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Thème de la publication
Politique locale de l'habitat
Numéro

Actualités Habitat n°1216-1217

Paru dans

SEPTEMBRE 2024

Actualités Habitat n°1216-1217

Date de publication :

15 septembre 2024

Auteur(s) :

VALÉRIE LIQUET

Interview de Michaël Delafosse, maire de Montpellier : "La puissance publique a un rôle contracylcique primordial en temps de crise"

La Ville et la Métropole de Montpellier ont développé des outils techniques et politiques pour répondre à l’afflux continu de nouveaux habitants et répondre à la crise du logement. Rencontre avec son maire et président de Métropole, Michaël Delafosse.

La métropole de Montpellier accueille 8 000 nouveaux habitants chaque année. Comment le territoire absorbe-t-il la pression démographique ?

L’Insee fait état de 8 280 habitants supplémentaires chaque année pour la métropole entre 2015 et 2021, dont la moitié sur la ville de Montpellier. C’est la plus forte dynamique parmi les grandes métropoles, de l’ordre de + 1,7 % par an. Pour faire face aux besoins en logement qui en découlent et pour favoriser l’accès au logement pour tous, la Métropole a engagé une politique volontariste en matière d’habitat. Elle intervient à tous les stades de fabrication de la ville et oriente la production de logements : planification urbaine, action foncière, délivrance des autorisations, financement… en créant Altémed, structure regroupant notre aménageur et l’Office Hlm, en mettant en place en 2022 un Organisme foncier solidaire métropolitain ou encore en lançant le « choc local de l’offre » face à la crise.

 

La Métropole détient ainsi le ratio de logements mis en chantier par habitant le plus élevé de France sur la période 2012-2022 (10,7 logements pour 1 000 habitants). La collectivité s’efforce d’organiser cette production pour qu’elle serve tous les publics : familles, étudiants, seniors, travailleurs essentiels, ménages modestes et les plus précaires…

 

Que représente le logement Hlm dans l’ensemble du parc montpelliérain ?

À l’instar de nombreuses agglomérations, la ville-centre concentre la majeure partie du parc locatif social du territoire métropolitain. Montpellier, qui comptait 24,42 % de logements sociaux au sein de son parc de résidences principales au 1er janvier 2023, atteindra bientôt le seuil de 25 % fixé par la loi. Cette action a été saluée par le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre. Une reconnaissance dont nous sommes fiers, mais surtout qui nous oblige, alors que tant de demandes de logements sociaux nous parviennent. La tension est à son plus haut niveau, jamais atteint, avec 10 demandes pour une attribution en 2023.

 

Fin 2023, nous comptions près de 33 500 demandeurs en attente (demandes de mutations comprises) pour 3 390 attributions (+ 15 % en un an). 68 % des demandeurs sont sous les plafonds PLAI.

 

L’offre locative sociale s’est toutefois significativement développée au cours de cette dernière décennie, avec un taux d’équipement qui est passé de 17,2 % des résidences principales en 2013 à 21 % en 2023.

 

Nous avons également fait en sorte de rendre plus lisibles les critères d’attribution d’un logement social afin que chacun puisse comprendre sa situation.

 

Montpellier est la seule ville de plus de 100 000  habitants à avoir respecté les objectifs triennaux 2020-2023 de la loi SRU. Une recette ?

Le logement social est un choix politique qui permet de loger le plus grand nombre. Refuser sa construction, c’est construire de l’exclusion.

 

La Ville de Montpellier a constitué dans le passé, grâce à l’action de Georges Frêche, de vastes réserves foncières, permettant d’engager d’importantes opérations d’aménagement d’initiative publique - à l’instar du quartier Antigone il y a 40  ans - qui ont permis à la fois d’assurer un rythme de production régulier et élevé à l’échelle de la ville (dont 50 % en ZAC) et d’y développer le logement aidé.

 

En secteur diffus, une servitude de mixité sociale a été introduite au PLU dès 2004, rendant obligatoire la réalisation d’une part de logements sociaux et abordables au sein des programmes de logements portés par les acteurs privés. Elle a été significativement renforcée par modification du PLU en 2022.

 

En application des Programmes locaux de l’habitat successifs, la Ville a ainsi progressivement relevé de 20 % à 36 % sa part de logements sociaux dans la construction neuve, en ZAC comme en diffus.

 

La Métropole est délégataire de l’attribution des aides à la pierre depuis 2006 et accompagne à ce titre la sortie des programmes. Dans le cadre du plan d’urgence décidé face à la crise, elle a décidé l’an dernier de quintupler ses aides propres à la production de logements sociaux. Ce sont désormais 10  M€ mobilisés par an.

 

Altémed est un ovni dans la boîte à outils des politiques d’aménagement et d’habitat des collectivités locales. Comment fonctionne-t-il ?

Bien vivre la ville dans ses équilibres, l’urbain, l’humain, la nature, c’est le besoin de chacun. Pour faire de ce bien-vivre une réalité, nous devons accélérer les transitions urbaines. Voilà pourquoi j’ai créé Altémed.

 

Créé le 16 novembre 2022 par arrêté ministériel, Altémed est ainsi le seul groupe public à rassembler les métiers de l’aménagement responsable, du logement solidaire et des énergies renouvelables, et c’est aussi une innovation institutionnelle. Cette société de coordination est le fruit du rapprochement de l’OPH ACM Habitat et de la Serm/SA3M (et ses filiales), permettant une unité de commandement pour l’aménageur-énergéticien public de la Métropole de Montpellier et son bailleur social principal, au service de ses habitants.

 

Avec près de 550 collaborateurs, c’est l’outil d’une plus grande efficacité de l’action publique au service du territoire de toute la Métropole, et d’une plus forte solidarité pour permettre l’accès au logement.

 

Quels sont l’objet et les premiers résultats du Lab Innovation créé en novembre 2022 au sein d’Altémed ?

Nous devons retrouver notre capacité d’innovation et le Lab y participe, dans sa fonction de lieu d’expérimentation et de création collectives à Montpellier.

 

La diversité des métiers et la capacité des équipes à passer de la conception à l’expérimentation nous engagent à être un catalyseur de l’innovation pour accompagner les transitions climatique et numérique en investissant dans l’innovation sociale.

 

En un an et demi, le Lab a réuni plus de 1 000 personnes, dont 400 collaborateurs, en plus de 40 événements, et a permis 8 expérimentations visant à l’amélioration des métiers du groupe Altémed avec, par exemple, la création d’une application mobile pour les locataires d’ACM Habitat. Un plan d’actions pour le réemploi des matériaux a également été conçu, avec le lancement d’un marché du réemploi complet pour le groupe Altémed et un catalogue des matériaux de réemploi sur le territoire.

 

Le 1er hackathon Altémed s’est déroulé en octobre 2023. Pendant deux jours, 30 participants, étudiants et jeunes diplômés de Montpellier et alentours, se sont mis au défi de faire émerger des projets innovants sur 4 enjeux concrets : quartier idéal, écologie, inclusion et famille. En sont sortis vainqueurs un projet de dashboard de prédiction de maintenance des équipements techniques des logements et un projet connecté pour les seniors.

 

Que contient le protocole que vous avez signé en mai avec les promoteurs immobiliers ?

Construire des logements, c’est la priorité absolue. Le contexte oblige à être innovant, il doit être vécu comme une opportunité. La puissance publique a un rôle contracyclique primordial en temps de crise, elle doit permettre à tous les acteurs de continuer à produire du logement.

 

Pour concrétiser le choc de l’offre que j’ai lancé il y a deux ans et la production de logements pour tous, j’ai demandé à Altémed de trouver des solutions immédiates pour répondre à la crise. En ce sens, un accord a été signé en mai dernier entre Altémed et la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie pour débloquer les opérations immobilières grippées. Dans le cadre de ce travail de dentelle, chacun doit faire des efforts pour résoudre l’équation, et cela peut entraîner un effort financier significatif pour l’aménageur et donc la collectivité.

 

Si cela permet de produire du logement et d’éviter une crise encore plus grave dans 3 ans, nous y sommes prêts. En revanche, comme personne ne sait de quoi demain sera fait, si la conjoncture devait rendre ces projets à nouveau bénéficiaires, il est hors de question que la collectivité voie son effort effacé. Une clause spécifique a ainsi été ajoutée dans l’accord  : si l’équilibre financier du promoteur est meilleur que prévu à la livraison, une part de la valeur reviendra à l’aménageur.

 

Altémed a ainsi l’ambition d’accélérer la sortie des 7 600 logements attribués depuis deux ans. Dans ce contexte de crise, ce dispositif est une première en France, qui marque un tournant dans la relation entre l’aménageur et les promoteurs.

 

La Métropole s’affirme « carrefour des énergies renouvelables » : comment cela se traduit-il sur le volet logement ?

Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux pour assurer la sobriété et la souveraineté énergétiques du territoire en visant d’ici 2030 la multiplication par 4 de la production d’électricité via le photovoltaïque et par 3 le développement du réseau de chaleur.

 

Labellisé Écoréseau en 2023, c’est le 3e réseau français de distribution de chaleur et de froid. Il se développe progressivement, avec 10 centrales de production, et vise un objectif de 30 000 logements raccordés en 2026 contre 10 270 en 2022. Étant “classés”, les bâtiments neufs ou rénovés ont obligation de s’y raccorder sur des secteurs définis.

 

Le Plan Montpellier Solaire 2050 est notre feuille de route pour le développement du photovoltaïque. Avec un gisement potentiel de près de 70 % des installations photovoltaïques en toiture, les logements constituent une des cibles importantes.

 

Nous avons déployé de nouveaux outils, comme un cadastre solaire permettant aux particuliers d’évaluer le potentiel de leur toiture avec une estimation de production et de rentabilité ; l’accompagnement par l’Agence locale de l’énergie et du climat métropolitaine ; l’inscription dans le PLUi Climat d’exigences de production d’énergies renouvelables sur les constructions…

 

Et nous avons la chance d’être un territoire dont le tissu économique dans le domaine des ENR est sans équivalent, avec EDF Énergies Nouvelles ou de nombreuses autres entreprises dynamiques.

 

« La tension est à son plus haut niveau, jamais atteint, avec 10 demandes pour une attribution en 2023 ».

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1216-1217 DU 15 septembre 2024

Actualités Habitat n°1216-1217

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