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Accession sociale
Date du document

23 septembre 2013

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Dominique Hoorens

Direction des Etudes – DE

Date de publication :

23 septembre 2013

Auteur(s) :

DOMINIQUE HOORENS , M.CHODORGE UNION-DEEF , DENISE PARTOUCHE

Comment les ménages peuvent ils acheter des logements si chers ?

Entre 1996 et 2011, les prix immobiliers ont augmenté de 157% (soit une multiplication par près de 2,6 !), alors que les revenus n'ont progressé que de 33%. Cependant le niveau de transaction est demeuré élevé. La clé du paradoxe semble se trouver dans les conditions de financement.

Depuis 15 ans, les capacités d’emprunt immobilier des ménages ont augmenté grâce à la baisse des taux d’intérêt, mais également au prix d’une hausse des durées d’endettement et des taux d’effort. En 2011, malgré un contexte de crise économique, ceci a même autorisé des volumes de transactions historiquement hauts et des niveaux record de prix. Si 2012 marque une pause dans la hausse, et une nette baisse des volumes, les tendances à venir sont complexes à anticiper. Certes les conditions bancaires s’annoncent plus difficiles et les aides publiques en baisse, mais d’autres facteurs - plus ou moins généralisés -  pourraient limiter la baisse des prix. Enfin, la lourde charge des accédants récents risque de ne pas s’alléger en cours de route, contrairement à ce qu’ont pu vivre les accédants plus anciens.

Prix records et volumes élevés dans l’ancien

Le marché de l’immobilier ancien peut sembler en plein paradoxe. D’une part, les prix des logements anciens ont atteint des sommets : ils ont progressé, selon l’indice INSEE-Notaires (cf. graphique 1), de 157% (soit une multiplication par près de 2,6 !) entre 1996, qui était un point bas et 2011. Le prix moyen d’une opération d’accession a crû dans les mêmes proportions, d’après les données de l’Observatoire du Financement du Logement (OFL). D’autre part, et paradoxalement,  le nombre de transactions s’est maintenu à des niveaux élevés. Et les années ou le nombre de transaction a nettement fléchi, en 2008-2009 et 2012, la baisse des prix a été minime.

Graphique 1 : Evolution comparée de l’indice des prix et des volumes de transaction dans l’ancien

volumes transactions.pngSource : données INSEE-Notaires

Pour comprendre comment et à quelles conditions ces transactions ont pu être financées, il convient d’illustrer l’évolution des capacités de financement des ménages depuis 1996, en distinguant les évolutions des trois types de ressources mobilisées par un ménage lors d’une acquisition : l’emprunt immobilier classique, l’apport personnel et les aides aux acquéreurs, qui prennent souvent la forme d’emprunts à taux bonifiés.

Des capacités et des charges d’endettement en forte hausse

La première ressource utilisée pour financer un investissement immobilier est l’emprunt. Cette partie va s’attacher à montrer l’évolution des capacités d’endettement, en laissant de côté l’évolution des apports personnels et des aides (PTZ, prêts 1%...).

Pour illustrer ces évolutions, il est proposé ici de prendre le point de vue d’un ménage donné. Il est choisi un ménage se plaçant au 7ème décile de revenu (c’est-à-dire que le ménage a un revenu  supérieur à celui des  70% des ménages les plus modestes, et inférieur à celui des 30 % des ménages les plus aisés), qui resterait à la même position sur l’échelle des revenus pendant toute la période étudiée. Ce ménage dispose d’un revenu proche du niveau moyen constaté sur le marché. Le raisonnement suivant va évaluer la capacité de financement de ce ménage sur la base des paramètres moyens des dossiers de prêts d’accession observés au sein de l’OFL et des taux moyens des crédits à l’habitat observés par la banque de France.

En moyenne, les emprunts représentaient 64% du coût d’une opération d’accession (hors frais de transaction) en 1996 et 74% en 2011, selon l’OFL. Si une partie des acquisitions sont financées par des prêts aidés (prêt à taux 0, prêts aidés des collectivités locales, prêt accession sociale, prêt conventionné, prêt épargne logement, prêt employeur, prêt du 1%…), les prêts « bancaires  classiques » (prêt d’une banque, d’un réseau mutualiste ou d’un établissement de crédit spécialisé) représentent la première ressource de la plupart des accédants. Le niveau des taux de marché, les durées d’emprunt et les taux d’efforts acceptés déterminent alors le montant pouvant être emprunté. Ces dernières années, ces facteurs ont tous joué dans le sens d’une hausse des montants empruntés.

En 1996, le ménage de référence choisi gagnait 2300 € par mois (pour l’ensemble du ménage, prestations sociales comprises). En se basant sur les moyennes constatées sur les opérations d’emprunts immobiliers réalisées alors, et en supposant qu’il ne mobilise aucun emprunt aidé, il aurait :

  • contracté un prêt au taux de 8,7% et d’une durée de 14 années
  • consacré 23 % de son revenu au remboursement,  soit une mensualité de 520 € par mois,
  • et aurait pu emprunter 50 300 €.

Vu le taux d’apport moyen d’alors, il aurait pu acheter un bien valant  78 100 € courants (hors frais de transaction).

 

En 2011, ce ménage de référence gagne 3 500 € courant du seul fait de l’inflation et de la hausse du pouvoir d’achat. Dans des conditions de crédit et de taux d’effort analogues à celles de 1996, il peut alors emprunter près de 76 000 €, quasiment 26 000 € de plus qu’en 1996. C’est une sorte « d’effet revenu ».

 

Entre 1996 et 2011, on constate une baisse tendancielle des taux d’intérêt. Selon la Banque de France, le taux moyen des crédits à l’habitat est passé de 8,7% à 4,5%. Ce seul fait permet au ménage type étudié d’augmenter son endettement d’environ 21 000 € par rapport aux conditions de 1996. C’est un « effet taux ».

A durée et charge relative d’endettement identiques à celles de 1996, le ménage dispose ainsi d’un « pouvoir d’achat  logement » supplémentaire de près de 47 000 euros.

La décennie passée, dans le contexte de hausse des prix, les nouveaux accédants, et leur financeurs, ont accepté deux mouvements :

  • un alourdissement du d’effort : la charge d’annuité initiale moyenne est passée de 23% à 32% entre 1996 et 2011 ;  de ce seul fait, l’accédant de référence ici étudié emprunte 39 000 euros supplémentaires (aux conditions de taux et de durée de 1996). C’est un effet « taux d’effort ».
  • un allongement de la durée de l’emprunt. Sur la période 1996-2011, la durée moyenne des nouveaux prêts principaux émis a également globalement augmenté, en passant de 14 à 21,0 années, en ayant atteint un maximum en 2009 (à 21,1 années). Cette seule hausse des durées des crédits permet au ménage étudié d’augmenter sa capacité d’emprunt de 42 000 € supplémentaires (aux conditions de taux de 1996). C’est un « effet durée ».

Ainsi la hausse des revenus, l’évolution moyenne des conditions de crédit (baisse des taux), et les efforts supplémentaires des ménages (hausse des taux d’effort et des durées d’endettement) amènent le ménage de référence étudié à augmenter son endettement de 127 000 € entre une opération réalisée en 1996 et une opération réalisée en 2011.

S’il l’on applique la hausse des prix constatée sur la période à l’opération financée en 1996, le même bien vaudrait 200 000 € en 2011, soit 122 000 € de plus. On peut donc observer que, dans le cas étudié, la seule hausse de l’emprunt a permis d’absorber la hausse des prix, ou de l’alimenter.  

Le graphique 2 synthétise les évolutions présentées ci-dessus, en rapportant chaque valeur au coût de l’opération en 1996, pris pour base 100. Compte tenu de la déduction de l’apport, la capacité d’emprunt en 1996 est alors de 64. Les différents effets contribuent à la hausse de la capacité d’endettement :

  • l’effet hausse de revenu à hauteur de 32% du prix de l’opération réalisée en 1996,
  • l’effet de la baisse des taux d’intérêt à hauteur de 27%,
  • l’effet de la hausse des taux d’effort à hauteur de 50%,
  • et l’effet de la hausse des durées d’endettement à hauteur de 54 %.

La capacité d’endettement supplémentaire représente 163% du prix de l’opération de 1996, et on retrouve le résultat exposé plus haut en euros : elle a pu permettre de financer entièrement la hausse des prix (de 157% sur la période étudiée).

Graphique 2 : Evolution de la capacité d’endettement d’un ménage au 7ème décile de revenu et des prix de l’immobilier ancien (base 100= coût d’un bien ancien en 1996)

capacite d'endettement.png

Source : calcul USH à partir des données INSEE-notaires, Observatoire du financement du logement et Banque de France, le poids relatif des effets dépend de leur ordre de prise en compte

Autrement dit pour un accédant proche de la moyenne, 1€ de hausse du prix immobilier a été financé par 1 € de prêt immobilier en plus. Si cela implique des durées d’emprunt et des taux d’effort plus élevés pour le ménage étudié, il ne lui a apparemment pas été nécessaire ni de mobiliser plus d’apport, ni de choisir un logement aux qualités inférieures (pour mémoire l’indice des prix INSEE est à qualité constante).

Actualisation 2013 : vu l’évolution des paramètres moyens observés sur le marché en 2012, la capacité d’endettement simulée pour 2012 stagne par rapport à celle de 2011.  Globalement,  on constate que la capacité d’emprunt demeure en ligne avec des prix élevés.

A partir de cet exemple, on peut donc comprendre comment le nombre d’opérations d’accession a pu demeurer très élevé, malgré la hausse des prix. Cette présentation est cependant trop simplificatrice pour comprendre pleinement les déterminants de l’évolution du montage financier des opérations réelles d’accession à la propriété et plus encore pour comprendre l’évolution des prix immobiliers et des volumes échangés… sans compter que cette illustration bâtie à partir de moyennes occulte d’éventuelles déformations de la structure du marché.

Actualisation 2013: le fléchissement des volumes de transactions constatés en 2012 est d’ailleurs l’illustration de l’importance d’autres facteurs sur l’équilibre du marché. 

Bouclage des opérations : apports et aides publiques sont aussi déterminants

Si l’on se penche sur les conditions de prix et les plans de financement réellement enregistrés, il convient d’intégrer l’effet de l’évolution des apports personnels, des aides publiques d’une part, et le coût des frais de transaction (frais de notaires, d’agence) et la modification dans les choix d’acquisition  nature du bien , localisation … ) par rapport à 1996 d’autre part.

L’OFL observe par exemple  une hausse des apports moyens (net des frais de transaction). Appliquée au cas type présenté ci-dessus, ce seraient 26 000 € de plus apportés par le ménage. Loin d’être négligeable, cette somme est d’un ordre de grandeur comparable à chacun des effets précédemment étudiés.

Frais de notaires, taxes et frais d’agence représentent une charge supplémentaire pour l’acquéreur : approximativement 10 % du prix d’un logement ancien. Comme la hausse des prix a été de 157%, les coûts des transactions ont crû de manière mécanique de 157%. Les frais de transactions d’une opération de 2011 représentent alors 25,7 % du prix de la même opération au prix de 1996. Dans le cas étudié ci-dessus cela représente une hausse du coût global de l’opération de 12 200 € entre 1996 et 2011, bien plus que « l’épaisseur du trait ».

Enfin les aides publiques peuvent améliorer la capacité d’achat des ménages… ou l’amoindrir d’une période sur l’autre, lorsqu’elles diminuent. Dans le cas du ménage type étudié ci-dessus il est difficile d’estimer la capacité d’achat générée par les prêts aidés. Si le Prêt à taux zéro (PTZ) a été créé en 1996, il a été étendu aux opérations dans l’ancien en 2005, aux ménages du septième décile en 2007, et à tous les primo-accédants en 2011. Pour les ménages du septième décile, la hausse de la capacité d’acquisition qui en résulte  est cependant très faible, sauf dans certains cas en 2011 où l’aide a pu représenter plus de 10 000 € dans l’ancien en zone dite « tendue ». En 2012, ce prêt a été recentré sur le neuf. Ceci pénalise les ménages aux revenus modestes : les logements anciens ne sont plus éligibles, et en neuf les différés d’amortissement ont diminué ou disparu pour les faibles revenus.

Actualisation: en 2012, ce recentrage sur le neuf rend de fait les opérations dans l’ancien plus difficiles, et pourrait expliquer pour partie le fléchissement des volumes de transaction.

On pourrait aussi étudier l’effet décroissant des autres prêts aidés (PAS, prêts sociaux, PEL). Ils sont moins fréquemment utilisés qu’en 1996, selon une étude de l’OFL, et l’avantage de taux tend à se réduire dans un contexte de taux de marché assez bas. L’effet des aides à la personne devrait également être examiné, sachant qu’il concerne les ménages les plus modestes.

Sur la période étudiée, on peut aussi signaler que la déductibilité des intérêts d’emprunt a pu représenter une aide non négligeable sur les transactions conclues de 2007 à 2010. Certes les banquiers ne la prenaient généralement pas en compte dans les plans de financement mais elle a pu avoir un effet à la hausse sur les apports, à hauteur de quelques milliers d’euros.

Pour les transactions dans l’ancien, pour les cas proches de la moyenne, l’ensemble de ces différents effets ne sont pas négligeables mais sont nettement inférieurs à la variation de la seule capacité d’emprunt présentée ci-dessus.

Par ailleurs, il est nécessaire de se rappeler qu’un cas moyen est loin de permettre de comprendre l’évolution de différents segments du marché. Les opérations d’accession ne sont pas homogènes : un primo accédant modeste n’achète pas le même type de bien qu’un ménage aisé déjà propriétaire, et ne mobilise ni les mêmes ressources, ni les mêmes apports (évidemment plus faible en moyenne pour un primo accédant que pour un ménage déjà propriétaire), ni les mêmes aides. Analyser les variations des conditions de financement marché par marché est alors indispensable, sous peine de sous évaluer ou sur évaluer certains effets… dont celui de l’évolution de l’importance de chaque marché sur le constat moyen. Par exemple, M. Mouillart, à partir des données de l’OFL et d’études fines par niveaux de revenus,  décrit un phénomène contre intuitif sur la période 2000-2010 concernant l’accession à la propriété des ménages aux revenus modestes. (cf. encadré n°1).

Encadré n°1 : Pourquoi les ménages pauvres et modestes n’ont-ils pas été exclus de l’accession par la hausse des prix dans l’ancien?

La forte hausse des prix sur la dernière décennie n’avait pas écarté en 2008 les ménages pauvres et modestes de l’accession à la propriété. Au contraire, leur nombre a pu croître. 17 % des accédants (soit 114 000 ménages) appartenaient aux 30% des ménages les plus modestes en 2000, 12 % (soit 84 000 ménages) en 2004 et 19% (soit 139 000 ménages) en 2008. L’étude donne différentes explications à cette progression sensible en fin de période du nombre ménages accédants très modestes notamment :

  • un fort reflux, spécifique à l’année 2008, parmi les accédants, des ménages « déjà propriétaires », dans un contexte de reventes difficiles et de blocage des prêts relais. Or ceux-ci sont généralement moins modestes;
  • les dispositifs publics développés alors – ils ont à présent été supprimés pour partie - pour encourager cette accession à la propriété ont été efficaces (PTZ, crédit d’impôt, PASS foncier).

L’ensemble de ces déformations des flux de l’accession à la propriété a permis d’accroitre la place des ménages modestes (entre 2002 et 2008) même si ces derniers ont vu progressivement se fermer pour eux « les marchés les plus convoités (marchés urbains dont celui de Paris, par exemple) sur lesquels les prix ont atteint des niveaux propres à les décourager».

D’après « Les conditions de logement et l’accession à la propriété des ménages pauvres et modestes », M. Mouillart, les travaux de l’ONPES 2009-2010

Actualisation 2013 : La part des accédants modestes s’est maintenue autour de 20% en 2009 et 2010 (dans un contexte de yoyo des volumes et des prix, mais de la poursuite des dispositifs d’aides).

D'après « L’accession à la propriété des ménages pauvres et modestes », M. Mouillart, lettre de l’ONPES N°3, mai 2012

Pour l’avenir : crise bancaire et moral en berne…

Le contexte actuel de crise économique et financière, et l’anticipation par les banques d’une nouvelle régulation bancaire, montrent aussi l’importance du contexte conjoncturel sur les conditions de crédit pour les ménages.

 

Certes en 2012 et 2013, les taux d’intérêt des nouveaux prêts immobiliers ont atteints de nouveaux minima historiques, inférieurs à ceux constatés en 2005 et 2010, et les faibles taux directeurs de la banque centrale garantissent des faibles coûts de refinancement aux banques pour plusieurs années. Les taux des crédits à l’habitat pourraient donc demeurer structurellement bas. On peut également souligner que les niveaux d’apport personnel devraient rester élevés (transactions immobilières en chaîne, héritage, arbitrages entre les supports de placement de l’épargne…).

 

Mais plusieurs facteurs semblent orienter les capacités d’achat à la baisse :

  • Dans le contexte d’une application anticipée des nouvelles réglementations sur les risques (Bâle III) et de la crise des dettes souveraines, les autorités de régulation bancaires appellent les banques à la vigilance, et leur conseillent d’être attentives à la solvabilité des emprunteurs, aux durées d’endettement et au rapport entre crédit octroyé et valeur du bien (l’écart pouvant servir à éponger une baisse des prix en cas de défaut du client). Suivant les recommandations du régulateur, les banques pourraient également anticiper une hausse de la sinistralité, et augmenter de quelques dixièmes de pourcents supplémentaires leur taux d’intérêt, afin de couvrir les risques. (cf. encadré n°2)
  • Par ailleurs, le moral des ménages oriente également les capacités d’achat à la baisse. En effet, la conjoncture économique influence ce moral. Sa baisse actuelle peut inciter les futurs accédants à refuser de monter des opérations avec des durées d’endettement trop longues, et/ou des taux d’effort trop élevés… ou à reporter une acquisition, et faire diminuer les volumes de transactions.   
  • Constatons enfin que l’évolution des dispositifs d’accession à la propriété a pris un caractère conjoncturel. Depuis 2007, ils évoluent chaque année. L’incertitude ainsi générée peut empêcher l’aboutissement des opérations les plus complexes ou fragiles.

 Si les évolutions conjoncturelles récentes fragilisent la demande et l’offre de crédit à l’habitat, il est cependant difficile de prédire l’effet de ces conditions d’acquisition plus dures sur les prix immobiliers. Intuitivement cela pourrait modérer les prix. Mais cela pourrait aussi limiter le nombre d’opérations des ménages modestes (en revenus ou en apport), sans avoir d’effet sur les prix des transactions des ménages plus aisés, et donc sur les prix. Enfin, les cycles prix-quantité constatés par J. Comby semblent indiquer que dans l’ancien, en France, les volumes de ventes baissent avant les prix : les vendeurs mettraient plusieurs années à accepter une baisse des prix.

Encadré n°2: au-delà du plan de financement initial, l’effort vécu des ménages

La description chiffrée réalisée dans la première partie de l’article se fonde sur le plan de financement initial de l’acquisition. Le taux d’effort prend en compte les niveaux des annuités et des revenus initiaux. Si la grande majorité des prêts immobiliers est à taux fixe en France et assurent alors une mensualité constante, d’autres facteurs retenus lors du montage de l’opération de financement peuvent changer, et le vécu de chaque ménage est différent de ce que le plan de financement prévoyait.

Tout d’abord, bien évidemment, les revenus peuvent augmenter ou baisser, entraînant une baisse ou une hausse du taux d’effort réel. Dans les années 70 et au début des années 80, dans un contexte de forte inflation, un accédant voyait son taux d’effort fondre avec le temps. Cet effet a même pu être anticipé par les ménages : ils pouvaient accepter un taux d’effort élevé les premières années, en comptant sur sa fonte progressive du fait de l’inflation des salaires. Il est à noter d’ailleurs que bien souvent dans le passé les ménages emprunteurs ont pu ainsi rembourser bien plus vite leur emprunt immobilier et réduire donc leur durée de remboursement.

Par ailleurs un ménage peut renégocier son emprunt, notamment dans un contexte de baisse des taux. Situation typique des années 90, cela a été un moyen pour de nombreux ménages de réduire alors leur taux d’effort, ou rembourser plus vite leurs emprunts. La législation en France autorise la renégociation des prêts d’une manière généralement plutôt favorable aux emprunteurs (modalités de calcul des indemnités de remboursements anticipées).

Enfin en cas de difficulté, un ménage peut renégocier son prêt sans changer de taux mais en allongeant la durée afin d’alléger la mensualité. Les effets sont d’autant plus sensibles que les durées à renégocier sont courtes : passer d’une durée de 5 ans à une durée de 10 ans abaisse plus la mensualité que de passer de 20 à 25 ans.

In fine, la situation vécue par le ménage peut nettement s’écarter de ce que prévoyait le plan de financement initial.

On peut anticiper que les ménages contractant actuellement des prêts immobiliers auront moins de marge de manœuvre que ceux des années 80 ou 90 :

  • l’inflation est maitrisée et les salaires augmentent peu.
  • Les taux des prêts immobiliers peuvent difficilement descendre plus bas.
  • Les durées d’endettement actuellement contractées sont très longues : les premières années du crédit, un réaménagement de la durée de la dette a des effets marginaux.

A contrario le phénomène de hausse structurelle des héritages pourrait permettre des remboursements anticipés plus fréquents et ainsi alléger les taux d’effort en cours d’opération, ou réduire les durées d’endettement ; mais cette ressource est très inégalement répartie et très aléatoire.

Dans de telles conditions, il semble que les accédants actuels auront moins de marge de manœuvre que les accédants des dernières décennies du 20ème siècle pour alléger leur endettement en cours de route. Bien que la sinistralité soit historiquement faible en France, il semble donc légitime que les régulateurs (Banque de France et Banque Centrale Européenne) appellent les banques à être plus attentives dans l’anticipation des risques sur les prêts immobiliers.

Une grande inconnue : la perméabilité avec les marchés du neuf et du locatif

Les conditions de financement, la structure des marchés ou la conjoncture ne sont pas les seuls déterminants de l’équilibre entre les prix et les volumes sur le marché de l’ancien. Si la hausse passée des capacités d’acquisition permet de comprendre comment les ménages ont pu payer la hausse des prix dans l’ancien, elle ne permet pas de comprendre à elle seule pourquoi les vendeurs ont pu augmenter autant les prix en défaveur des acheteurs. D’ailleurs, pour différentes raisons, il est difficile d’évaluer le niveau et les effets de l’influence des autres marchés (accession dans le neuf, locatif) avec le marché de l’accession. Par exemple, en limitant l’analyse à la seule dimension économique, la variation de l’offre locative est peu connue à court terme, et difficile à anticiper à moyen terme. Et même si elle était connue, il est difficile d’en prévoir les conséquences sur les loyers proposés et sur la perméabilité entre l’accession et la location. 

Quel sera le point d’équilibre de ces différentes dynamiques contradictoires… face à la diversité des phénomènes aux effets opposés, prévoir l’évolution des prix immobiliers dans l’ancien est plus difficile qu’il n’y parait ! Et encore plus si l’on rappelle que le marché immobilier est extrêmement hétérogène d’un point à l’autre du territoire, et que sa géographie n’est pas figée !

Denise Partouche, Dominique Hoorens et Maxime Chodorge, Direction des études économiques et financières

PS : Ce travail est le résultat de l’actualisation d’une fiche de cadrage sur l’accessibilité financière des logements, réalisée en préparation de l’étude « Prospective des grands quartiers d’habitat social»

Bibliographie :

« L’accession à la propriété en Ile de France », Anne-Claire Davy, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile de France, mai 2005

« L’accession, à quel prix ? la baisse des taux alourdit l’effort global des ménages », Jean Bosvieux et Bernard Vorms, Habitat Actualité, ANIL, Avril 2007

« Ajustement des prix et des quantités au cours du cycle: qui précède qui? », Joseph Comby, réunion trimestrielle de l’ONMI, Octobre 2010

« L’observatoire du financement des marchés résidentiels – 5ème édition », Crédit Logement, Juin 2011 et « Tableaux de bord trimestriels», CSA-crédit logement, 2011 et 2012

« Quelques faits sur la ‘crise’ du logement », Bernard Coloos, revue Esprit, Janvier 2012

« Le PTZ+, génération 2012 », Denise Partouche, Actualités habitat n°941, Union Sociale pour l’Habitat, Février 2012

« Crise de la dette souveraine et marchés immobiliers », Michel Mouillart, Habitat Société n°65, mars 2012

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