Date de publication :
26 septembre 2024
Discours de clôture du 84e Congrès Hlm à Montpellier d'Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat
Madame la Ministre, Chère Valérie Létard,
Monsieur le Maire et Président de la Métropole de Montpellier, Cher Michaël Delafosse,
Madame la Vice-Présidente du Conseil Régional d’Occitanie, Chère Marie Piqué,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le préfet,
Mesdames et Messieurs les présidentes et les présidents, les directrices et directeurs,
Chers partenaires du logement social,
Chers représentants des associations de locataires,
Chers congressistes,
Chers amis.
Cela fait trois jours que nous travaillons, que nous examinons notre situation professionnelle et économique et que nous accueillons une grande diversité de points de vue. Trois jours de débats, d’accords et de dissensus. Trois jours entre professionnels du logement social, de l’immobilier, de la construction, aux côtés des associations et des locataires, de nos partenaires financiers, de nombreux élus.
Ce Congrès de Montpellier sera celui des grandes années :
- En fréquentation : vous avez été sur ces trois jours encore plus nombreux que l’an passé,
- En qualité : nous le devons à nos équipes et à nos nombreux intervenants,
- En émotion et en engagement...
Le monde Hlm est tel quel. Il est tenace.
Nous sommes obstinés à produire, à trouver des solutions, à accompagner nos locataires, à transformer nos territoires. Nous sommes les faits têtus dans une actualité flottante, irréductibles à des éléments de langage, des affirmations fallacieuses.
Un Français sur deux, vit ou a vécu en Hlm. Onze millions de personnes sont actuellement dans un logement social. Des centaines de milliers de nos concitoyens possèdent aujourd’hui leur maison grâce à l’accession sociale à la propriété. Malgré la baisse du nombre d’attributions en Hlm, chaque jour mille familles peuvent souffler car elles viennent de trouver un logement digne à un prix qui leur permet d’élever leurs enfants ou de se soigner sans difficulté.
Dire cela n’est pas passéiste ou démodé.
Nous avons entendu hier avec Valérie Létard l’émotion des locataires et de leurs représentants nous décrivant la pauvreté montante, qui ronge, qui pourrit le quotidien.
Ne nous méprenons pas. Celles et ceux qui cherchent à banaliser notre activité veulent, sans le dire mais avec acharnement, nuire à un projet de société juste.
Notre secteur est transparent dans ses comptes et dans ses chiffres, il ne défend aucun intérêt particulier.
Toute cette énergie présente durant ce Congrès, toute cette intelligence collective, misent au service de la transition écologique, du soutien aux projets des territoires, de l’égalité, pour recoudre les villes et gommer les ségrégations sociales... Toutes nos énergies sont disponibles pour faire réussir notre pays.
Même si nous avons des détracteurs, même si dans notre humanité, nous rageons de sentir que l’atmosphère entretenue sur la place publique n’est pas souvent à la solidarité ou à la bienveillance pour les plus précaires, nous, nous répondons présents !
Beaucoup de Français n’entrevoit plus d’horizon de progrès depuis de trop nombreuses années. La peur du déclassement social, la peur de vieillir en précarité, la peur de perdre ses repères culturels et de voir le monde changer, la peur d’investir pour l’avenir, la peur irrationnelle des immigrés qui pourtant font tourner nos restaurants, nos EHPAD et nos chantiers. Ces peurs-là, même si nous pouvons les considérer comme infondées, nous devons y répondre. Ce qui ne veut pas dire leur donner raison. Les Français ont besoin d’une parole publique crédible.
Aujourd’hui, Madame la Ministre, chère Valérie, chers amis du logement social, mesdames et messieurs les élus, l’heure doit être à la réconciliation des Français avec eux-mêmes. Le logement peut amener sa pierre à l’édifice.
Les Jeux Olympiques et Paralympiques ont montré que cela était possible quand on trace un chemin de réussite. L’État et le Gouvernement, s’ils ne peuvent pas tout, doivent reprendre d’urgence leur rôle de pilote, de régulateur et de vigie de l’égalité en matière de logement. Nous avons le devoir de donner de l’espoir aux Français et de ne plus les entretenir dans leurs angoisses.
Madame la Ministre, j’ai bien entendu et je suis bien placé pour savoir que l’exercice ministériel va être complexe.
La profondeur des échanges que j’ai eus avec de nombreux congressistes m’amène à dresser devant vous un constat qui dans beaucoup de ses aspects, dépasse un propos purement technique... Il le dépasse certes, mais il l’englobe.
Le logement digne et abordable est la base de toute vie possible si l’on souhaite une société apaisée.
Madame la Ministre, vous êtes une ministre de plein exercice. Au-delà du symbole, c’est une force qui vous est donnée, et à travers vous, qui est donnée aux acteurs du logement et de la rénovation urbaine.
Vous participerez à tous les conseils des ministres. Nous avons un message collectif à transmettre et nous espérons que vous le porterez au Premier ministre et à vos collègues : pour relancer l’économie et améliorer les finances publiques, vous pouvez compter sur le logement en général, sur le logement social en particulier. Chaque euro investit dans notre secteur revient doublé dans le budget l’État.
De ce point de vue, la ponction de la RLS depuis 2018 ne fait qu’entraver notre capacité de production et diminuer notre activité. Ce que nous ponctionne l’État, c’est ce qu’il ne retrouve pas ensuite dans ses caisses, augmenté de l’effet de levier de nos investissements de long terme.
La RLS est un prélèvement délétère pour notre secteur et à courte-vue pour les finances publiques. Nous continuons donc de demander sa suppression.
Associée à une baisse rapide du taux du Livret A qui est indispensable, cette suppression permettrait une véritable bouffée d’air pour relancer l’activité rapidement.
La dette des bailleurs a considérablement augmenté ces dernières années pour répondre aux besoins forts d’investissements pour la nécessaire transition écologique et la rénovation urbaine.
Dans le même temps la RLS a réduit notre capacité à reconstituer nos fonds propres et la hausse des coûts de construction et la hausse de la TVA ont considérablement renchéri le coût de nos opérations.
Voilà, le constat est dressé.
Nous sommes dans une ARENA d’habitude dédiée aux sports collectifs. Nous jouons collectif et je ne vais pas ici refaire le match. Il serait long et technique. Serait-il joué de bonne foi ? Les joueurs d’une des équipes et l’entraineur ont changé, espérons que le terrain sera lui-aussi différent.
J’ai dit l’urgence à baisser le taux du Livret A, sans atermoiements, dès la prochaine période de révision. Éric Lombard a dit hier son engagement à nos côtés pour porter cette position, merci de ce soutien indéfectible.
Je le dis aussi, puisque nous faisons le pari de la réussite collective. La PEEC n’est pas « une caisse » dans laquelle on peut piocher sans vergogne.
- D’abord parce que ce grand progrès social est le fruit du paritarisme, d’un dialogue constant entre les partenaires sociaux. C’est un gage de son investissement au service de l’intérêt général.
- Ensuite parce qu’elle doit contribuer de manière déterminante au financement des investissements en faveur du logement social, par les aides distribuées par Action Logement, à TOUS les opérateurs de logement social, équitablement. Et par son soutien aux politiques publiques, je pense naturellement au NPNRU, mais aussi au travail mené dans action cœur de ville, et petite ville de demain, pour accompagner les accédants à la propriété.
La PEEC fait partie de notre modèle. Je le dis chaque année. Elle permet aussi, par l’emprunt, un effet de levier déterminant pour faire face aux besoins d’investissement du secteur. La priver, de cette capacité au détour du signature d’un arrêté que nous condamnerions avec force, ce serait priver tous les acteurs du logement d’un moyen d’agir.
Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui défendent les moyens d’action. Jamais du côté de l’immobilisme.
Je ne crois pas aux blablas. Je dis ce que je fais. Je suis du côté de la preuve par les actes.
Les actes, la parole donnée, les signatures.
Vous voyez où je veux en venir…
Si vous souhaitez, Madame Ministre et à travers vous le Gouvernement, que la relance économique soit vertueuse, si vous voulez tenir l’engagement de la France en termes de décarbonation et de sobriété foncière, vous devez compter sur le Mouvement Hlm.
Nous avons immédiatement soutenu les objectifs de la loi Climat et Résilience et nous pilotons aujourd’hui notre activité avec ses calendriers.
Nous avions négocié pour cela avec Christophe Béchu et Patrice Vergriete qui avaient compris l’urgence, nous avions signé lors du précédent congrès un accompagnement de 1,2 milliard d’euros durant trois ans, soit 400 millions par an pour soutenir et accélérer la rénovation énergétique des bâtiments.
Pour cette première année, l’enveloppe a été gelée cet été de plus de la moitié et les lettres plafonds définies par le précédent gouvernement indiquent qu’elle ne serait pas reconduite.
Madame la Ministre, nous avons besoin de ces aides. Elles sont essentielles pour ce fameux « effet de levier » qui nous permet d’investir plus, de rénover plus vite, pour tenir la parole de la France en matière de décarbonation.
Nous avons besoin que l’État tienne sa parole plus de six mois quand il demande à des acteurs de s’engager pour plusieurs décennies.
Nous avons également besoin que les décrets sur la Seconde vie soient enfin signés par tous les ministères.
Nous demandons de la stabilité réglementaire et législative, ainsi que d’une mise en application raisonnable et concertée des principales obligations.
Les différentes stratégies écologiques, toutes légitimes et que j’ai toujours soutenues, doivent être organisées et ne plus apparaître comme des injonctions successives sans coordination. Entre la Stratégie Nationale Bas Carbone, l’éradication des passoires thermiques pour 2034, l’engagement européen du Fit for fifty five, la taxonomie, les organismes de logement social peinent à trouver le point de passage dans leur plan stratégique. Surtout quand les moyens commencent à manquer pour tout faire correctement.
Nous avons enfin des questions plus techniques sur le thermomètre qui mesure tout cela.
Le DPE est un outil simple et aujourd’hui connu de tous les Français, c’est une bonne chose, mais il recèle de très nombreuses trappes à carbone par ses imperfections. Il devra prendre mieux en compte les consommations réelles et la décarbonation des vecteurs. Sans cela, nous manquerons une partie des objectifs concrets.
Nous avons encore la possibilité de recadrer ce qui va gouverner nos investissements pendant plusieurs décennies. Vous avez la chance, et je les salue, de pouvoir compter sur une belle administration, compétente. Pas assez dotée, mais très motivée.
Répondre aux peurs des Français, c’est avant tout les assurer qu’on trouvera une place digne à chacun. Qu’il ne sera pas utile de se battre ou de doubler un voisin, un collègue, un ami, pour avoir un toit. Que la difficulté à se loger et la dégradation des quartiers sont un échec collectif.
C’est contre cet échec que nous nous battons.
Dans les discussions que j’ai pu avoir ces derniers mois, j’ai souvent eu l’impression d’un déni de réalité de nos interlocuteurs.
Qui sont ceux que l’État abandonne sans le dire quand il ne nous donne pas les moyens de les loger ?
Notre résolution a choisi de le redire. Notre action ne peut être désincarnée. Nous, nous nous battons, et quand je dis « nous » je pense à toutes les familles Hlm et au-delà, pour des causes justes.
Les salariés tout d’abord, la mission historique du logement social, conçue il y a plus d’un siècle, quand il fallait garantir un toit salubre aux ouvriers et salariés des grands bassins industriels. Cette France qui travaille pour des revenus modestes existe toujours aujourd’hui et elle peine à se loger. Depuis l’envolée des taux d’intérêt, mais également et surtout par l’effet de la spéculation foncière, elle est également bloquée dans ses rêves d’accéder à la propriété.
Chaque année, plus d’une attribution en Hlm sur deux est pour un salarié. Quand on n’aide pas le logement social, quand des élus se dérobent à leur obligation d’en construire, ce sont d’abord eux qu’ils maintiennent dans la difficulté.
Ce sont aussi des familles monoparentales qui galèrent au quotidien. Et puisqu’il faut appeler les choses par leur nom, on parle ici des mères qui élèvent seules leurs enfants, qui ont du mal à se faire verser une pension et qui ont pris de plein fouet l’inflation sur les produits de première nécessité. Elles sont déjà deux fois plus nombreuses dans le logement social que dans le reste de la population, parce qu’elles sont économiquement fragilisées.
Je voudrais qu’on pense à elles quand on discute de financement ou de quotas SRU.
Je voudrais aussi qu’on regarde la réalité du vieillissement dans notre pays. Pour dire les choses simplement : la vieillesse va changer ces prochaines décennies. Nous accueillons déjà 22% de locataires de plus de 65 ans qui souhaitent pour l’immense majorité d’entre eux vieillir à domicile dans de bonnes conditions. La génération qui prend sa retraite est celle qui a connu le chômage de masse, les carrières hachées, la précarité des travailleurs séniors. Il nous arrive aujourd’hui des retraités aux petites pensions qui n’ont pas pu accéder à la propriété comme leurs aînés. C’est aussi cela « la France telle qu’elle est » aujourd’hui.
De notre côté, comme nous le faisons pour les enjeux climatiques, nous devrons nous adapter à la transition démographique en cours. Nous le faisons déjà, nous allons continuer, pour offrir plus encore des solutions nouvelles à ce public : habitat intergénérationnel, inclusif, béguinages… Il faut poursuivre le travail, main dans la main avec les partenaires locaux et les caisses de retraites.
Pour réussir cela, Madame la Ministre, il faut arrêter de chercher des solutions à la crise du logement en opposant une femme qui élève seule ses enfants à un retraité modeste ou à un salarié du bâtiment ou des plateformes logistiques. Il faut cesser d’alimenter cette lutte de tous contre tous qui ne produit que des frustrations, des ressentiments, des peurs et parfois des haines.
Madame la Ministre, nous connaissons vos convictions, votre énergie, votre sérieux et votre engagement. Le mouvement Hlm a eu de nombreuses fois l’occasion de les constater quand vous étiez parlementaire.
À présent Ministre, si vous n’avez pas de baguette magique, vous avez sans doute un bâton de pèlerin, qui pourra vous amener à Bercy, à Matignon, à l’Élysée pour enfin faire entendre les réalités de ce pays que vous connaissez. Nous avons d’urgence besoin de réalisme et de pragmatisme face à la crise du logement. Nous comptons sur vous.
Encore un grand merci à toutes et à tous pour la réussite de ce congrès. Nous vous attendons, si cela est possible, toujours plus nombreux, plus dynamiques et plus enthousiastes pour le 85e Congrès Hlm, du 23 au 25 septembre 2024 à Paris !
Je vous remercie.