L'USH Je recherche une formation Ressources Je recherche un emploi Événements L'annuaire Hlm Espaces collaboratifs Vos interlocuteurs USH Observatoires & enquêtes Accueil Boutique HLM INFO Se loger avec BIENVEO Les Hlm recrutent Métiers et formations Musée Hlm

Actualités

Thème de la publication
Mal-logement
Numéro

Actualités Habitat n°1160

Paru dans

FÉVRIER 2022

Actualités Habitat n°1160

Date de publication :

16 février 2022

Auteur(s) :

DIANE VALRANGES

Rapport de la Fondation Abbé Pierre : des ménages “à bout de souffle”

Dans son 27e rapport annuel sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre revient sur l’impact de la crise sanitaire sur les personnes les plus vulnérables, le Plan Logement d’abord et dresse un bilan du quinquennat sans concession, partagé par l’USH.

Après deux ans de crise sanitaire, “il semble évident que les premiers signaux d’une déstabilisation durable d’une part de la population, la plus vulnérable, se précisent”, alerte la Fondation Abbé Pierre (FAP) dans son 27e rapport sur le mal-logement, rendu public le 2 février. Selon une projection de l’Insee, le taux de pauvreté monétaire serait resté stable en 2020 par rapport à 2019, représentant 14,6% de la population, soit 9,2 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. “Mais cette apparente stabilité masque vraisemblablement, selon l’Insee, une intensification de la pauvreté, tout en bas de l’échelle”, note le rapport qui évoque “un enracinement dans la pauvreté”.

En 2022, la France compterait encore plus de 4,1 millions de personnes mal-logées et 12,1 millions de personnes en situation de fragilité sur le logement. Pour la Fondation, les “laissés-pour-compte de l’hébergement”, les jeunes, les habitants des quartiers populaires et les personnes qui survivent avec des revenus informels, forment des “ménages à bout de souffle”, dont les conditions de vie déjà difficiles se sont dégradées ; auxquels s’ajoutent les personnes exilées, “victimes invisibles de la crise”.

Une crise sociale qui perdure

Selon une étude FAP/Ipsos(1), un tiers des étudiants et jeunes adultes ont eu recours à l’aide alimentaire, en plus des aides d’urgences, notamment celles du Crous, qui ont augmenté de 39% en 2020. “Le spectre d’une génération sacrifiée, appauvrie ou endettée plane et suscite beaucoup d’inquiétudes”, s’alarme Christophe Robert, délégué général de la FAP. 32% des Français ont subi une baisse de revenus, 48% une dégradation de leur santé mentale, 25% une dégradation de leurs conditions d’emploi. Au total, un Français sur six a eu recours à l’aide de ses proches ou d’une association.

Le mal-logement, qui concerne 8% de la population, touche 19% des allocataires d’APL, 18% des moins de 30 ans et 17% des locataires du privé. Ces trois cibles sont aussi celles qui constituent le tiers de Français déclarant à l’Ipsos avoir eu froid dans leur logement ou être en difficulté pour payer leur facture d’énergie.

Autre effet durable de la crise, “la hausse très importante des ruptures de droits et du non-recours provoquée par la fermeture puis la réouverture toujours partielle des services administratifs et sociaux, la généralisation du fonctionnement à distance et l’accélération de la dématérialisation”.

Logement d’abord, une dynamique à accentuer

La pandémie a également eu des conséquences marquées sur le secteur de l’hébergement d’urgence, “fortement sollicité, et qui l’est encore aujourd’hui”, constate Manuel Domergue. Le directeur des études de la Fondation salue l’ouverture et le maintien de 40 000 places. “Cela montre qu’il est possible de mettre à l’abri en très peu de temps des milliers de personnes, et que notre objectif de zéro personne contrainte de vivre à la rue est atteignable”, fait-il remarquer. Il pointe cependant plusieurs limites et notamment “le peu de perspectives de sortie vers le logement”.

Le 27e rapport dresse son bilan du Plan quinquennal pour le Logement d’abord qui, sur sa durée (2018-2022), a permis à près de 300 000 personnes de passer de la rue ou de l’hébergement vers le logement. Les points positifs sont nombreux : une “mobilisation des acteurs”, 46 collectivités engagées aux côtés de l’État, une amélioration des financements pour le recrutement de coordinateurs, une augmentation des attributions Hlm de 4% à 6% envers ce public, un nombre accru de logements en intermédiation locative (40 000 places en 2022 contre 5 000 en 2017).

Si “tout cela va dans le bon sens”, Manuel Domergue considère qu’il n’y a pas fondamentalement de “changement structurel”. “Les solutions proposées ne sont pas toujours pérennes, de droit commun”, note-t-il encore, pointant du doigt à la fois l’intermédiation locative et les organismes de logement social qui auraient, selon lui, quelque frilosité à accorder un bail de droit commun préférant la sécurité d’un bail glissant, faute d’accompagnement suffisant des publics concernés et du fait de “préjugés sur leur capacité d’habiter”.

Il insiste encore sur certains “points noirs” pour les jeunes de moins de 25 ans en exclusion familiale et sans accès aux minima sociaux ; ceux sortant de l’aide à l’enfance à 18 ans, échouant pour beaucoup à la rue ; pour les occupants des bidonvilles dont 1 300 ont été expulsés en 2021, “année record”, et pour les personnes en situation irrégulière, estimées entre 600 000 et 700 000. Pour accélérer la dynamique du Logement d’abord, la Fondation propose d’accroître les financements (qualifiés aujourd’hui d’“homéopathiques”), à la fois sur l’accompagnement, l’intermédiation locative et les dépenses d’hébergement.

Parent pauvre du quinquennat

'

En 2020, 14,6% de la population vivent sous le seuil de pauvreté. © S. Godefroy/FAP 

La FAP revient sur les choix fiscaux et budgétaires qui ont “appauvri les ménages pauvres” et creusé les inégalités, en dépit des aides apportées après la crise des Gilets jaunes. Elle égraine : “coupes colossales” dans les APL de 15 Md€ sur cinq ans, absence de soutien pérenne aux plus pauvres, dégradation de certaines prestations comme le RSA, réforme de l’assurance chômage...

Le logement, estime la FAP, est “l’un des parents pauvres du quinquennat”. “Force est de constater que le choc de l’offre annoncé par le candidat Macron pour détendre les marchés locatifs et faire baisser les prix des logements n’a pas eu lieu”, renchérit Christophe Robert qui ajoute que, “tout au long du quinquennat, le gouvernement s’en est pris aux bailleurs sociaux, les enjoignant à se regrouper, à privatiser 40 000 logements sociaux et à faire des économies”.

À cette pratique, viennent se cumuler la suppression des aides à la pierre, la “ponction” de la RLS à hauteur de 1,3 Md€ par an de 2020 à 2022 et l’augmentation de la TVA sur les PLUS et les PLS. Avec pour corollaire, la chute de la production Hlm à 87 000 logements en 2020 et 95 000 en 2021. “En cinq ans, l’État a privé les Hlm de 6 Md€, une somme qui équivaut à la capacité de construire plus de 200 000 logements sociaux”, fait valoir Christophe Robert, alors que 2,2 millions de ménages sont en attente d’un logement social. “La réduction de l’offre de logements sociaux (80 000 attributions de moins dans le parc Hlm en 2020), la chute de la construction de logements sociaux et le blocage de la mobilité résidentielle qui en résulte dessinent les tendances lourdes d’une crise du logement dont l’ampleur ne semble pas réellement prise en compte par les responsables politiques”, alerte la Fondation. D’autres objectifs n’ont pas été atteints, telles la construction de 40 000 PLAI annuel (31 000 en 2021), la production de 60 000 logements étudiants (30 000 en 5 ans) et l’éradication des passoires thermiques en dix ans.

Si elle relève une forte progression des rénovations énergétiques, la FAP déplore d’une part, que la plupart ne sont pas globales et se révèlent donc “non performantes”, et d’autre part, un reste à charge de 39% pour les ménages très modestes et de 56% pour les ménages modestes, “bien loin des 10% annoncés par le gouvernement”.

Alors qu’un nouveau quinquennat se profile, le défi est de taille : “La simple augmentation du nombre de ménages en France devrait générer un besoin de 210 000 à 325 000 logements par an d’ici à 2030, sans compter les besoins déjà existants. Les besoins en logements neufs restent donc très importants, entre 400 et 500 000 par an pendant dix ans”, estime la Fondation Abbé Pierre.

(1) Perception du mal-logement, quel impact de la crise du Covid-19 sur le mal-logement ? Fondation Abbé Pierre/Ipsos, 20 janvier 2022.

 

Chiffres-clés du rapport

• 300 000 personnes sans domicile (x 2 depuis 2012)
• - 0,5% de pouvoir d’achat pour les 5% les plus pauvres, en 5 ans
• + 3 500 € de pouvoir d’achat annuel pour les 1% les plus fortunés
• en 5 ans, + 41% de profits pour les “géants du CAC 40” au 1er semestre 2021 par rapport au 1er semestre 2019
• 12 000 personnes expulsées en 2021 (8 000 en 2020)
• 1,6% du PIB consacré au logement en 2020
• 79 Md€ de recettes fiscales du logement pour l’État, x 2 en 20 ans
• + 154% d’augmentation des logements depuis 20 ans, + 50% des loyers en 10 ans
• 1 demandeur d’asile sur 2 non hébergé dans le dispositif national d’accueil

Mots clés
Thèmes

PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1160 DU 15 février 2022

Actualités Habitat n°1160

Retrouvez cet article et beaucoup d’autres en vous abonnant au Magazine Actualités Habitat.