Date de publication :
18 septembre 2024
Auteur(s) :
VALÉRIE LIQUET
Interview de Michel Calvo, président d'Habitat Social en Occitanie : "Le risque social lié à la canicule est largement sous-estimé"
À quelques semaines du Congrès Hlm, rencontre avec Michel Calvo, président d’Habitat social en Occitanie (HSO), par ailleurs président de l’OPH ACM Habitat, adjoint au maire de Montpellier et conseiller métropolitain.
Quelle est la pression de la demande de logement social dans le parc Hlm d’Occitanie ?
Nous logeons 680 000 personnes et nous recensons 200 000 demandeurs. Si le parc social était un quart plus grand, nous pourrions commencer à pouvoir répondre à la demande. Au contraire, nous prenons du retard d’année en année.
Je regrette en particulier que les jeunes ne représentent que 7 % de nos locataires, alors que les moins de 30 ans devraient se situer autour de 15-18 %. Cela permettrait une plus grande mixité dans nos résidences. Dans la pratique, les attributions favorisent les couples et les familles avec 1 ou 2 enfants. Quand ils atteignent l’âge de la quarantaine, il y a ceux qui parviennent à franchir une nouvelle étape de leur parcours résidentiel et passent à l’accession à la propriété. Et ceux qui restent dans les résidences. Les seniors locataires sont souvent des gens qui ont “une carrière du logement social’’ ; ils y sont depuis 20, 30, parfois plus de 40 ans.
Quel est le rythme de construction Hlm ?
Pour 2024, le CRHH (Ndlr : Comité régional de l’habitat et de l’hébergement) a planifié l’objectif de 10 000 logements construits. C’est 20 % de moins que les 12 000 que nos organismes construisaient il y a cinq ou six ans. Mais ce recul n’a rien à voir avec la chute de 40 % à 45 % des constructions privées liée à la crise actuelle. Preuve que nous jouons notre rôle contracyclique. Des constructeurs qu’on ne voyait plus reviennent candidater à nos appels d’offres.
La loi SRU a eu un fort impact. Elle a considérablement augmenté le parc Hlm de l’Occitanie. Depuis les années 2000, le rythme de construction Hlm a permis de rattraper une partie du retard de la région.
Mais la construction des logements sociaux dépend maintenant davantage de la volonté des élus locaux. À Montpellier, c’est 40 ans de politique constructive, débutée avec Georges Frêche et poursuivie aujourd’hui par Michaël Delafosse, qui a permis d’atteindre les 25 % de logements sociaux sur la métropole. On ne peut pas dire qu’il y a le même volontarisme à Sète, Béziers, Perpignan, Albi, Nîmes… Regardez aussi les départements : certains sont constructeurs (souvent de gauche) et s’appuient sur leurs Offices pour pallier le manque de volontarisme de certaines villes. On commence à distinguer clairement les départements fortement constructeurs, comme ici l’Hérault, la Haute-Garonne… et ceux qui ont levé le pied et ne font que gérer leur parc existant.
Le logement social a-t-il une mauvaise image en Occitanie ? Les programmes de construction sont-ils souvent contestés ?
La réaction « Construisez, mais pas dans mon jardin », c’est-à-dire « Pas près de chez moi », existe toujours. Elle est très active sur le refus de l’hébergement (Cada, foyers d’hébergement pour jeunes à la rue…), moins sur les Hlm. À Montpellier, le logement social est construit prioritairement dans le cadre des ZAC : le PLU en impose 35 % dans les nouveaux quartiers et ça se passe bien.
En Occitanie, il y a bien 5 ou 6 maires qui assument auprès de leurs administrés être contre le logement social. Ils préfèrent payer les prélèvements SRU que construire des logements sociaux. Mais cela n’a rien à voir avec le phénomène que l’on vit de l’autre côté du Rhône, en Paca.
La demande de logement social est-elle un fait exclusivement urbain ?
Nous aurions fait cette interview il y a dix ans, nous aurions parlé de territoires tendus et de territoires détendus. Cette différenciation est de plus en plus impossible à utiliser. Dans l’arrière-pays de l’Hérault, celui du Gard et de la région toulousaine, tous les logements sociaux sont occupés, même si la pression dans les demandes de logements n’est pas identique partout. À Toulouse, pour un logement attribué, il y a 6 à 7 ménages en attente. À Montpellier, c’est 1 pour 9. Et bien sûr, il y a des bailleurs qui construisent et développent le logement social dans les petites et moyennes communes, ne serait-ce que pour répondre à la croissance démographique naturelle du territoire.
Vous parlez de « nouveaux besoins ». Que proposez-vous, par exemple, aux locataires âgés pour poursuivre leur « carrière » en Hlm et, éventuellement, libérer un logement devenu trop grand pour eux ?
L’accompagnement au vieillissement des locataires Hlm, c’est l’adaptation du logement. Certains voudraient les déplacer autoritairement, nous ne sommes pas d’accord. Nous ne ferons pas la chasse aux personnes âgées dont les logements ne correspondent plus à la réalité familiale. Leur inclusion dans le quartier est trop déterminante pour leur qualité de vie. Or un déménagement implique de perdre une sociabilité construite parfois depuis des décennies, et à cet âge on ne se lie pas facilement à de nouveaux voisins. Nous sommes confrontés à cette difficulté lors des opérations de réhabilitation dans les QPV. Beaucoup ne veulent pas quitter leur quartier, même pour accéder à un logement de meilleure qualité, construit plus récemment et adapté au vieillissement. Certains organismes, comme ACM Habitat, ont pris la décision de maintenir le loyer (bas) du précédent logement en QPV. Même avec cet argument des ménages âgés refusent.
Combien de logements les organismes Hlm ont-ils réhabilité ces dernières années en Occitanie ?
Nous réhabilitons en gros 4 500 à 5 000 logements par an, alors qu’il en faudrait au bas mot 10 000 à 15 000. La réhabilitation la plus importante, et la plus coûteuse, est celle qui impacte profondément et durablement le confort d’occupation, notamment pour contrer les dégâts des canicules. Il faudrait doubler les crédits, parce que la réhabilitation d’un appartement, c’est 37 000 € pour passer d’une étiquette G, F ou E à C et 57 000 € pour parvenir au B, le niveau qu’il faudrait atteindre pour être efficace face au réchauffement climatique.
Pourquoi une telle exigence ?
Le risque social lié à la canicule est largement sous-estimé. Si nous ne mettons pas en place des réponses dès aujourd’hui pour faire face aux canicules, ce sera de plus en plus coûteux et cela provoquera un mouvement social extrêmement puissant. Si rien n’est fait, je pense que dans une dizaine d’années nous aurons des manifestations avec des pancartes « Il n’est plus possible de vivre dans ces conditions ». Nous avons eu cet été à Montpellier douze jours de canicule ; les Toulousains, une vingtaine. C’est extrêmement difficile à vivre : les gens ne dorment plus, les situations de voisinage se tendent. C’est soumettre les familles à une pression phénoménale.
La lutte contre le réchauffement climatique est un choix de société. Les Américains ont décidé de la traiter par la climatisation. En France, il n’y a pas consensus au sein de la profession : des constructeurs, des promoteurs, des investisseurs continuent de miser sur la climatisation. Nous considérons que ce n’est pas une réponse durable dans la mesure où elle renvoie la surchauffe sur les voisins, elle fait monter le degré de chaleur sur la ville de 2 à 3 %. Nous, nous avons choisi d’utiliser les mécanismes de réfraction, d’investir dans l’isolation, de rétablir les appartements traversants, de créer des îlots de fraîcheur en misant sur la plantation d’arbres et l’implantation de fontaines publiques. C’est très coûteux et c’est très difficile pour certaines constructions mais nous n’avons pas le choix. Nous nous intéressons aussi aux réseaux de chaleur réversibles, qui amènent du frais l’été sur le principe de la géothermie. Les techniques sont encore trop onéreuses pour que nous les appliquions dans nos réhabilitations.
Les locataires réclament-ils la clim’ ?
Cela arrive ! Des mouvements de locataires le demandent régulièrement. Nous répondons que ce n’est pas notre choix technique, parce qu’il n’est pas durable et qu’il est coûteux du point de vue énergétique. Quelques locataires en installent individuellement, ce qui provoque des conflits avec les voisins qui en général n’ont pas les moyens de s’équiper et en plus subissent la chaleur de la climatisation des autres. Nous ne l’avons pas interdit, nous le déconseillons en avançant nos argument écologiques et financiers.
Comment se compose le tissu Hlm de la région ?
67 organismes sont adhérents à HSO : 19 OPH, 23 ESH, 15 Coop’ Hlm, 4 Sacicap, 4 SAC et 2 SEM. Sur les 9 SAC d’Occitanie, 4 sont adhérentes. Comme au niveau national, deux types de SAC ont été créés : des SAC défensives, qui gèrent en inter-organisme certaines fonctions (informatique, entretien, comptabilité…) et des SAC offensives inscrites dans un processus de concentration.
Quels sont les grands chantiers de HSO ?
En tant qu’organisme fédérateur, notre rôle est d’encourager et d’accompagner toutes les autorités publiques qui veulent développer du logement social. Nous accompagnons les organismes Hlm dans des partages d’expériences. Par exemple, nous sommes très préoccupés à créer une logique de consensus sur la lutte contre le réchauffement climatique et les canicules pour peser sur le marché local de la construction. Nous voulons aussi convaincre les décideurs de répondre aux nouvelles demandes des locataires, par exemple le besoin de sécurité. Comme dans toutes les associations régionales Hlm, il y a des stratégies différentes entre les familles Hlm.
Y a-t-il consensus sur le logement intermédiaire au sein de HSO ?
Oui : nous ne sommes pas contre a priori. Nous pensons en revanche que le dernier Gouvernement a fait de la démagogie parce qu’il ne voulait pas relancer une politique du logement social en y mettant les financements nécessaires - il faut le dire : nous aurions besoin de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Et si l’idée est de prendre dans les crédits du logement social pour les investir dans le logement intermédiaire, il y a embrouille.
Nous sommes unanimes pour défendre notre modèle économique, impacté aujourd’hui par la crise, et qui repose sur le Livret A. Le plus gros paradoxe, c’est pourquoi ce Gouvernement continue à prélever 1 milliard et demi d’euros chaque année de fonds propres (au travers de la RLS, réduction de loyer de solidarité) sur tous les organismes de logements sociaux. On n’impose pas une taxe à l’industrie automobile pour qu’elle passe à l’électrique ! C’est une position que nous portons collectivement.
HSO en chiffres
• 67 organismes adhérents, dont 19 OPH, 23 ESH, 15 Coop’ Hlm, 2 SEM, 4 Sacicap et 4 SAC
• 325 900 logements sociaux, soit 682 000 personnes logées
• 190 000 ménages demandeurs (+ 32 % en 6 ans)
• 31 800 attributions par an
• 1 000 ménages par an accèdent à la propriété
• 9 300 logements programmés en 2023 (85 % de l’objectif)
• 4 500 logements réhabilités par an
• 6 000 emplois directs
• 2 Md€ injectés dans l’économie régionale par an
Sources : HSO
« Si le parc social était un quart plus grand, nous pourrions commencer à pouvoir répondre à la demande. »
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1216-1217 DU 15 septembre 2024
Actualités Habitat n°1216-1217
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