Lancé sur la période 2020-2023 le programme de recherche sur la vente Hlm s’inscrit dans un contexte marqué par la réduction de loyer de solidarité (RLS), la loi Élan et l’objectif d’accélérer la vente de logements sociaux pour financer de nouvelles constructions. La recherche en cours a pour but de mieux identifier les conséquences qui découlent de ces dispositions tant sur les organismes Hlm que sur les acquéreurs et sur le fonctionnement des copropriétés issues de la vente (lire l’encadré). Si les ventes sont globalement en croissance depuis 2013 pour s’établir en 2021 à environ 11000, leur volume varie fortement d’un organisme Hlm à l’autre. Une étude quantitative et spatialisée montre également de grands contrastes entre les territoires : certains départements en vendent beaucoup, d’autres nettement moins. C’est notamment le cas en Île-de-France, les ventes dans les autres régions y sont en moyenne supérieures de 50%. En revanche, sur la façade Atlantique, où elles sont proportionnellement plus élevées que dans les grandes agglomérations, elles n’affectent pas le niveau de l’offre de logements Hlm qui poursuit sa croissance. Autres constats significatifs, les ventes portent sur des biens plutôt récents (1976-2000) avec une sur-représentation des logements individuels et des T4. Au-delà de ce bilan, les premiers résultats du programme de recherche ont esquissé des réponses à trois questions majeures que pose le développement des ventes Hlm : le financement de l’offre nouvelle, l’amélioration du parcours résidentiel des ménages modestes et de la mixité sociale, et enfin leur impact sur les organismes Hlm.
Les onze financeurs du programme de recherche
L’Union sociale pour l’habitat et les Fédérations des Coopératives Hlm, des Entreprises sociales pour l’habitat, des Offices publics de l’habitat, Procivis-UESAP, ABC Hlm, Action Logement, la Banque des Territoires, l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts, le Plan urbanisme, construction, architecture (Puca) et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Des obstacles au financement de la construction
Si la promotion des ventes par les pouvoirs publics vise à financer une offre nouvelle, les équipes de recherche ont observé des résultats contrastés du fait de la tension entre deux objectifs en partie contradictoires : d’une part générer suffisamment de fonds propres permettant de développer la construction, et d’autre part donner aux ménages les plus modestes une opportunité d’accéder à la propriété qui implique de vendre à bas prix avec une difficulté supplémentaire sur les secteurs détendus où les prix de marché sont déjà faibles. À cela s’ajoute le souci de mettre en vente un patrimoine dont le coût d’entretien ne pèse pas sur les nouveaux copropriétaires modestes et la difficulté à libérer les logements mis en vente lorsque leurs locataires ne sont pas acquéreurs. Ces contraintes peuvent porter les délais, entre la décision de mettre en vente et la vente effective, à de très nombreuses années.
La mise en vente de logements est aussi freinée par la réticence, parfois l’opposition, de certaines collectivités locales redoutant une diminution de l’offre de logements accessibles sur leur territoire et une augmentation du nombre de copropriétés en difficulté. De manière générale, les organismes Hlm cherchent à travailler de concert avec les édiles et non à passer en force comme le permettraient les dispositions de la loi Élan.
Les ventes Hlm bénéficient-elles aux plus modestes ?
L’amélioration du parcours résidentiel des ménages modestes est un argument central de la promotion des ventes Hlm. Les chercheurs ont identifié plusieurs profils d’accédants. Les locataires qui souhaitent acquérir leur logement principalement dans une logique d’économie et de sécurité et les habitants désireux de se loger en plaçant leur argent dans un bien immobilier acquis à un prix avantageux en vue de se constituer une épargne au lieu de verser un loyer mensuel représentent la grande majorité des acquéreurs. Mais une part significative est composée de ménages qui souhaitent investir, principalement des cadres et des jeunes, qui recherchent une plus-value afin de poursuivre leur parcours résidentiel ou de procéder à un premier investissement locatif. Une des recherches révèle par ailleurs que plus le statut socio-résidentiel du quartier dans lequel le logement est acquis est élevé, plus le prix d’acquisition du logement est éloigné du marché, et plus la plus-value à la revente est importante. Ce sont les ménages appartenant aux classes moyennes qui bénéficient de ce mécanisme, les catégories populaires acquérant le plus souvent des logements dans des quartiers moins prisés. Il y aurait donc un effet de reproduction des inégalités. Il n’en demeure pas moins que dans nombre de territoires objets de la recherche, la production de logements neufs dépasse celle des ventes, mais avec une réserve : dans certains d’entre eux, l’offre de logements sociaux la plus accessible aurait tendance à se restreindre.
Plusieurs équipes ont aussi remarqué parmi les acquéreurs une sur-représentation des femmes seules avec enfants qui achètent leur logement après une séparation et, dans les métropoles, de ménages issus de l’immigration. Ces derniers constituent plus d’un quart des nouveaux copropriétaires d’anciens logements Hlm en Île-de-France. Toutefois, si la vente produit dans un premier temps une accélération de la diversité sociale des copropriétés, cette mixité tendrait à diminuer dans le temps au fur et à mesure des reventes ou des mises en location.

© R. Bellalouna
De nouvelles missions pour les organismes Hlm
L’augmentation des ventes Hlm pose également la question de son impact sur la gestion, la stratégie et l’organisation des bailleurs sociaux. Les plans de vente, constatent les chercheurs, sélectionnent les biens mis sur le marché en fonction de leur capacité à générer des fonds propres et selon des critères de peuplement, d’environnement urbain, d’état du bâti ou d’attractivité. Une fois les résidences sélectionnées, les organismes doivent en effectuer la commercialisation, souvent sur plusieurs années. Quand ils deviennent copropriétaires dans des résidences mixtes, ils en assurent le suivi. Suivi qu’une équipe de recherche a étudié en observant le travail de quatre chargées de copropriétés. Elles assument un large éventail de missions pour veiller au bon fonctionnement des nouvelles copropriétés et à l’accompagnement de ceux des acquéreurs qui peuvent être désorientés par leur nouveau statut résidentiel. Leurs actions s’inscrivent dans une logique de désengagement progressif à mesure que la part de logements sociaux dans la copropriété devient résiduelle. Cependant, les chercheurs ne discernent pas de modèle unique de gestion. Des organismes Hlm restent très interventionnistes et gardent un “réflexe de logeurs”, d’autres s’inspirent de la gestion privée tandis que certains pratiquent une gestion hybride mi sociale, mi privée.
Les résultats présentés lors du séminaire sont temporaires et, malgré leurs fréquentes convergences, montrent aussi des divergences selon les territoires. Les effets de la vente sur le financement de la construction, ses répercussions sociales et son action sur la mixité dans la durée sont encore à approfondir. De même que le faible taux de vente dans les quartiers en politique de la ville (QPV) ou la mise en œuvre à plus large échelle des mécanismes du bail réel solidaire (BRS) pour garantir le statut social des biens sur le long terme. Reste que la vente Hlm permet à de nombreux ménages modestes d’accéder à la propriété.
Les actes du séminaire seront publiés en octobre dans la collection des cahiers de l’USH. Un dossier de recherche est également disponible sur le centre de ressources de l’USH.
Contacts : Dominique Belargent, dominique.belargent@union-habitat.org ; Chrystel Gueffier-Pertin, chrystel.gueffier-pertin@union-habitat.org
Les cinq recherches en cours(1)
La vente Hlm dans les régions lyonnaise et grenobloise : quelles valorisations ?
Le point central de ce projet de recherche porte sur l’approche multidimensionnelle des valorisations attendues et produites par la vente Hlm dans les domaines économique, patrimonial et territorial. Les conséquences des ventes sur les quartiers en difficulté et leur possible revalorisation sont également observées.
Vente de logements sociaux en Île-de-France : les organismes Hlm et leurs locataires face au marché immobilier francilien
L’équipe de recherche explore notamment trois raisons à la promotion de la vente Hlm : le renforcement de la mixité sociale dans les quartiers où le logement social est majoritaire, la facilitation du parcours résidentiel et la contribution au financement de l’habitat social. Elle fait l’hypothèse de l’émergence progressive d’un secteur du locatif social à durée déterminée auquel la vente contribuerait.
Bailleurs sociaux et acquéreurs face à la “mise en marché” du parc social. Une comparaison de marchés tendus et marchés détendus en région Hauts-de-France
Cette recherche interroge l’hypothèse selon laquelle la mise en vente de logements sociaux dans les marchés tendus et détendus accroît les inégalités tant entre les territoires qu’entre les organismes Hlm et entre les ménages accédants.
Profils et trajectoires des ménages devenant propriétaires de logements sociaux
Ce projet de recherche étudie les profils, et dans la durée, les trajectoires des acquéreurs de logements sociaux et de leurs occupants. L’accession peut-elle être vécue comme une ascension résidentielle ou au contraire devenir coûteuse aux accédants ?
La vente Hlm dans les immeubles collectifs : monographies comparées des formes de gestion et du fonctionnement social des copropriétés
Cette recherche analyse le fonctionnement des copropriétés issues des ventes de logements sociaux tant sur le plan des nouvelles modalités de gestion que sur celui du fonctionnement social des résidences mixtes en termes de relations de voisinage, d’appropriation du logement, de l’immeuble et du quartier.
(1) Les équipes et les projets de recherche sont décrits sur le site Internet dédié au programme de recherche : https://recherche-ventehlm.union-habitat.org/
Pour en savoir plus : Les présentations du séminaire "La vente Hlm au prisme des premiers résultats de la recherche" - 30 juin 2022