Date de publication :
31 mai 2024
Auteur(s) :
CARINE PUYOL
Élections européennes : les propositions pour le logement dans les programmes des candidats français
C’est une première dans une campagne européenne : tous les partis français sont conscients que l’accès au logement est une préoccupation majeure des citoyens. Mais si le constat est partagé, les solutions imaginées divergent et clivent.
La grande majorité des partis politiques, que ce soit dans leur programme ou dans les déclarations des candidats aux élections européennes du 9 juin, ont pris acte des propositions du manifeste de l’USH Pour un logement abordable et durable, de la gravité et de l’ampleur de la crise du logement qui touche tous les États membres, et du défi sans précédent que représente le changement climatique pour le logement abordable. Tour d’horizon des propositions inscrites dans les programmes des différentes listes.
Les réponses contrastées à la crise
Malgré une absence de compétence directe de l’UE sur le dossier logement, tous les programmes proposent des actions européennes pour endiguer la crise. Le PS-Place Publique propose un plan Marshall pour le logement abordable. La France Insoumise milite pour reconnaître le modèle universaliste du logement social. Europe Écologie Les Verts souhaite un plan pour soutenir le logement social. À gauche, tous s’accordent pour imposer davantage de contraintes aux plateformes de type Airbnb et lutter contre la financiarisation du secteur. Les Républicains proposent une pause règlementaire de 5 ans pour libérer la construction. Le RN propose d’assouplir les obligations européennes de rénovation afin de renforcer l’accès au logement. Renaissance souhaite accélérer l’accession des logements pour les personnes en situation de handicap.
Dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte Vert européen, l’Union européenne a adopté de nombreux textes règlementaires. Ils obligent à accélérer la rénovation des bâtiments afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. La prochaine mandature devra s’atteler à son financement et trouver les milliards d’euros nécessaires. Certains partis prennent acte des obligations imposées par la nouvelle directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments, comme Europe Écologie Les Verts, La France Insoumise, le Parti Socialiste. Ils militent pour des plans d’investissements européens pour le financement de la rénovation des bâtiments, sans remettre en cause les directives adoptées. Renaissance propose aussi un plan d’investissements verts mais n’indique pas nommément le logement comme cible. Les Républicains et le Rassemblement National soutiennent des pauses ou des révisions règlementaires pour faire face à la crise de l’offre et préfèrent s’atteler à la décarbonation des systèmes de chauffage, plutôt qu’à l’isolation.
Tous les partis se sont aussi exprimés sur la manière dont ils comptent financer cette transition : investissement public massif, mobilisation des investisseurs privés, emprunt européen, taxes sur les supers profits et les transactions financières, changement des règles du pacte de stabilité, création d’une plateforme européenne pour la mobilisation de l’épargne, révision des taux de la Banque centrale européenne (BCE). Les propositions sont nombreuses et plus ou moins clivantes.
Divergences sur le prix de l’énergie
Face à l’augmentation et à la volatilité du prix de l’énergie pour les ménages exposés à la précarité énergétique, Europe Écologie Les Verts propose de mettre en œuvre une tarification sociale progressive, tout comme le PS-Place Publique s’est positionné en faveur d’un tarif social européen. Le RN souhaite baisser la facture d’électricité de 30 à 40% en instaurant un prix national de l’énergie. Les Républicains veulent assurer une électricité à bon marché. La France Insoumise milite pour une révision du marché carbone sur les immeubles et les transports, qui impactera les citoyens.
Les spécificités par partis (et par ordre alphabétique)
Europe Écologie Les Verts propose de garantir un droit au logement opposable à travers un plan “Affordable Housing EU” composé de plusieurs axes : soutenir le déploiement de logements sociaux ; prioriser les locations de longue durée ; lutter contre la spéculation immobilière en adoptant un mécanisme européen d’encadrement des loyers et prix de vente. Tous les leviers d’investissements pour accélérer la rénovation des bâtiments seraient mobilisés en créant un alignement entre une politique monétaire coordonnée par la BCE (Banque centrale européenne) et en encourageant les acteurs bancaires à financer la rénovation. Les Verts proposent aussi d’augmenter massivement le Fonds social pour le climat (FSC) et le Feder pour aider les ménages à payer leur facture énergétique. Ils suggèrent de prioriser l’investissement public européen, notamment sur les bâtiments. Le Socle européen des droits sociaux, dont l’accès à un logement abordable, doit selon eux devenir contraignant. Ils réclament une vraie stratégie européenne pour mettre fin au sans-abrisme, en s’appuyant sur la plateforme européenne de lutte contre le sans-abrisme.
La France Insoumise demande la reconnaissance du modèle généraliste et universaliste du logement public comme légal et légitime, et de sortir de la logique d’un logement social résiduel. Ce parti propose d’interdire les expulsions sans relogement, de renforcer la plateforme de lutte contre le sans-abrisme, et d’adopter une règlementation européenne visant à restreindre les activités de type Airbnb. Il suggère de déployer un programme de subventions pour augmenter les réhabilitations des logements. Par ailleurs, LFI souhaite revenir sur l’extension du marché carbone aux transports et aux immeubles mis en place par la directive ETS II.
Le PS-Place Publique souhaite l’adoption d’un plan Marshall européen pour le logement qui financera des investissements massifs dans la construction et la rénovation énergétique de logements abordables et durables pour tous. L’argent privé serait aussi mobilisé via une plateforme européenne dédiée. Il envisage aussi un plan pour développer les logements abordables, qui inclurait : une règlementation du marché européen du logement, le renforcement de l’investissement public des logements sociaux et verts, la limitation des prix du logement, l’aide aux sans-abris, et la garantie de logements décents pour les enfants.
Le Rassemblement National propose de renforcer l’accès au logement en assouplissant les obligations européennes de rénovation énergétique des bâtiments, et de baisser de 30 à 40% la facture d’électricité en rétablissant un prix français de l’électricité.
Les Républicains souhaitent une pause réglementaire dans le domaine du logement et de la construction au niveau européen pour faire face à la crise. Ils proposent aussi de revenir sur la révision récente de la directive Efficacité énergétique des bâtiments, et recommandent à la place l’électrification bas-carbone des systèmes de chauffage.
Renaissance propose d’accélérer la mise en accessibilité des bâtiments de service public et des logements pour les personnes en situation de handicap dans toute l’Europe. Afin de créer un choc de l’investissement, un emprunt commun de long terme devrait, selon eux, être contracté pour alimenter les fonds publics. L’investissement privé s’appuierait quant à lui sur une “Union d’épargne européenne et de l’investissement”.
Mots clés
Thèmes
PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1211 DU 31 mai 2024
Actualités Habitat n°1211
Retrouvez cet article et beaucoup d’autres en vous abonnant au Magazine Actualités Habitat.