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Thème de la publication
ESH
Numéro

Actualités Habitat n°1134

Paru dans

NOVEMBRE 2020

Actualités Habitat n°1134

Date de publication :

01 décembre 2020

Auteur(s) :

VALÉRIE LIQUET

AG de la Fédération des ESH : "Tendre la main, une action essentielle en temps de crise"

La place des travailleurs essentiels dans la crise actuelle et dans les années à venir a été au cœur des échanges de l’assemblée générale des ESH, qui s’est tenue le 15 octobre. Jérôme Fourquet, Jacques Attali, François Jolivet et Antoine Bozio se sont pliés à l’exercice de prospective appliquée. Mais l’AG annuelle était également un rendez-vous politique attendu d’interpellation, auquel a répondu la ministre Emmanuelle Wargon.

"Nager dans les eaux troubles
Des lendemains Attendre ici la fin
Flotter dans l’air trop lourd
Du presque rien.
À qui tendre la main ?"

"On a la culture qu’on peut", s’excusait Valérie Fournier, dans son discours de conclusion de l’assemblée générale annuelle des ESH. Ces paroles de "Désenchantée", interprétée en 1991 par la chanteuse populaire Mylène Farmer, semblaient, ce 15 octobre 2020, résonner avec l’état d’esprit de la présidente de la Fédération. "Car c’est bien cette action nécessaire et indispensable du tendre la main que la crise actuelle a placée au centre de nos actions". Elle a rappelé que les bailleurs sociaux de Métropole et d’Outre-mer ont augmenté leur accompagnement des ménages les plus fragiles, déployé des initiatives en direction des personnes âgées ou isolées "pour qui la privation de tout lien social signifiait une précarisation accrue" et assuré la continuité du service aux habitants. Elle soulignait la "relative maîtrise des impacts possibles en termes d’impayés" qui étaient alors évalués à environ 160 M€.

Valérie Fournier a également évoqué ces "catégories socio-professionnelles hébergées par les Hlm (qui) constituent le cœur des travailleurs dits essentiels et que l’on a redécouverts" durant la crise sanitaire.

Invisibles et essentiels Ils sont "les invisibles de la société du back office", comme les appelle Jérôme Fourquet, directeur du pôle Opinion et stratégies d’entreprises à l’Ifop, "ceux qui font tourner la machine matin, midi et soir et qui ne voient pas la lumière". Glorifiée durant le premier confinement, "la Nation a une dette envers cette catégorie de la population qui a tenu les lignes" et ne pas le reconnaître conduira à une crise sociale, prédit le politologue, auteur de L’Archipel Français, ouvrage dans lequel il décrit la "fragmentation" de la société.

"Peut-être que la crise a révélé des fractures, mais elle a aussi mis du ciment", se réjouit le député de l’Indre, François Jolivet, convaincu que depuis le premier confinement "la verticalité n’est plus comprise". "Les invisibles étaient là, mais ils étaient cachés du fait de la verticalité des organisations dans les entreprises", estime-t-il.  Désormais, "un DG d’organisme de logement social peut appeler directement un gardien", poursuit-il, à l’exemple de ces "boîtes modernes montées sans hiérarchie intermédiaire".

François Jolivet affiche le même optimisme quant à l’avenir du monde rural qui, selon lui, "a trouvé peut-être une autre destinée". "Tous les dirigeants ont compris que le travail pouvait se faire à distance, qu’une nouvelle forme de management est possible", rapporte-t-il. Pour preuve : "Des maisons qui ne se vendaient jamais se sont vendues cet été". De quoi faire réfléchir les ESH sur leur manière d’"arbitrer leur patrimoine, sachant que la densité est l’amie du Covid", lâche-t-il, en appelant les opérateurs de logement social à ne pas abandonner ces territoires, lui qui a été, à 30 ans, DG de l’Opac 36(1).

Antoine Bozio, prix du meilleur jeune économiste de France en 2017, aujourd’hui directeur de l’Institut des politiques publiques (École d'économie de Paris), s’interroge d’ailleurs sur la fonction future des métropoles, territoires jusque-là incontestés de création de valeurs.

"Certes, la toute-puissance des métropoles sera sans doute rediscutée", admet Jérôme Fourquet. Mais pour le politologue, "il pleut souvent où c’est déjà mouillé", autrement dit : les territoires qui pourraient bénéficier d’un afflux de population sont ceux déjà prisés "où il fait bon vivre à proximité d’une gare TGV".

Économie de la vie

Ce 15 octobre, la voix de Jacques Attali a annoncé que la crise économique durerait "au moins trois ans", et que la situation sanitaire sera difficile jusqu’au déploiement d’un vaccin efficace. Cet intellectuel, promoteur de "l’économie positive", pose comme condition de rebond l’"économie de la vie", qui englobe de multiples secteurs comme la santé et l’alimentation, mais aussi le logement, l’éducation, la recherche, le digital, l’énergie propre, la distribution, l’agriculture, la démocratie ("donc la presse"), la culture… Dans le secteur du logement, "tout ce qui va permettre de réduire la consommation d’énergie est vitale, explique-t-il, mais il n’y a pas que cela : la façon d’habiter sera plus permanente". Le logement d’aujourd’hui doit ainsi être conçu avec une pièce de plus, entre le bureau et autre chose, qui hébergerait plusieurs fonctions : le télétravail, les études des enfants, mais aussi pour "passer du temps".

À court terme, libérer les énergies

Si Emmanuelle Wargon a fait honneur aux salariés des ESH "travailleurs essentiels au service d’autres travailleurs essentiels", elle s’est aussi inquiétée que "la construction neuve traverse un trou d’air"(2). Après avoir rappelé que les ESH avaient réalisé, en 2019, 70% de la production Hlm avec 63 000 agréments dont 18 000 PLAI, Valérie Fournier a déclaré qu’elles seraient "prêtes à faire encore plus". Pour cela, "il faut mieux financer l’offre neuve de PLAI" et "financer un accompagnement social dans et vers le logement", a-t-elle demandé à la ministre chargée du Logement.

Il faudrait aussi "libérer les énergies et donner de la visibilité et de la stabilité", a-t-elle ajouté ; par exemple en n’augmentant pas les forfaits de RLS au 1er janvier, en baissant le taux de Livret A au-dessous du plancher de 0,5%, en réduisant les prélèvements qui transitent par la CGLLS, en révisant la notion de surcompensation de l’Ancols… Sur ce dernier point, la ministre a assuré avoir demandé à l’agence que sa "méthode soit transparente". Emmanuelle Wargon s’est également engagée à "ne pas déstabiliser" Action Logement, à y maintenir une gestion paritaire et à "préserver la capacité de financement des logements sociaux", en réponse aux "interrogations" de Valérie Fournier quant à la "ponction massive envisagée dans le cadre de la loi de Finances" et "les questions en cours sur une éventuelle réforme de la PEEC". La présidente de la Fédération des ESH a défendu l’idée que "le financement de la PEEC n’est en aucun cas accessoire mais essentiel. Sa remise en cause conduira inexorablement à la remise en cause de l’activité de tout notre secteur" (voir aussi p. 7).

Une dimension à avoir en tête quand on anticipe, comme Valérie Fournier, que le nombre de demandeurs de logement social "risque de croître très fortement dans les prochains mois". 

(1) Poste qu’il quittera en 2010 pour rejoindre le groupe ICF Habitat (groupe SNCF), puis devenir, quelques années plus tard, directeur général d’ICF Habitat Novedis et, en 2016, directeur général d’ICF Habitat Atlantique.
(2) La ministre chargée du Logement n’était pas présente, mais elle avait pris connaissance auparavant du discours de la présidente des ESH auquel elle a répondu par vidéo pré-enregistrée. 

 

Nicolas Hulin, un gardien connecté

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© Immobilière Atlantic Aménagement

Après une carrière dans l’Armée, Nicolas Hulin entre en 2003 chez Immobilière Atlantic Aménagement, filiale de 3F, où il devient en 2016 gardien principal, poste nouvellement créé à Niort. Sa mission consiste à faire des rondes dans la ville, dans toutes les résidences du patrimoine de l’ESH, afin de détecter les problèmes techniques et d’assurer le contact avec les locataires pour gérer les réclamations. Nicolas Hulin est aussi le référent des employés d’immeuble en poste à Niort et le lien entre le chargé de patrimoine et les locataires. Lors de l’assemblée générale des ESH, le 15 octobre, il est venu à Paris recevoir son trophée Gardiens/Proximité, dans la catégorie "Trophée de l’innovation", pour le déploiement de la solution digitale Easy Contact. Co-développé par l’ESH et la start-up locale Hiitch, ce système permet au locataire d’adresser des demandes d’intervention via leur smartphone ou leur tablette par un sticker doté d’un QR Code dont Nicolas Hulin a assuré la présentation et la pose.


Un Livre Blanc sur le lien logement-santé

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La Fédération publie un Livre Blanc Santé, intitulé L’apport du logement social dans l’amélioration des conditions de vie et de santé. La gestion du risque sanitaire s’y décline dans de multiples initiatives, présentées dans l’ouvrage, en réponse aux défis du vieillissement démographique, de la précarité, de l’environnement ou encore des affections de longue durée.

Face au report croissant du soin, de l’hôpital vers le domicile, la Fédération identifie des axes de réflexion sanitaire auxquels les bailleurs sociaux pourraient activement contribuer, autour de quatre enjeux : mettre en lumière l’action sanitaire des Hlm ; renforcer les collaborations territoriales ; adapter le cadre réglementaire Hlm ; penser ensemble le parcours résidentiel et le parcours de santé.

 

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1134 DU 30 novembre 2020

Actualités Habitat n°1134

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