L’objectif selon lequel toute personne doit avoir la possibilité de disposer d’un logement décent a valeur constitutionnelle(1). À cet effet, la loi(2) prévoit l’obligation pour le bailleur de remettre au locataire d’une habitation principale un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
La législation renvoie à un décret(3), communément appelé “décret décence”, le soin de préciser les caractéristiques correspondantes. Ainsi, des normes minimales régissent notamment le clos et couvert du logement, la protection contre les infiltrations, les garde-corps, les matériaux de constructions, l’électricité, le gaz, le chauffage et la production d’eau chaude, l’aération, l’éclairage naturel, l’eau potable, l’évacuation des eaux, la cuisine, l’installation sanitaire ou encore la surface habitable minimale.
D’une jurisprudence récurrente, le respect de ces critères de décence doit être assuré par le bailleur au moment de la remise des clés du logement, mais aussi tout au long du bail d’habitation. Seules la force majeure et la faute, voire la négligence, du locataire pourront exonérer le bailleur de son obligation de délivrance d’un logement décent, selon une appréciation souveraine des faits de la part du juge en cas de litige.
Introduction d’une obligation de décence énergétique au 1er janvier 2023
La loi Énergie Climat(4) a introduit une nouvelle précision dans la caractérisation de la décence énergétique. En effet, à partir du 1er janvier 2023, le critère de performance énergétique minimale évoqué à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 est défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an.
Ce seuil maximal de consommation d’énergie finale d’un logement est fixé à 450 kWh/m2/an par décret(5). Il est à noter que ce seuil correspond à une partie des logements classés G par le DPE. De plus, si le nouveau DPE renseigne la consommation estimée d’énergie primaire, par mètre carré, par an, du logement, celle de l’énergie finale est renseignée uniquement par an, sans être rapportée à la surface habitable et de manière marginale (petite police grisée sur le nouveau DPE). C’est pourtant sur la consommation annuelle d’énergie finale par mètre carré qu’est fixé le seuil maximal de décence énergétique. Il incombera donc aux parties d’effectuer elles-mêmes la conversion (en divisant la consommation annuelle d’énergie finale estimée dans le nouveau DPE par la surface habitable du logement), afin de vérifier si le logement est énergétiquement décent.
Néanmoins, précision de taille, ce seuil est applicable uniquement pour les nouveaux contrats conclus à compter du 1er janvier 2023 et seulement en France métropolitaine. Ainsi, le locataire d’un logement dont la consommation énergétique excède le seuil précité ne pourra pas s’en prévaloir à l’encontre de son bailleur si le bail a été conclu le 31 décembre 2022 ou avant.
Logements non décents : les G en 2025 + les F en 2028 + les E en 2034
Abrogeant le seuil maximal de consommation d’énergie finale au 1er janvier 2025, la loi Climat et résilience(6) a durci les exigences en matière de décence énergétique d’un logement à usage d’habitation, en prenant cette fois-ci directement appui sur les classes énergétiques définies par le DPE. Dès lors, en application de la nouvelle version à venir de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le niveau de performance d’un logement décent sera compris : à compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F incluses ; à compter du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E incluses ; à compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D incluses.
A contrario, les logements qui ne répondront pas aux critères précités aux échéances fixées seront considérés comme non décents.
Dans un calendrier différé en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, les seuls logements G (à partir du 1er janvier 2028) et F (à partir du 1er janvier 2031) seront considérés comme non décents. En effet, par exception, sur ces territoires, les logements de classe E seront toujours considérés comme décents.
À la différence du seuil maximal précité de 450 kwh/an/m2 (en énergie finale), les textes ne réservent pas l’application de ces futurs critères aux seules nouvelles locations. Ainsi, il s’en déduit qu’à partir du 1er janvier 2025, ces futures exigences de performance énergétique s’appliqueront aussi pour les locations en cours, peu importe la date de conclusion du bail d’habitation(7).
“Un organisme Hlm qui ne tiendrait pas compte des prochaines échéances liées à la décence énergétique s’expose à un réel risque dont d’éventuelles remarques de l’Ancols sur l’état de son patrimoine.”
La location d’un logement non décent, quelles conséquences pour le bailleur ?
Si le logement loué ne répond pas aux normes de décence, notamment énergétique, il ressort de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 que le locataire peut demander à son bailleur sa mise en conformité sans qu’il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. À défaut d’accord, le juge saisi par le locataire détermine la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. De plus, toujours en application de l’article 20-1 précité, le juge peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l’exécution de ces travaux.
Dans l’hypothèse où le bailleur met à la relocation un logement libéré non décent, le locataire garde cette même possibilité de recours spécifique portant sur sa mise en conformité, sans qu’il soit porté atteinte à la validité du nouveau contrat.
En tout état de cause, sans préjudice de la possibilité de prononcer les mesures susmentionnées, le juge ne peut ordonner la réalisation de travaux visant à permettre le respect du niveau de performance minimal requis dans les cas suivants :
- à compter du 1er janvier 2023 : le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à ce niveau de performance minimal;
- à compter du 1er janvier 2025 : le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte du niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes, qui doivent être précisées par décret en Conseil d’État.
Toutefois, en application du droit commun, le locataire garde la possibilité de saisir un juge en vue d’obtenir la condamnation de son bailleur à lui verser des dommages et intérêts, compte tenu de la non-décence (y compris énergétique) de son logement. Pour cela, le locataire devra être en mesure d’établir le préjudice subi du fait de la non-décence énergétique. À cet effet, le juge pourrait par exemple sévir, selon son appréciation souveraine, s’il estime que le niveau des charges liées au logement aurait été significativement moindre si des travaux de conformité avaient été réalisés par le bailleur.
En outre, il existe une procédure de conservation par la CAF de l’allocation logement en cas de non-décence constatée des logements, au détriment du bailleur, jusqu’à la mise en conformité du logement(8). Ce dispositif n’est quant à lui pas conditionné à une décision d’un juge et s’applique de manière uniforme sans distinction des causes de la non-décence (énergétique ou non).
Dans ces conditions, bien qu’il ne soit pas prévu d’interdiction formelle de louer un logement non-décent dans les textes, l’organisme Hlm qui ne tiendrait pas compte des prochaines échéances liées à la décence énergétique s’exposerait tout de même à un réel risque dont d’éventuelles remarques de l’Ancols sur l’état de son patrimoine.
La prochaine exposition à ce risque, pouvant conduire à des pertes financières, renforce la nécessité pour les bailleurs d’intensifier leurs politiques d’amélioration de la performance énergétique de leurs logements, d’autant plus dans un contexte de crise de l’énergie entraînant d’importantes augmentations de charges à assumer pour les locataires.
À quel moment l’organisme Hlm est-il tenu de fournir le DPE à son locataire ?
L’article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989, applicable au parc social, dispose : “Un dossier de diagnostic technique, fourni par le bailleur, est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement et comprend : 1° Le diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L.126-26 du Code de la construction et de l’habitation”.
Or, lors d’un renouvellement par reconduction tacite, le décret n°2008-461(9) portant sur le DPE indique que “par renouvellement on entend le premier renouvellement de location au sens du quatrième alinéa de l’article 10” de la loi du 6 juillet 1989. Cet article 10 de la loi du 6 juillet 1989 différencie bien la reconduction tacite (3e alinéa) d’un renouvellement de bail (4e alinéa). Il ne s’applique pas au secteur social et les renouvellements de baux qui y sont décrits ne concernent pas les baux conclus par les organismes Hlm(10). Dès lors, le locataire dont le contrat s’est “renouvelé” par tacite reconduction (cas des baux du secteur Hlm) ne peut reprocher à son bailleur de ne pas lui avoir fourni le DPE lors d’une reconduction. En conclusion, l’organisme Hlm n’a pas d’obligation de transmission des DPE à ses locataires lors des “renouvellements” des baux d’habitation conclus pour une durée renouvelable par tacite reconduction. Par analogie au DPE, le même raisonnement s’applique d’ailleurs à tous les documents du dossier de diagnostic technique (DDT). Néanmoins, le bailleur reste tenu d’annexer un DPE (et plus largement un DDT) en cours de validité au bail d’habitation lors de sa signature.
(1) Conseil constitutionnel, 19 janvier 1995, n° 94-359.
(2) Art. 1719 du Code civil et art. 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
(3) Décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
(4) Art. 17 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
(5) Décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine.
(6) Art. 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
(7) Art. 41-1 de la loi du 6 juillet 1989 et réponse ministérielle n° 38949, JO Sénat du 11 avril 2002, p. 1060.
(8) Art. L. 843-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
(9) Art. 5 du décret n° 2008-461 du 15 mai 2008 relatif au diagnostic de performance énergétique lors des mises en location de bâtiments à usage principal d’habitation et modifiant le Code de la construction et de l’habitation.
(10) Art. 40 de la loi du 6 juillet 1989.
Thèmes : Gestion locative - Obligation du bailleur - Décence - Performance énergétique.
Contact : François-Xavier Berthion, conseiller juridique Pôle gestion locative, direction juridique et fiscale - Tél : 01 40 75 78 60 ; Mél. : ush-djef@union-habitat.org