Le renouvellement urbain hors Anru a représenté 40% des démolitions en 2019, tous territoires confondus. “Ce n’est pas neutre”, commentait Raphaële d’Armancourt, responsable du pôle Politiques territoriales et urbaines de l’USH, en introduisant un webinaire consacré à ce sujet, le 19 mai. Ces opérations, si elles sont moins “bordées” financièrement qu’en secteur NPNRU, disposent de plus de marges de manœuvre. “Certaines d’entre elles permettent d’augmenter parfois de 150% le nombre de logements dans un quartier”, souligne Catherine Grenier, responsable de département Conception et Renouvellement urbain à l’USH. “Ces opérations peuvent concourir à atteindre l’objectif ZAN”(1). C’est le cas par exemple dans le quartier des Troènes, à Choisy-le-Roi (94), ou aux Godardes 2, à Rueil-Malmaison (92). C’est particulièrement significatif sur les marchés tendus, où l’un des objectifs de ces opérations, outre le renouvellement d’un parc ancien obsolète, est souvent de densifier tout en participant à la diversification de l’offre de logements. En Île-de-France, “le foncier que nous détenons - qui est un atout immense - est parfois mal occupé, avec pour les grands ensembles une densité extrêmement faible”, souligne Hervé Gay, directeur général de CiteAme, filiale d’aménagement du groupe Polylogis. Les opérations de démolition-reconstruction sont alors l’occasion d’augmenter la densité, d’introduire de l’accession à la propriété, et de dégager des fonds pour les logements à réhabiliter. Seul hic, celui de la “densité ressentie” qui nécessite de convaincre les élus, comme cela a été le cas pour le quartier de l’Avre aux Clayes-sous-Bois (78), avec un ratio de reconstruction de 2 pour 1, mais seulement 35 logements locatifs sociaux reconstruits pour 91 démolis.
Un recensement des bonnes pratiques
Le renouvellement urbain hors Anru fait l’objet d’un Cahiers Repères publié en février par l’USH. Il est pensé comme un inventaire des bonnes pratiques. “Les dix exemples étudiés reflètent les grandes tendances de ce type d’opérations : la prépondérance des grands ensembles ; la localisation hors géographie prioritaire ; des secteurs d’intervention plutôt de petite ampleur ; la rareté des retours d’expérience sur des projets insérés dans un tissu ancien”, selon Catherine Grenier, responsable de département Conception et Renouvellement urbain à l’USH.
L’ouvrage se penche sur les différents enjeux de renouvellement et de recomposition de l’offre sociale et l’élaboration du projet urbain. Il détaille ensuite le processus de définition du projet et ses modalités de mise en œuvre. Enfin, le cahier aborde l’équilibre économique de ces projets (arbitrages et leviers d’optimisation). Cahier Repères n° 91, Renouvellement urbain hors secteur PNRU, février 2022.
Valoriser le foncier sans le brader
Dans le quartier Montessuy-Pasteur, à Caluire-et-Cuire (69), les bâtiments des années 1930 vont laisser la place à de nouvelles constructions, dont certaines menées par des promoteurs. La vente de charges foncières contribue en effet au montage de cette opération, particulièrement suivie par le préfet qui vient “s’assurer qu’on ne se limite pas à la reconstitution de l’offre démolie, car c’est une commune carencée au titre de la loi SRU”, précise Céline Foulonneau, chef de projets aménagement pour Lyon Métropole Habitat. Ici aussi, l’offre nouvelle sera composée de logements locatifs sociaux, mais également de logements en accession à la propriété (libre dans leur grande majorité, et quelques-uns en BRS). Et pour renforcer l’offre Hlm sur la commune, le bailleur acquiert en VEFA un programme à proximité du site.
1001 Vies Habitat opte également pour une stratégie de valorisation de ses réserves foncières existantes, en restant vigilant. “Les promoteurs sont très intéressés par nos fonciers. Il ne faut pas les brader et prendre en compte leur valeur, notamment sociale”, insiste pour sa part Jean-Malo Pellet, directeur de l’aménagement et grands projets. “Il faut réfléchir différemment nos équilibres financiers”. L’ESH a d’ailleurs créé un “Lab” interne dédié à la valorisation de ses actifs.
“Les opérations de renouvellement urbain hors Anru peuvent concourir à atteindre l’objectif ZAN.”
Résorber le taux de vacance
En zone détendue, les opérations de renouvellement urbain répondent plutôt à la volonté de lutter contre la vacance des logements. En Lorraine, “l’action patrimoniale menée à l’échelle inter-bailleurs vise à retendre le marché pour descendre à 4% de vacance. À quoi bon dépenser 50 000 € par logement en réhabilitation si le logement reste vide”, justifie Damien Tourneur, directeur du développement et de la maîtrise d’ouvrage chez Vivest. L’ESH avait racheté à Batigère 69 logements répartis en trois tours, à Faulquemont (57). L’objectif est de les démolir et d’en reconstruire 70, avec deux petits collectifs de 12 logements et surtout du pavillonnaire. “Cette programmation permet de transformer l’image du territoire, car ce quartier est situé en entrée de ville : on ne voyait que les tours”, souligne le bailleur.
Dans la Drôme, l’intégration du quartier Pont d’Aix au reste du village est la priorité. “Saint-Laurent-en-Royans est une commune rurale en déprise démographique. Il y a une forte vacance et une absence de demande sur le logement locatif social”, indique Samuel Coppel, directeur de l’aménagement et du renouvellement urbain de Drôme Aménagement Habitat. Situés au pied des montagnes du Vercors, les immeubles en R+7 étaient “en décalage avec leur environnement”. Les bâtiments démolis laisseront la place à des petits collectifs et des maisons en accession à la propriété, notamment pour les jeunes ménages. Ainsi, tout en « gommant l’urbanisme “daté” des années 1970 en zone rurale, on peut aussi offrir un parcours résidentiel et proposer de la primo-accession peu chère », poursuit-il, ce qui correspond aux besoins locaux. Car au final, l’enjeu est bien celui-là : adapter l’offre de logements.
Mobiliser des financements
Mais qui dit renouvellement urbain hors secteur NPNRU dit aussi absence de financements de la part de l’Anru. Ces opérations nécessitent donc de mobiliser des fonds propres mais aussi d’éventuels nouveaux emprunts, et de solliciter des aides comme le FNAP, le RIAD de la Banque des Territoires et le PIV d’Action Logement, ou encore les aides des collectivités (voir encadré ci-dessous). “Si les dispositifs de financement existants sont importants, ils ne sont pas décisifs dans l’arbitrage patrimonial”, souligne toutefois Catherine Grenier. La pérennité de ces fonds n’en reste pas moins un enjeu important. Pour la responsable de département Conception et Renouvellement urbain, “la définition d’un cadre de réflexion et d’intervention partenarial entre bailleur(s) et collectivité est, hors Anru, la condition de réussite”.
(1) Objectif de Zéro artificialisation nette des sols à horizon 2050 inscrit dans la loi Climat et Résilience.
Pour en savoir plus : Renouvellement urbain hors secteur en NPNRU - Repères n°91
Les financements mobilisables
Entre 2017 et 2020, trois principales sources de financement ont accompagné la démolition de 30 000 logements auprès de plus de 150 bailleurs sociaux. Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) a financé près de 7 500 démolitions (130 bailleurs) entre 2016 et 2020 pour près de 26 M€.
100 organismes ont bénéficié du RIAD 1 (Remise d’intérêts actuariels pour les démolitions) de la Banque des Territoires sur 2016-2018. L’enveloppe de 50 M€ a permis la démolition de plus de 10 000 logements. Pour l’instant, le RIAD 2 (2018-2022) porte sur 2 000 démolitions (10 M€ attribués à 40 organismes).
Enfin, le PIV (Plan d’investissement volontaire) d’Action Logement a bénéficié à 148 organismes. À fin 2020, l’enveloppe de 115 M€ avait aidé le financement de près de 15 800 démolitions.