Date de publication :
15 juillet 2024
Auteur(s) :
DIANE VALRANGES
Assemblée générale : dans un moment suspendu, les ESH formulent 10 propositions… en attendant le gouvernement
À quelques jours du premier tour des élections législatives, la Fédération des Entreprises sociales pour l’habitat (ESH) a tenu son assemblée générale, le 27 juin, dans un contexte incertain et sans ministre du Logement. Elle a présenté 10 propositions pour le logement abordable et se donne une priorité : réduire le coût de l’endettement qui a très fortement augmenté en raison de la hausse du taux du Livret A.
« Nous espérions que le gouvernement ouvrirait rapidement, en amont de la loi de Finances 2025, une négociation globale avec notre secteur, afin de nous donner une visibilité indispensable. Le temps des réponses devra encore attendre, alors même que l’urgence est là », a déclaré Valérie Fournier en ouvrant l’assemblée générale de la Fédération des ESH, le 27 juin, à Paris.
La pilule de la dissolution de l’Assemblée nationale est d’autant plus amère qu’une négociation était en cours pour obtenir une clause de revoyure, révèle Valérie Fournier, qu’elle espérait voir annoncée à l’AG par Guillaume Kasbarian. En devoir de réserve, le ministre du Logement a fait faux bond aux ESH(1), et la négociation semble désormais caduque. L’idée était de signer avec l’État un contrat global de 3 ans pour le secteur, notamment pour « retrouver la confiance, clarifier les lignes et nous considérer comme un levier d’action et d’efficacité plutôt qu’un élément de dépenses publiques », analyse la présidente.
La séance interne de l’assemblée générale, qui s’est tenue en présence d’Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, a vu toutes les résolutions approuvées à l’unanimité. Plus de 75 % des ESH y étaient représentées.
Une très bonne année
Dans ce contexte inattendu, pas facile de faire de l’humour à 3 jours du premier tour des élections législatives. Et pourtant, c’est ce qu’a tenté Valérie Fournier en citant l’acteur Jean-Pierre Bacri, qui se disait optimiste, car « être pessimiste ne sert pas à grand-chose parce qu’anticiper le malheur vous le fait vivre deux fois »… Et pour faire preuve d’optimisme, rien de tel qu’un bilan positif et une vision.
Pour le bilan, « les ESH, dans une année compliquée, malgré la hausse des taux, ont été au rendez-vous de l’urgence du logement », avec une offre large, de l’hébergement au logement intermédiaire. Elles ont déposé 58 % des agréments nationaux, avec « un fort investissement sur le PLAI et le PLUS » : 55 % des agréments de PLAI et 60 % pour les PLUS et PLS, avec 47 526 agréments ESH. 54 700 logements ont été mis en chantier, un chiffre en forte hausse, + 7 % par rapport à 2022. « Depuis 2013, c’est la quatrième meilleure année des ESH », se félicite Valérie Fournier. Pour la réhabilitation, 3,7 Md€ ont été investis, dont 2,7 Md€ en réhabilitation lourde en très forte hausse également. « Nous devons marcher sur nos deux jambes », a insisté la présidente qui refuse de choisir entre la construction et la rénovation.
Elle assume le volume de production de logements intermédiaires des ESH avec une production 2023 de 9 900 logements (contre 4 200 en 2022), proche du niveau du PLS (10 900), estimant « avoir ainsi permis à la quote-part sociale de ces opérations de sortir de terre » et « contribuer au parcours résidentiel de nos habitants ».
« Revenir à l’essentiel »
Toujours optimiste, elle veut voir dans ce « moment suspendu et incertain » une opportunité. « Nous devons nous demander où nous avons échoué. Parce que l’interpellation du 9 juin, elle vaut aussi pour nous », concède Valérie Fournier. Dix propositions en découlent, pour le développement de l’offre de logement abordable (lire ci-contre). Car, ajoute-t-elle, « au moment où les extrêmes, de quelque bord qu’ils soient, pratiquent la politique de la haine de l’autre, de la peur, il me paraît important de rappeler par la réalité de nos actions qu’une autre voie, que faire vivre la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité est possible et qu’elle est possible dans nos résidences ». Elle redit les défis : le sentiment de perte de repères et de déclassement, le numérique et l’intelligence artificielle, les enjeux climatiques. Pour décarboner, elle invite les organismes à « se réinventer », et promouvoir le changement de vecteur énergétique et pas seulement l’isolation.
Pour poursuivre leur mission d’intérêt général, les ESH souhaitent être confortées dans leur modèle économique. « Il n’y a pas de grand soir, il n’y a pas de libéralisation, nous ne sommes pas pour la financiarisation », insiste leur présidente. Bien qu’elle estime légitime de demander la suppression de la RLS et la baisse de la TVA à 5,5 %, Valérie Fournier prône une nouvelle méthode et priorise la réduction du coût de l’endettement. Avec 12 Md€ de loyers perçus et plus de 12 Md€ d’investissements, « notre modèle économique locatif est confronté à un choc conjoncturel historique : tous les résultats courants d’exploitation des organismes Hlm sont devenus négatifs en 2023, du jamais vu ! », s’inquiète-t-elle. Et d’annoncer que les ESH se trouvent « en surchauffe durable », certaines ayant commencé à réduire leurs investissements.
Réduire le taux du Livret A
Pour faire reculer le coût de la dette, la Fédération milite pour la réduction du taux du Livret A, « sinon les ESH devront lever le pied », avertit sa présidente, chiffrant une charge d’intérêts à 2 Md€ qui amincit fortement les résultats. Les ESH s’attendaient à une baisse du taux dès le 1er juillet au lieu du 1er janvier 2025. Las, encore une fois, la dissolution a rebattu les cartes. Valérie Fournier regrette que le choix n’ait pas été celui de diminuer le taux et d’inviter la Caisse des dépôts à prendre la différence à sa charge. « Tout va se jouer sur les hypothèses de décroissance du Livret A. La trajectoire d’atterrissage des taux sera l’élément fondamental », confirme Didier Poussou, directeur général de la Fédération.
(1) Son directeur de cabinet était néanmoins présent, tout comme le DHUP.
Des ESH sobres primées, de nouveaux gardiens certifiés
Pour faire suite à leur partenariat signé au dernier Congrès Hlm (lire AH 1197-1198), la Fédération des ESH et la Caisse d’Épargne ont décerné leurs 2e Trophées sobriété à quatre ESH. Par ailleurs 191 gardiens ont reçu cette année leur certificat de qualification professionnelle.
• Prix de la construction neuve : ICF Habitat La Sablière, rue Jacques Baudy, Paris 15e : démolition d’une HBM, reconstruction de 3 bâtiments de 75 LLS, un LCR (local collectif résidentiel) et un commerce selon la typologie HBM, avec - 19 % de SHAB et - 10 % d’emprise au sol.
• Prix de la réhabilitation : SDH, Les Chaumes, Le Grand-Lemps (38) : travail sur l’enveloppe (ITE, changement de toiture, isolation combles et planchers), installation d’une VMC et chaudière granulés bois. DPE de E à B.
• Prix de l’accompagnement des locataires dans la sobriété : 1001 Vies Habitat - Logis Méditerranée, L’appartement pédagogique, La Visitation, Marseille 14e : centre interactif de sensibilisation aux écogestes, via un parcours immersif à travers les pièces d’un logement (jeux, formations, conseils, maîtrise des consommations et de la maintenance).
• Prix coup de cœur : 3F Normanvie, résidence Val de Reuil : construction d’un bâtiment 100 % bois de 105 logements LLS et LLI, labellisé BEE+, RE 2020 seuil 2031 (+ 7 %), seuil 3 fois supérieur au label biosourcé niveau 3.
10 propositions pour relever les défis du logement abordable
Nées des réflexions qui ont animé les débats entre élus, bailleurs et associations lors des Rencontres des ESH le 24 janvier 2024 (lire AH 1204), les 10 propositions de la Fédération s’inscrivent dans la lignée de sa raison d’être, Entreprendre ensemble par l’habitat abordable, pour une société plus durable, solidaire et humaine.
1. Baisser le taux du Livret A dès l’été 2024 afin de maîtriser la progression de la charge de la dette Hlm indexée à taux variable ; recréer des paliers à la hausse limitée à + 0,5 %.
2. Établir pour les 3 ans à venir un contrat national avec l’État sur la relance de la construction de logement abordable et la trajectoire de rénovation énergétique simple et compréhensible pour tous.
3. Inscrire pleinement le secteur Hlm comme levier d’action et d’efficacité de la politique publique globale.
4. Définir les projets de logement abordable SRU (LLS et LLI) comme des projets d’intérêt national prioritaires au titre du ZAN avec une enveloppe nationale et régionale.
5. Fixer une politique nationale ambitieuse et permettre une réponse territoriale adaptée : pas de nouvelle autorité ou corpus de règles, mais planification et organisation d’actions concrètes en mobilisant les ESH. Réaliser une analyse des besoins intégrant la nécessité de réponses différenciées par région ou territoire (bassin de vie ou d’emploi).
6. Participer au-delà du logement à l’accès aux droits sociaux, y compris au service du Logement d’abord.
7. Promouvoir la mixité sociale pour favoriser le bien vivre-ensemble plutôt que la réduction de notre modèle sur le seul logement des plus pauvres.
8. Engager une réelle simplification des attributions et de la commande publique en responsabilisant les bailleurs. Sortir du modèle de la réglementation et du contrôle pour un partenariat en confiance avec les opérateurs et l’obligation pour eux de rendre compte de leur mission d’intérêt général.
9. Permettre aux ESH de créer toutes “filiales” fiscalisées en lien avec l’activité, avec possibilité de détention du capital inférieure à 50 %, sur des activités complémentaires (renouvelable, numérique, énergie, diagnostics…) dans le respect des règles européennes.
10. Mieux aider les opérateurs et les groupes Hlm qui contribueraient le plus à la relance de la construction et de la rénovation prévue dans le contrat national.
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1214 DU 15 juillet 2024
Actualités Habitat n°1214
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