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Thème de la publication
Énergie & Environnement
Numéro

Actualités Habitat n°1185

Paru dans

MARS 2023

Actualités Habitat n°1185

Date de publication :

07 avril 2023

Auteur(s) :

DIANE VALRANGES

Énergie-Climat : 15 propositions pour atteindre les objectifs climatiques français

Alors que la France prépare la mise en œuvre de sa Stratégie pour l’énergie et le climat, le Conseil économique, social et environ-nemental (CESE) publie un avis pour permettre au pays d’atteindre ses objectifs climatiques à horizon 2050. Parmi ses 15 propositions, il recommande une réforme du bouclier tarifaire et une évolution du Livret A, pour l’orienter vers le financement de la transition écologique… sans porter atteinte au logement social.

Publiée en avril 2020, la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) constitue la feuille de route de l’État pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et adapter la société aux impacts du changement climatique. Elle sera constituée d’une loi quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC), dont l’adoption doit avoir lieu d’ici juillet 2023, et déclinée dans une nouvelle Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3), un Plan national d’adaptation au changement climatique et une nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie (2024-2033), qui devraient être finalisés avant juillet 2024.

Dans cette perspective, un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) rendu public au mois de février, intitulé Financer notre stratégie Énergie-Climat : donnons-nous les moyens de nos engagements, avance 15 propositions (lire l’encadré), sur la base d’auditons d’institutions ayant conduit des travaux d’estimation des besoins d’investissements pour une transition environnementale optimale (Ademe, France Stratégie, Inspection générale des finances, OFCE…). Le but de cet avis étant d’évaluer les besoins et de dessiner la trajectoire financière nécessaire pour, in fine, atteindre les objectifs climatiques français.

Le compte n’y est pas

Pour le CESE, les besoins d’investissements supplémentaires sont “considérables” : il les chiffre entre 2% et 4% du PIB nets par an, selon les différentes hypothèses retenues, soit entre 13 Md€ (selon le scénario “Sobriété” de l’Ademe) et 87 Md€ annuels (pour Rexecode, le Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises). Le Conseil l’explique par “un verdissement tardif et insuffisant de notre économie”, qui s’exprime par un dépassement du premier budget carbone fixé par la SNBC 1, et par “une pente insuffisante par rapport à 2030” de réduction des gaz à effet de serre (GES) avec des objectifs à renforcer pour s’aligner sur le programme européen Fit for 55. L’inaction, pour le CESE, aurait un coût bien supérieur à celui de l’action, “même si ces estimations sont inévitablement incertaines”, précise-t-il. Ce coût est estimé, selon les scénarios, entre 5 et 20% du PIB mondial d’ici 2050, le Fonds monétaire international allant même jusqu’à 25%.

Parmi les secteurs concernés par la SFEC, le bâtiment émet plus de 70 millions de tonnes de CO2 par an, soit 17% de GES dont deux tiers dans le résidentiel, rappelle le CESE, malgré une baisse de 30% par rapport à 2000. Le Conseil estime les besoins d’investissements supplémentaires entre 21 Md€ et 34,1 Md€ selon les projections, pour atteindre les objectifs de réduction d’émissions de GES (- 49% en 2030 par rapport à 2015). Il en est convaincu : “Le levier principal de décarbonation du bâtiment reste la massification de la rénovation du parc immobilier français”.

Réformer le bouclier tarifaire et faire évoluer le Livret A

Fin 2022, le total des encours sur le Livret A s’élevait à 375 Md€. Parmi ses propositions, la 3e assemblée constitutionnelle recommande d’orienter cette épargne vers le financement de la transition écologique, incluant la rénovation énergétique des bâtiments publics et du logement social, tout en conservant son “caractère essentiel de financement du logement social”. Pour ce faire, il évoque “une plus grande centralisation des dépôts à la Caisse des dépôts”, actuellement répartis à 60% vers la CDC et 40% vers les banques. Le CESE s’appuie sur le rapport du député Alexandre Holroyd, Choisir une finance verte au service de l’Accord de Paris, remis au gouvernement en juillet 2020, qui préconisait des adaptations de la gestion de l’épargne réglementée pour accroître l’épargne des ménages en direction de la transition écologique. Le CESE évoque également la création d’un “produit d’épargne vert” annoncé par le ministre de l’Économie et des finances en décembre 2022, qui contiendrait une part de risque plus élevée que les placements d’épargne classiques. Mais de l’avis du Conseil, “il est important de conserver nos produits d’épargne garantis, et non pas plus risqués, et donc de renforcer le poids des produits d’épargne sécurisés comme le Livret A”, qui pourrait par ailleurs être fusionné avec le Livret de développement durable et solidaire (LDDS).

Le Conseil préconise également de réformer le bouclier tarifaire, qu’il estime “socialement injuste”, les ménages du premier décile ne bénéficiant en moyenne que d’une aide proche de 1 000 € alors que l’aide moyenne s’élève à 1 500 €, tandis que ceux du dernier décile perçoivent en moyenne 2 000 €. Il reproche par ailleurs au bouclier tarifaire de ne pas modifier les comportements des bénéficiaires en termes de consommation d’énergie et de ne pas les “sortir de leur dépendance aux énergies fossiles”. Il propose ainsi de mieux cibler les aides en fonction des revenus, de la composition et de la localisation des ménages, et de mettre en œuvre un “bouclier progressif” pour les ménages les plus vulnérables. L’État pourrait également verser 1 € supplémentaire pour la transition énergétique pour tout euro dépensé dans l’aide au paiement des factures énergétiques, suggère le CESE.

Vers un retour de la “taxe carbone” ?

Le Conseil se penche également sur la fiscalité et propose de redonner une “trajectoire crédible” au prix du carbone “pour tendre vers une cible de prix compatible avec l’atteinte des objectifs climatiques” (100 €/t CO2 en 2030). Conscient que ce sujet sensible est à l’origine du mouvement des Gilets jaunes “qui a conduit à geler la hausse de la composante carbone de la fiscalité des combustibles fossiles”, le CESE juge indispensables, pour éviter une nouvelle fronde, “des mesures d’accompagnement pour assurer l’accessibilité des ménages aux alternatives décarbonées et, le cas échéant, des mesures de soutien temporaires et ciblées”.

Une autre piste de réflexion consisterait à flécher une part de la plus-value immobilière ou foncière sur la cession de biens à titre onéreux (hors résidence principale) vers la création d’infrastructures favorables à la transition écologique.

Au-delà des moyens financiers, le CESE pointe d’autres leviers à prendre en considération pour atteindre les objectifs climatiques : il évoque la planification de la transition écologique pour “coordonner, prioriser, allouer, conditionner les ressources en fonction d’objectifs et de politiques de moyen et long terme” ; le rôle de la réglementation (notamment européenne) et des politiques publiques “pour poser un cadre clair de moyen-long terme” ; une réforme structurelle du marché de l’énergie, pour laquelle il préconise d’“évaluer l’efficacité réelle du système énergétique global” et de réfléchir à l’intérêt de créer un pôle public de l’énergie en France ; ou encore un assouplissement des règles de concurrence.

 

Les propositions du CESE

- Supprimer progressivement les dépenses budgétaires et fiscales défavorables au climat.
- Réformer le bouclier tarifaire.
- Adosser une programmation pluriannuelle des finances publiques à la loi de Programmation énergie-climat (LPEC).
- Mobiliser tous les leviers pour renforcer les capacités des collectivités territoriales à financer la transition écologique.
- Redonner une trajectoire crédible au prix du carbone.
- Utiliser une part de la plus-value foncière générée par l’investissement dans les infrastructures pour faciliter le financement des projets favorables à la transition écologique.
- Orienter le Livret A vers le financement de la transition écologique.
- Garantir et renforcer l’accessibilité et la transparence de l’information pour l’épargnant.
- Mettre en place un Pacte européen d’investissement pour la transition écologique.
- Créer un fonds européen pour la transition écologique.
- Sortir les investissements matériels et immatériels relatifs à la transition écologique de la contrainte des 3% du Pacte de stabilité et de croissance.
- Proposer des taux d’intérêt plus incitatifs pour les investissements en faveur de la transition écologique de la part de la BCE et du système bancaire et financier.
- Renforcer le rôle des superviseurs en intégrant les plans de transition dans la réglementation prudentielle.
- Mettre en place une obligation de financement sur seuls fonds propres pour les nouveaux investissements fossiles.
- Défendre un assouplissement des règles de la concurrence quand celles-ci vont à l’encontre des objectifs de transition écologique
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Le coût de l’inaction climatique est estimé, selon les scénarios, entre 5 et 20% du PIB mondial d’ici 2050, le FMI va même jusqu’à 25%.  

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1185 DU 31 mars 2023

Actualités Habitat n°1185

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