités économiques. Outre le raccordement à l’environnement urbain, la nouvelle programmation divise par deux l’emprise au sol des bâtiments et renature ainsi plus d’1 ha dédié à des espaces verts accessibles à tous. Sur les 383 logements prévus au terme des trois phases d’aménagement, plus d’un tiers seront sociaux (dont un quart d’accession sociale) ; les deux tiers restants seront en accession libre. 700m2 de commerces complètent le programme. La conservation de deux bâtiments existants, et donc leur reconversion - l’un devrait accueillir des activités tertiaires et l’autre une halle gourmande -, ajoute à la complexité de l’opération d’ensemble pilotée par le bailleur-aménageur. Là encore, le modèle économique hybride aménagement et immobilier. La première phase se réalise dans le cadre d’une SCCV, le promoteur assurant la construction de tous les logements, revendus en Vefa au bailleur.

“Ce type de montage permet un partage de risques”, défend Samuel Coppel, directeur immobilier et aménagement chez Drôme Aménagement Habitat. Et Guillaume Hequet, directeur du pôle Aménagement et développement immobilier de Vilogia de renchérir : “Il faut s’associer des compétences financières et immobilières. Le promoteur connaît son marché et en tant qu’aménageur nous restons opérateur de l’ensemble. Il n’y a donc pas de rupture entre bailleur et promoteur.”

Lever les inquiétudes

La directrice de l’agence de concertation Palabreo, Marie-Christine Bernard, rappelle que “si les élus résistent au ZAN c’est parce que les gens n’en veulent pas. Les riverains ne doivent pas représenter plus de 50% des concertés, il faut solliciter de futurs habitants potentiels”, conseille-t-elle.

“Dans les quartiers en renouvellement urbain, on a su mener des concertations mais cela prend plus de temps. Or aujourd’hui, avec la mise aux enchères du foncier, une mise en concurrence malsaine se développe qui précipite les choix. Sans compter l’empilement des études d’ingénierie qui renchérissent les coûts”, dénonce Marie-Laure Vuittenez, directrice générale d’Habitat & Métropole, l’OPH de la métropole de Saint-Étienne. Elle retiendra de cette journée professionnelle deux postures pour s’inscrire dans la culture ZAN : mobiliser plus que jamais les compétences, les savoir-faire et les partager ; développer une intelligence collective le plus en amont possible avec des architectes, les habitants, les collectivités locales, les agences d’urbanisme…

Et si on parlait « ZAN heureux » ?

Si tous les territoires sont concernés par l’objectif ZAN, la marche semble plus ou moins haute suivant les territoires et les collectivités. “Le message du ZAN est entendu, partagé, mais compliqué quand il s’agit de le mettre en œuvre, notamment dans les territoires détendus. Il faut accompagner les élus”, témoigne Alain Toubol, directeur général de l’EPF Grand-Est. Et il y a urgence. “La France artificialise quatre fois plus que les autres pays comparables”, rappelait Sébastien Maire, délégué général de France Ville Durable, pour qui “le sol est notre matrice, celle du vivant”. Si, durant la période transitoire, il semble “difficile de revenir sur les documents de planification qui risquent d’épuiser le droit à l’extension”, Zoé Chaloin, chargée de mission à la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau), croit toujours au “ZAN heureux”. Celui qui ravivera des espaces délaissés comme les friches industrielles (actuelles) et commerciales (à venir), ainsi que les logements vacants.

Pour en savoir plus : Dossier Energie / Sobriété