« Les articles en compétition de cette édition 2024 du Prix de la recherche sont très représentatifs des préoccupations contemporaines des acteurs de l’habitat », constate Hélène Peskine, alors secrétaire permanente du Plan urbanisme, construction, architecture (Puca), qui est partenaire associé de ce Prix depuis sa création en 2014. Le Grand Prix, décerné le 27 août à Audrey Courbebaisse, docteure en architecture, pour son article Les grands ensembles, supports au vieillissement ? Études de cas à Toulouse et Bruxelles, paru dans la revue Gérontologie et société, est emblématique de cette représentativité. La chercheuse y étudie la situation des personnes âgées dans des grands ensembles des années 1960-1970. L’article montre que leur maintien dans leur logement n’est pas uniquement lié à l’adaptation du logement lui-même : « Ce n’est pas qu’une question d’équipement avec, par exemple, l’installation d’une salle de bains plus adaptée », remarque Fabrice Escaffre, professeur à l’université Jean Jaurès de Toulouse. Les abords du logement, les espaces publics et communs, les services de proximité, les dispositifs d’accompagnement, et les relations sociales qu’y entretiennent les personnes âgées jouent un rôle majeur. La préservation de ces aménités pour assurer un logement et un cadre de vie adaptés au vieillissement implique «  une réflexion coordonnée des acteurs ». Pour sa part, Jean-Michel Fabre, vice-président d’Habitat social en Occitanie (HSO), et président du jury du Prix USH-CDC 2024, en tire la conclusion, sans craindre le paradoxe, que « tout ce qui est autour du logement est central et que l’écosystème dans lequel s’inscrit le logement crée les conditions du bien-vieillir ». Pierre Laurent, directeur d’investissement à la direction des Prêts de la Banque des Territoires, voit dans cet article une incitation « à se réinterroger sur nos politiques de financement des opérations de renouvellement urbain » très centrées sur la rénovation thermique. Les travaux d’Audrey Courbebaisse soulignent également les capacités d’adaptation, souvent méconnues, du bâti de cette époque.

Un mode d’emploi pour la mixité sociale ?

Les deux Prix spéciaux récompensent également des sujets au cœur des préoccupations des acteurs de l’habitat social. Celui remis à Hadrien Herrault, pour son article L’espace partagé à l’encontre du “droit au logement” ? Lutte pour l’attribution légitime des logements sociaux en Irlande du Nord, paru dans la revue L’Espace politique, invite à approfondir la réflexion et l’efficacité des dispositifs de gestion de la demande et des attributions Hlm. Il analyse le cas de l’Irlande du Nord qui, traversée par le conflit entre catholiques et protestants, retient des critères religieux dans les attributions de logements sociaux dans l’objectif de créer de la mixité et des « espaces partagés », à l’échelle de l’immeuble, entre les deux communautés. Même si le recours à ces critères n’est pas légal en France, cette recherche interpelle la pertinence des dispositifs en place pour concilier mixité sociale et droit au logement. « Personne à ce jour ne connaît le mode d’emploi », constate Jean-Michel Fabre.
L’autre Prix spécial a été attribué à Charles Reveillere pour son article La Fabrique temporelle du consentement. Les habitant·es des quartiers populaires dans l’attente du délogement paru dans les Actes de la recherche en sciences sociales. Son travail porte sur le temps, dans les programmes de rénovation urbaine, entre l’annonce d’un relogement et son exécution effective. Entre les deux, « les locataires peuvent attendre de très nombreuses années sans qu’il ne se passe rien, avec pour résultat le désinvestissement de leur logement et de la vie sociale des quartiers », remarque Pierre Laurent. Une attente synonyme d’un manque de perspectives pour se projeter dans l’avenir pour beaucoup d’habitants. Et qui pose la question de l’entretien d’un patrimoine voué à la démolition.
Les articles scientifiques en compétition, et pas uniquement ceux qui ont été primés, « montrent tout l’intérêt des jeunes chercheurs pour l’habitat et sont très riches d’enseignements pour ses acteurs », a déclaré le président du jury, Jean-Michel Fabre. Beaucoup, comme celui sur l’adaptation au vieillissement, « apportent un éclairage opérationnel », renchérit Hélène Peskine.

Dossier Prix USH/CDC de la recherche sur l'habitat social