L'Union sociale pour l'habitat
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Une recherche éclairante sur l’évolution du logement social AH

Attribué au Congrès Hlm de Marseille, le prix de thèse sur l’habitat social a récompensé un travail de référence sur la transformation progressive de la production des logements sociaux et de son financement depuis le début des années 2000. Une recherche qui offre un cadre interprétatif robuste aux évolutions actuelles du secteur.

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Améliorer la compréhension de l’habitat social, de ses enjeux, des problématiques qu’affrontent ses acteurs, tels sont les principaux objectifs du prix de thèse sur l’habitat social décerné tous les deux ans par l’Union sociale pour l’habitat, la Caisse des dépôts et l’Institut CDC pour la recherche(1). Jean-Luc Vidon, président du jury, directeur général d’ICF Habitat La Sablière et président de l’AORIF (Union sociale pour l’habitat d’Île-de-France), souligne "la qualité des seize thèses présentées à un moment où le Mouvement Hlm est confronté à des interrogations sur les fondamentaux du logement social. Les travaux qui nous ont été soumis abordent de nombreux sujets qui font le quotidien des organismes Hlm et fournissent des éléments de compréhension permettant d’affiner les réponses."
La thèse de Matthieu Gimat, lauréat du prix, a émergé de ces travaux. Dirigée par Sylvie Fol et soutenue à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, elle porte sur l’évolution des conditions de la production des logements sociaux et ses conséquences profondes sur le fonctionnement du secteur. "C’est une thèse très ambitieuse", explique Pierre Laurent, vice-président du jury et responsable du développement à la direction des prêts de la Banque des territoires. "Elle expose la cohérence des mesures prises par les gouvernements successifs depuis une quinzaine d’années et les évolutions qui en ont résulté sur la production de logements sociaux en les resituant dans une perspective historique plus longue."

 

Deux prix spéciaux originaux et innovants Le palmarès du prix de thèse sur l’habitat social illustre la complémentarité des approches et la diversité des thèses présentées au jury.

  • Un prix spécial a été décerné à Clémence Léobal pour son travail très innovant sur la rencontre entre les politiques urbaines françaises et les modes d’habiter l’Amazonie à Soolan (Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane), ville située à la frontière avec le Surinam. "Bien que cette thèse porte sur un territoire très éloigné de la métropole, elle aborde des problématiques que l’on rencontre partout telles que l’habitat indigne ou les attributions de logements", rappelle Jean-Luc Vidon.
  • Le deuxième prix spécial a été attribué à Yannick Hascoët pour sa thèse intitulée “Vers une modification de l’image de la cité d’habitat social ? Lisières métropolitaines et détours récréa(r)tistes (Marseille, Paris, Montréal)”. Le chercheur pose la question de l’effet d’un développement du tourisme urbain et de la création artistique sur l’image de la cité d’habitat social. "Une interrogation, précise Jean-Luc Vidon, qui entre en résonnance avec celle de nombreux bailleurs soucieux d’améliorer l’image de leurs quartiers." Ces deux thèses feront l’objet d’un article plus complet dans un prochain numéro d’Actualités 

Comprendre les évolutions

L’addition de ces mesures aboutit, par inflexions successives, à un autre modèle de production du logement social qui prend davantage appui sur les fonds propres des organismes Hlm, en coopération avec les collectivités locales, et moins sur les ressources de l’État qui se raréfient. Ce nouveau modèle a généré une hausse significative de la production de logements sociaux : d’un peu plus de 40000 logements produits en 2000 à plus de 100000 depuis une dizaine d’années. "Cette thèse de la régulation productiviste est rigoureuse sur le plan méthodologique, bien argumentée, convaincante et très solide", indique Marie-Christine Jaillet, directrice de recherche au CNRS et membre du jury. En outre, elle fournit un cadre interprétatif solide aux évolutions récentes qui touchent notamment le renforcement des coopérations entre collectivités locales et organismes Hlm ou l’organisation du tissu Hlm lui-même, ou encore l’orientation prise récemment de faire reposer le financement du logement social, voire la solvabilisation des ménages qui y habitent, sur le système Hlm lui-même.
La thèse souligne cependant une limite du modèle qui se dessine, et non des moindres : il fragilise la capacité des organismes Hlm à répondre à certains enjeux locaux ou à des enjeux de logement des plus défavorisés. Cette recherche s’inscrit dans une approche pluridisciplinaire relevant à la fois de la géographie, de la science politique, de la sociologie, de l’urbanisme ou de l’histoire. Aux yeux de Pierre Laurent, "Cette approche globale dans un secteur en pleine mutation permet à la thèse de Matthieu Gimat de rester pleinement ancrée dans l’actualité, en dépit de la rapidité des évolutions qui auraient pu la rendre vite obsolète." Jean-Luc Vidon ajoute que "ce qui a fait pencher la balance en faveur de cette thèse, c’est qu’elle met en lumière le mode opératoire de la production de logements en lien avec l’organisation des bailleurs, le financement et les politiques territoriales de l’habitat."
L’intérêt de la thèse est de bien éclairer les enjeux des changements toujours en cours, qu’il s’agisse des finalités et modalités du regroupement des organismes, des mutations du mode de financement de la production, du rôle et de la place de la VEFA par rapport à la maîtrise d’ouvrage directe sous l’égide des organismes Hlm(2), ou encore de la part respective de l’État, des collectivités locales et des organismes Hlm dans la programmation et la production des logements sociaux.
 

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Le lauréat, Matthieu Gimat.

La thèse : un outil pour les acteurs

La thèse de Matthieu Gimat présente un grand intérêt pour les acteurs du logement social, et ceci à plusieurs niveaux. Certes, il s’agit d’une thèse et non d’un document à vocation opérationnelle qui fournirait des recettes immédiatement applicables. Mais d’une certaine manière, c’est bien plus que cela. "C’est un appui solide pour construire notre réflexion, définir et orienter nos actions", indique le président du jury. Selon Marie-Christine Jaillet, "la thèse permet aux acteurs de décrypter le sens des politiques publiques de plus en plus complexes qui changent avant même qu’ils aient eu le temps de les appréhender pleinement".
De son côté, Jean-Luc Vidon met l’accent sur la manière dont la thèse de Matthieu Gimat "aide à comprendre le passé pour mieux éclairer le présent et l’avenir. C’est le cas, par exemple, de la construction des processus de production du logement social à l’échelle des territoires, en coopération avec les collectivités locales. La thèse peut nourrir la réflexion des bailleurs sur la manière de construire ces processus de production coopératifs dans la perspective de rendre les politiques publiques plus efficaces."
Enfin, aux yeux de Pierre Laurent, la thèse de Matthieu Gimat constitue une somme qui fera référence auprès de tous les acteurs et de tous ceux qui veulent savoir comment fonctionne la production de logements sociaux. "Elle va aider les professionnels du secteur à mieux maîtriser les transformations en cours et à s’en emparer pour mettre en place des actions plus appropriées."
Pour conclure, Marie-Christine Jaillet attire l’attention sur une autre fonction du prix de thèse : "Par leur retentissement, les travaux des jeunes chercheurs alimentent et maintiennent ouvert le débat sur le logement social et sa vocation."
La thèse de Matthieu Gimat sera discutée lors de la prochaine journée "Quoi de neuf, chercheurs ?" le jeudi 29 novembre 2018 (voir l’agenda en page 14). 

 

Délibérations consensuelles et enrichissantes

Distinguer les thèses qui seront primées parmi un éventail de travaux d’une grande qualité, bien écrits et accessibles, n’est pas chose aisée. Pour ce faire, le jury dispose de critères d’évaluation qui se sont affinés depuis la première édition (2014). Le travail proposé contribue-t-il et en quoi à la compréhension de l’habitat social dans ses différentes dimensions ? Éclaire-t-il les enjeux actuels et futurs de l’habitat social ? Fait-il une place significative à l’action et/ou pour l’action ? Présente-t-il des qualités de lisibilité qui le rendent facilement accessible et appropriable par les acteurs du logement social ? Renouvelle-t-il l’approche théorique de l’habitat social ou apporte-t-il à sa connaissance une contribution consistante avec des qualités d’argumentation, une méthodologie robuste, un travail empirique de qualité ? Le vice-président du jury, Pierre Laurent, indique que les délibérations ont donné lieu à des "échanges d’une richesse exceptionnelle". Le président, Jean-Luc Vidon, souligne la complémentarité des approches permises par la diversité des membres du jury : "Les thèses ont pu être ainsi analysées et évaluées de manière complète tant en fonction des attentes des chercheurs – théorique et méthodologique - que de celles des acteurs de terrain intéressés par la réflexion sur l’action que ces travaux académiques permettent."

 

(1) Ce prix est décerné avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation, du Plan urbanisme, construction, architecture (PUCA) et du Réseau français recherche, habitat-logement (REHAL).
(2) Voir aussi à ce sujet l’article en page 33.
Contact : Dominique Belargent, USH ; Mél. : dominique.belargent@union-habitat.org