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Actualités

Thème de la publication
Gestion locative
Numéro

Actualités Habitat n°1189

Paru dans

MAI 2023

Actualités Habitat n°1189

Date de publication :

09 juin 2023

Auteur(s) :

FABIEN ELIE

Gestion locative : quelle procédure pour la reprise d'un logement abandonné ?

Comment le bailleur doit-il agir face à un départ “à la cloche de bois” de son locataire ? Si l’expression elle-même, qui signifie littéralement partir sans faire de bruit, date du XIXe siècle, ce qui atteste l’ancienneté de la pratique, il a fallu attendre 2010 pour que le législateur instaure une procédure spécifique, à la disposition du propriétaire-bailleur, qui organise la résiliation du bail et la reprise du logement abandonné.

Il arrive régulièrement qu’un locataire indélicat quitte définitivement son logement, en dehors de toute procédure d’expulsion en cours, sans avertir le bailleur et sans restituer les clés. Pendant plusieurs décennies, le bailleur, pour reprendre possession de son logement, n’avait à sa disposition que la longue et très encadrée procédure de droit commun ou, parfois, procédait opportunément à la reprise des locaux par voie d’huissier de justice à l’occasion d’un acte d’exécution provisoire mais dans un cadre juridique n’offrant guère de garantie de sécurité. C’est la loi dite “Béteille” de 2010(1) qui a instauré une procédure simplifiée pour la reprise des logements abandonnés par leur locataire, permettant au propriétaire de récupérer son bien dans un délai raisonnable.

La loi Béteille a modifié la législation afférente aux baux d’habitation en créant et insérant un nouvel article 14-1 dans la loi du 6 juillet 1989(2). Celui-ci dispose : « Lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut mettre en demeure le locataire de justifier qu’il occupe le logement.

Cette mise en demeure, faite par acte d’huissier de justice, peut être contenue dans un des commandements visés aux articles 7 et 24.

S’il n’a pas été déféré à cette mise en demeure un mois après signification, l’huissier de justice peut procéder, dans les conditions prévues aux articles L. 142-1 et L. 142-2 du Code des procédures civiles d’exécution, à la constatation de l’état d’abandon du logement.

Pour établir l’état d’abandon du logement en vue de voir constater par le juge la résiliation du bail, l’huissier de justice dresse un procès-verbal des opérations. Si le logement lui semble abandonné, ce procès-verbal contient un inventaire des biens laissés sur place, avec l’indication qu’ils paraissent ou non avoir valeur marchande.

Le juge qui constate la résiliation du bail autorise, si nécessaire, la vente aux enchères des biens laissés sur place et peut déclarer abandonnés les biens non susceptibles d’être vendus ».

Les conditions d’application de ces dispositions sont précisées par un décret de 2011(3).

Quels locaux sont concernés ?

Comme exposé plus haut, le dispositif fait l’objet d’une insertion dans la loi du 6 juillet 1989. En se référant à l’article 2 de ladite loi, la procédure de reprise pour abandon s’applique donc principalement aux « locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur », mais en aucun cas, par exemple, aux locaux commerciaux.

Si l’abandon est estimé manifeste, le juge constate la résiliation du bail et ordonne la reprise des lieux.

Comment est constaté l’abandon ?

En cas de suspicion d’abandon du logement (courrier qui s’amoncelle dans la boîte à lettres, absence de consommation d’eau, volets constamment fermés, signalement du gardien, etc.), la procédure sera toujours initiée par la signification d’une mise en demeure au locataire de justifier de l’occupation du logement. Il convient d’être vigilant sur les raisons qui engendrent le déclenchement de la procédure qui seront examinées par le juge. Il s’agit en effet ici de constater un abandon au sens de départ volontaire et définitif. Si ces éléments sont accompagnés de l’existence d’un impayé ou d’un défaut de production d’attestation d’assurance locative, la mise en demeure peut être insérée au sein de l’un des commandements visés aux articles 7 et 24 de la loi du 6 juillet 1989.

À défaut de réponse du locataire dans un délai d’un mois, le commissaire de justice peut pénétrer dans les lieux afin de constater l’abandon. Il doit alors respecter les dispositions applicables à l’accès aux locaux en cas d’absence de l’occupant, à savoir : en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni du commissaire de justice(4).

Le commissaire de justice dresse un procès-verbal des opérations. Si le logement est abandonné, un inventaire des biens éventuellement encore présents sur place, et comportant l’indication de leur valeur marchande ou non, est établi. Une fois les opérations terminées, il assure la fermeture de la porte ou de l’issue par laquelle il est entré(5).

Comment est repris le logement ?

La constatation de la résiliation du bail est ensuite, sur le fondement des éléments établis dans le procès-verbal de constat d’abandon, demandée au juge des contentieux de la protection du lieu de situation de l’immeuble, par requête, qui peut également contenir une demande de condamnation du locataire au paiement des sommes dues au titre des éventuels impayés.

Si l’abandon est estimé manifeste (lieux vides, absence de literie, de produits alimentaires ou d’hygiène, de réfrigérateur ou d’appareils de cuisson, absence d’électricité, etc.), le juge constate la résiliation du bail et ordonne la reprise des lieux.

Notons que la présence de meubles n’est pas exclusive de la qualification de logement abandonné.

L’ordonnance est ensuite signifiée dans les deux mois de sa date, à l’initiative du bailleur, au locataire et aux derniers occupants de son chef connus du bailleur.

Ils peuvent former opposition à l’ordonnance dans le délai d’un mois suivant la signification. L’exécution de l’ordonnance est suspendue pendant le délai d’opposition.

En l’absence d’opposition dans le délai, l’ordonnance produit tous les effets d’un jugement passé en force de chose jugée.

Un procès-verbal est alors dressé par le commissaire de justice, qui procède aux opérations de reprise des lieux conformément aux dispositions du Code des procédures civiles d’exécution(6). Le logement est alors remis à la disposition de son propriétaire.

Quel est le sort des meubles laissés sur place ?

Soit ils sont déclarés sans valeur et donc détruits, soit ils seront vendus aux enchères dans les conditions prévues par l’article R. 433-5 du Code des procédures civiles d’exécution. Les papiers et documents personnels sont conservés pendant deux ans par le commissaire de justice.

Que faire si le locataire s’est réinstallé après la signification de l’ordonnance autorisant la reprise des lieux ?

S’il s’avère, à l’occasion des opérations de reprise des locaux, que ceux-ci sont à nouveau occupés par la personne expulsée ou toute personne de son chef, le commissaire de justice agit sans qu’il ait à obtenir un nouveau titre d’expulsion. Il s’agit d’une sorte de passerelle avec la procédure d’expulsion de droit commun. C’est l’ordonnance précédemment rendue qui vaudra titre d’expulsion. Il n’y aura donc pas lieu de saisir à nouveau le juge. La signification de l’ordonnance, passée en force de chose jugée, autorisant la reprise des lieux, tient lieu de commandement d’avoir à libérer les locaux.

Quels sont les droits du locataire ?

Dans un premier temps, le locataire peut répondre à la mise en demeure initiant la procédure afin de démontrer l’occupation effective des locaux. Il peut ensuite s’opposer à l’ordonnance rendue, dans le mois de sa signification. Il peut enfin former un relevé de forclusion ou contester la reprise des lieux devant le juge de l’exécution.

Notons que la Cour de cassation a énoncé récemment(7) que « la procédure de résiliation du bail et de reprise des lieux en cas d’abandon étant spécifiquement prévue par les dispositions du décret n° 2011-945 du 10 août 2011, les articles 496 et 497 du Code de procédure civile ne lui sont pas applicables. Après avoir retenu à bon droit que l’ordonnance ayant constaté la résiliation du bail à la suite de l’abandon des lieux était seulement susceptible d’opposition, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande en rétractation était irrecevable ». Le locataire doit donc être particulièrement vigilant au respect du délai d’un mois pour former opposition.

Que risque le bailleur en cas de demande abusive ?

En cas d’opposition formée par le locataire dans les délais, le juge statue sur les demandes présentées par le bailleur et connaît des demandes incidentes ou moyens de défense au fond qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction. Le jugement rendu se substitue à l’ordonnance. S’il est constaté que la requête a été présentée de manière abusive (abandon non manifestement caractérisé), le bailleur peut être condamné à l’amende civile prévue par l’article 32-1 du Code de procédure civile (d’un montant maximum de 10 000 €). Il convient donc d’user de cette procédure uniquement lorsque le départ volontaire et définitif du locataire ne fait aucun doute.

 

(1) Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.
(2) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
(3) Décret n° 2011-945 du 10 août 2011 relatif aux procédures de résiliation de baux d’habitation et de reprise des lieux en cas d’abandon.
(4) Article L. 142-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
(5) Article L. 142-2 du Code des procédures civiles d’exécution.
(6) Articles R. 451-2 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution.­­­
(7) Civ. 3e, 21 septembre 2022, n° 21-18.953.

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1189 DU 31 mai 2023

Actualités Habitat n°1189

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