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Webinar : gestion des impayés de loyers et prévention des explusions en temps de crise AH

Les organismes Hlm ont, ces dernières années, fait évoluer leurs pratiques de prévention et de traitement des impayés, notamment en renforçant les liens avec leurs partenaires territoriaux. La crise sanitaire a accentué ces évolutions et, dès le début du premier confinement, les organismes Hlm se sont mobilisés pour prendre en compte et prévenir les difficultés économiques de leurs locataires. Un webinar organisé le 11 décembre par l’USH a réuni 300 participants autour de ces questions d’une actualité toujours aussi brûlante en 2021.

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Le traitement rapide des impayés, la prévention des expulsions, font partie des missions essentielles des bailleurs sociaux. Dans un contexte où l’occupation du parc social se fragilise les organismes ont fait évoluer leurs pratiques en adaptant leur organisation. Ces pratiques sont réinterrogées par la crise actuelle, qui pourrait toucher des ménages jusqu’à présent sans difficultés.

L’enquête mensuelle menée par les Fédérations de l’USH, dans le cadre de la crise, fait apparaître une hausse importante du solde des impayés entre fin février et fin avril (+150 millions d’euros). Mais à partir du mois de mai, cette hausse diminue, et représente +65 millions d’euros à fin octobre par rapport à fin février, les difficultés “matérielles” de paiement ayant été résolues.

Une adaptation reconnue

Les organismes ont fait preuve de réactivité et d’innovation en inventant de nouveaux dispositifs et de nouvelles organisations. "La capacité de mobilisation et d'adaptation de notre secteur est reconnue et apprécié des pouvoirs publics", a rapporté Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales de l’USH, en clôture du webinar du 11 décembre, organisé sur le thème “Impayés et prévention des expulsions : quels nouveaux leviers d’actions pour les bailleurs sociaux ?”

"Les démarches mises en place doivent être maintenues, car les difficultés sont devant nous avec un risque d’explosion des impayés dans les mois à venir", a-t-il ajouté, en conseillant de porter l’attention sur la capacité de contact avec les locataires et d'intervention rapide. Aujourd’hui, "les montants sont maîtrisés, mais on constate une légère augmentation du nombre de ménages en impayés de plus de trois mois qui peut être le signe que les difficultés sont à venir", a également alerté Maryse Sylvestre, conseillère sur les politiques sociales à la direction des Politiques urbaines et sociales de l’USH. Partager les expériences réussies est plus que jamais une nécessité.

Une approche sociale renforcée

Dans le Pays basque, l’OPH Habitat Sud Atlantic a fait évoluer son organisation dès 2015, en remplaçant le service recouvrement-contentieux par le service gestion sociale, rattaché au service clientèle, avec pour objectif une approche globale et pluridisciplinaire de l’impayé. Cette organisation s’est traduite par la professionnalisation des équipes sur les axes juridique et social, et un maillage territorial plus fort. Pour simplifier les modes de paiement durant le confinement, les outils digitalisés ont été déployés. 6000 SMS ont été envoyés. Les messages pour rassurer et informer les locataires ont été renforcés sur le site du bailleur et sur sa page Facebook. Fin novembre 2020, la hausse des difficultés de paiement constatée lors du premier confinement avait reflué de 75%.

Chez Érilia, la professionnalisation en continu des métiers et le renforcement du binôme conseiller en économie sociale et familiale (CESF)-chargé de contentieux locatif ont fait diminuer de 6% les impayés en trois ans et d’un tiers le nombre d’expulsions. Parallèlement, l’ESH a développé les aides internes, comme les aides sur quittance pour compenser une perte de ressources ponctuelle si les aides de droit commun ne sont pas mobilisables, ou encore les aides avant mutation pour “payer aujourd’hui le loyer de demain”. Avec la crise, ces fonds ont été multipliés par trois pour accompagner les situations qui n’entrent pas dans les cadres.

“Aller vers” en mode virtuel

Avec le confinement, la démarche d’“aller vers” adoptée par Érilia s’est déclinée en mode virtuel grâce au recours massif aux SMS et aux mailings invitant au règlement dématérialisé, notamment par carte bancaire, sur portable ou tablette. L’approche sociale a également été renforcée avec une mobilisation plus importante des CESF dans le cadre de démarches amiables.

Le témoignage d’Érilia a permis aussi d’évoquer la situation préoccupante des travailleurs salariés dans certains territoires : un locataire sur deux en situation d’impayés est salarié, en CDD ou CDI.

Des partenariats adaptés aux territoires

Et quand les impayés s’accumulent, comment agir collectivement pour éviter l’expulsion ? Tel était le thème de la deuxième séquence du webinar au cours de laquelle il est ressorti que ces partenariats sont nécessaires et se construisent sur un temps long.

Lille Métropole Habitat a, en 2014, fait évoluer son organisation, en passant d’une logique “impayé” à une logique “recouvrement” et en développant sa gestion sociale.

Un dispositif partenarial a été mis en place, s’appuyant sur des orientations croisées avec cinq associations, et le développement de projets favorisant le maintien dans le logement de ménages menacés d’expulsion, via un accompagnement social délégué (mais impulsé et coordonné par le bailleur, qui reste pilote du dispositif). Projets soutenus dans le cadre du programme 10 000 logements Hlm accompagnés.

Dans le cadre de la prévention des expulsions, une méthodologie de travail est expérimentée pour créer une culture commune entre partenaires et favoriser le maintien dans le logement. Un travail est mené autour de l'adhésion du ménage, qui se traduit dans un contrat d'accompagnement tripartite (bailleurs, associations, ménages). 50 ménages ont ainsi été accompagnés depuis 2016, dont des salariés qui ne bénéficient pas des aides classiques ainsi que des retraités. La dette des ménages sortis du dispositif a diminué pour 61% d'entre eux.

La démarche partenariale est accompagnée par la Métropole européenne de Lille, via sa politique de soutien financier aux expérimentations.

Bailleur et association : une nécessaire acculturation

Malgré sa politique de “l'aller vers”, la SA Hlm Les Chalets constatait l’impossibilité de rétablir le lien avec des locataires en rupture et inconnus des dispositifs de droit commun. L’ESH a demandé à une association d’intervenir auprès d’eux. L’accompagnement, qui n’est pas soumis à contractualisation, s’attache à prendre en compte leurs besoins de manière globale, grâce à une équipe pluridisciplinaire composée de technicien(ne) de l’intervention sociale et familiale (TISF), de conseiller(ère) en économie sociale familiale (CESF), psychologue, sophrologue… Elle propose des prestations individuelles mais aussi des ateliers, des animations, un accompagnement psychologique avec orientation vers une structure de droit commun si besoin. Le suivi se termine quand la situation se stabilise ou à la demande du locataire.

76 ménages ont été suivis entre 2017 et 2020 dans le cadre de cette expérimentation. Au bilan : aucune expulsion et les liens ont été recréés avec le bailleur. Les locataires qui n’ont pas adhéré à la démarche ont cependant pris conscience de leur situation.

Une plateforme territoriale partenariale

La démarche partenariale portée par Grand Lyon Habitat réunit des associations mais aussi d'autres bailleurs du territoire dans une plateforme destinée à repérer les ménages en grande difficulté et assurer leur accompagnement coordonné. Cette démarche est soutenue par la Métropole de Lyon, un des 24 territoires de mise en œuvre accélérée du Logement d'abord. L’objectif est d’accompagner, chaque année, 70 ménages cumulant des difficultés (dettes, occupation problématique du logement…), pendant trois ans. L’intervention repose là encore sur une approche globale et nécessite un travail parfois très long pour l’adhésion. Pour favoriser l'acculturation des parties prenantes, des formations sont proposées visant à asseoir et partager les changements de postures professionnelles.

Des outils accompagnent la démarche : aides à la quittance, bail maintien, aides complémentaires. Quand la situation nécessite un relogement chez un autre bailleur, le partenariat permet de faciliter la mutation. Pendant la crise sanitaire, les accompagnements ont pu se mettre en place à distance ou en présentiel pour les plus critiques.

En clôture du webinar, Thierry Asselin a encouragé les organismes à se saisir des appels à projets, lancés notamment par le dispositif Hlm accompagnés désormais intégré au FNAVDL (Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement), pour développer des projets sociaux en lien avec le milieu associatif sur la problématique “maintien”. L’USH poursuit la discussion avec les pouvoirs publics sur cette thématique pour renforcer les moyens des FSL (Fonds de solidarité pour le logement), développer l’accompagnement social et “l’aller vers”, et améliorer la coordination territoriale des acteurs impliqués par la prévention des expulsions. L’urgence semble un sentiment partagé.

Un Observatoire des impayés, piloté par le ministère du Logement, tient désormais des réunions mensuelles sur les effets de la crise. De nouvelles mesures sont attendues début 2021 ainsi que des propositions du député Nicolas Démoulin. Lors du webinar, des organismes ont soulevé la question des relations avec les CAF, notamment dans le cadre de la mise en œuvre au 1er janvier 2021 de la réforme de l’APL qui rend complexe les simulations.

 

Charte USH/Associations de locataires

Signée en mai 2020 par les associations de locataires et l'USH, la charte d'accompagnement des locataires en situation de difficultés économiques a été actualisée le 2 décembre par un avenant qui prolonge la possibilité du recours à des délais de paiement et ajoute des mesures en faveur de l'accompagnement des victimes de violences conjugales.