
Date de publication :
15 septembre 2023
Auteur(s) :
VALÉRIE LIQUET
"A Nantes, l'écologie sera sociale ou ne sera pas"
Maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole depuis 2014, Johanna Rolland dresse pour Actualités Habitat sa vision d’une cité verte et solidaire, où le logement social continuera de tenir toute sa place.
La métropole de Nantes est très dynamique. Comment le territoire absorbe-t-il la pression démographique ?
La qualité de vie, le développement économique et le bouillonnement culturel, l’offre et la qualité des services publics ou encore les grands équipements maillant les quartiers et villes de la métropole, sont autant de facteurs qui concourent au dynamisme démographique de notre territoire. Ce que l’on constate, c’est que la croissance démographique est en grande partie portée par le solde naturel.
Le modèle que je porte pour Nantes et sa métropole, c’est un modèle social et écologique. Tout notre enjeu est de veiller aux grands équilibres sociaux, environnementaux et économiques de notre territoire tout en lui faisant prendre le tournant écologique. Cette bifurcation écologique, c’est l’opportunité d’améliorer la vie de toutes et de tous en répondant concrètement aux enjeux climatiques.
Je le dis clairement, l’écologie, ce n’est pas construire une oasis verte pour quelques-uns, dans le désert pour tous les autres. À Nantes, l’écologie sera sociale ou ne sera pas. C’est pour cela que nous portons une forte ambition en matière de réhabilitation du parc locatif existant, public comme privé, pour maintenir son accessibilité mais aussi améliorer sa qualité énergétique et réduire la facture énergétique de leurs locataires. Nous rénovons ainsi 3500 logements privés et 1500 logements sociaux par an.
Nantes est la métropole la plus égalitaire de France : sur notre territoire l’écart entre les plus riches et les plus pauvres est le plus faible des grandes métropoles. C’est une fierté qui est le résultat d’une action résolue que je porte depuis près de 10 ans et qui se traduit notamment dans le choix politique de permettre à toutes et tous de se loger dignement.
C’est pour cela que nous avons fait le choix de construire 6000 logements neufs par an dont 2000 logements sociaux et 700 en accession abordable. Ce sont des objectifs ambitieux et exigeants, mais c’est le cap que nous nous donnons pour que chacun et chacune puisse se loger comme il le souhaite.
Que représente le logement Hlm dans l’ensemble du parc nantais ?
À Nantes, le logement social fait partie de notre ADN. L’histoire de la ville est liée à celle de ses logements sociaux et de ses bailleurs. Ici, nous sommes guidés par une boussole : permettre à toutes et tous de se loger dignement, peu importent ses revenus, peu importe sa situation familiale. Avoir un toit au-dessus de sa tête, c’est le fondement de la dignité, c’est une nécessité pour accéder à tous les autres droits. Pouvoir se loger, c’est une priorité pour nos concitoyens et j’en ai fait une priorité du projet que je porte pour la métropole nantaise.
Le logement est au cœur de la République : c’est la promesse de l’égalité et de l’émancipation. Nantes Métropole compte près de 75000 logements sociaux et la ville de Nantes 45600. Je suis fière de pouvoir dire qu’à Nantes, nous dépassons les objectifs fixés par la loi SRU avec près de 30% de logements sociaux.
Ces logements sont situés dans tous les quartiers même si une grande partie sont dans les quartiers populaires. L’histoire du monde Hlm, c’est aussi l’histoire de ces quartiers auxquels nous sommes fortement attachés. La particularité de Nantes est qu’ici les quartiers populaires sont pleinement dans la ville, tous reliés au centre par les transports en commun structurants (tramway, busway, chronobus). Cela résulte de choix politiques déterminés, ceux d’une ville qui ne fait pas de hiérarchie entre les quartiers, tout en cultivant leurs singularités.
Et puis à Nantes, nous apportons une attention particulière à ce que les ménages soient accompagnés dans leur parcours résidentiel : leur permettre de changer de quartier quand ils le souhaitent, de trouver un nouveau logement après une séparation, d’accompagner à l’achat d’un appartement abordable.
Quelle est la tension sur la demande de logement social ?
La crise du logement touche l’ensemble des grandes villes de France et les collectivités locales doivent se mobiliser pour y répondre. Le secteur de la location est grippé, ce qui conduit de plus en plus de ménages à se tourner vers le parc social qui ne peut répondre à cette demande. La crise s’explique en partie par des raisons exogènes et opérationnelles (hausse des coûts de construction, hausse des taux d’intérêt...), mais aussi par un manque d’ambition politique de la part du gouvernement sur ce sujet. Les annonces du CNR ont été décevantes, et particulièrement pour le logement social : on ne pourra pas faire plus de logement avec moins de ressources !
Nantes Métropole comptait plus de 37000 demandeurs en 2022, dont 23000 nouvelles demandes. Près de 6000 demandes ont pu être satisfaites sur l’année 2022, un chiffre évidemment trop bas pour répondre à tous les besoins, et que nous nous efforçons d’améliorer. Le plan de relance du logement que nous avons lancé en juin 2023 répond en partie à ce défi.
Comment est venue l’idée de ce plan de relance du logement à l’échelle de la métropole ?
Face à la crise du logement qui touche Nantes comme d’autres métropoles de France et face à la baisse de la production de logements sur notre territoire, nous nous retroussons collectivement les manches pour agir localement. C’est pour cela que nous avons décidé ce plan de relance.
Bien sûr ce n’est pas à notre échelle que nous allons régler l’accès au crédit, l’inflation ou la hausse des coûts. Notre action ne pourra pas se substituer à celle de l’État. Mais localement, avec les partenaires locaux, et notamment l’USH des Pays de la Loire, nous actionnons les leviers à notre disposition pour faciliter la sortie des projets aujourd’hui bloqués.
Le plan comporte 5 engagements, 16 mesures et 20 millions d’euros supplémentaires à la mobilisation qui était déjà la nôtre pour le logement social. C’est un acte fort de soutien aux bailleurs sociaux. Nous prévoyons aussi de lancer de nouvelles opérations de logement social, y compris dans l’hyper centre-ville de Nantes, en allant parfois jusqu’à 100% de logement social dans ces opérations. Nous mettons aussi l’accent sur la mobilisation foncière et encourageons les formes d’habitat innovantes telles que l’habitat participatif et la construction modulaire biosourcée.
Notre plan de relance vise le déblocage du secteur du logement dans son ensemble, avec une attention particulière pour les ménages à revenus modestes et moyens. C’est bien notre rôle d’acteur public d’œuvrer en priorité pour le logement social et abordable tout en veillant bien sûr à l’ensemble de la construction, y compris le logement intermédiaire pour éviter la fuite de ces ménages vers le périurbain.
Au-delà de ce plan de relance, je n’oublie pas tout l’engagement de la Ville de Nantes et de la Métropole dans le cadre de l’Anru, qui concerne 54000 habitants de notre territoire. Un programme au service du cadre de vie de ses habitants, de la cohésion sociale, du développement économique et de l’emploi, qui permet par exemple la création d’une maison de santé dans les quartiers de Bellevue et Nantes Nord ou l’installation d’une ferme urbaine au cœur des Dervallières.
Nantes Métropole a obtenu le statut d’AOH : qu’est-ce que cela change aujourd’hui ? Qu’est-ce que cela devrait changer demain ?
En tant que présidente de Nantes Métropole mais aussi en tant que présidente de France Urbaine - association nationale regroupant les métropoles de France -, je porte la conviction qu’il faut faire confiance aux collectivités locales qui le souhaitent pour assumer pleinement la compétence de l’habitat. Il s’agit de reconnaître la capacité d’initiative des territoires, leur capacité à porter une vision stratégique, à mettre en œuvre une politique de peuplement quantitative et qualitative, ce qu’à Nantes nous élaborons déjà depuis des années. La liberté laissée au territoire, c’est aussi la capacité à faire travailler tout l’écosystème local du logement, parce qu’à l’échelle des métropoles nous avons cette agilité à se mettre autour de la table et tous ensemble, partenaires du logement, acteurs économiques, de l’emploi et de l’insertion, pouvoir inventer des réponses nouvelles.
En revanche, cette prise de compétences ne pourra pas se faire sans moyens supplémentaires alloués par l’État aux collectivités, c’est ce que nous portons à France Urbaine.
Qu’attendez-vous du grand débat sur la Fabrique de la ville lancé en mars dernier ? Quelle place y tient la thématique du logement ?
Nous sommes à un tournant historique, un tournant où les villes doivent trouver des solutions aux urgences climatiques et aux défis comme le vieillissement de la population, les mutations économiques ou le logement pour tous. À Nantes comme ailleurs, demain n’attend pas. Nous devons repenser notre manière d’habiter le monde, de consommer, de produire, de nous déplacer. Nous croyons à Nantes que les villes sont une partie de la solution aux défis immenses qui sont devant nous si l’on sait écouter ce monde qui vient et jouer collectif.
J’ai fixé un cap, il s’agit de bâtir une métropole écologique et solidaire. Nous développons pour cela à Nantes une nouvelle manière de faire la ville, écologique mais aussi collective car je suis convaincue que la ville de demain se fabrique avec toutes et tous : habitants, professionnels de l’aménagement et de l’urbanisme, bailleurs, acteurs publics et privés.
C’est tout le sens de ce grand débat qui s’est déployé au printemps en réunissant plus de 30000 participants dans toute la métropole. Tous les sujets concernant la ville y ont été débattus dont, évidemment, la question du logement.
Ce grand débat doit nous permettre de trouver le chemin pour faire la ville ensemble, pour permettre à toutes et tous de se loger décemment, pour penser les déplacements au quotidien, pour accélérer la rénovation des logements, pour, tout simplement, continuer à faire de Nantes Métropole, une métropole où l’on vit bien et dignement.
Propos recueillis par V.L.
« L’écologie, ce n’est pas construire une oasis verte pour quelques-uns, dans le désert pour tous les autres. »
« La liberté laissée au territoire, c’est aussi la capacité à faire travailler tout l’écosystème local du logement. »
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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1194-1195 DU 15 septembre 2023
Actualités Habitat n°1194-1195
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