Actualités

Thème de la publication
TVA
Numéro

Actualités Habitat n°1083

Paru dans

JUILLET 2018

Actualités Habitat n°1083

Date de publication :

30 juillet 2018

Auteur(s) :

PASCALE LOISEAUX

Du nouveau sur le régime de TVA des ventes de terrains à bâtir

Déterminer le régime de TVA applicable à la vente d’un terrain à bâtir est une opération complexe, d’autant que, depuis 2010, entre les réformes successives des textes de loi, les prises de position de l’administration fiscale et les contentieux soumis au juge administratif, les règles applicables n’ont cessé d’évoluer.

Récemment, par une réponse ministérielle publiée le 17 mai 2018 (JO Sénat, n° 04171), l’administration vient de modifier son interprétation des textes : elle admet désormais que la TVA due sur les ventes de lots à bâtir puisse être calculée sur "la marge", même si le vendeur a procédé à une division du terrain entre le moment où il l’avait lui-même acheté et la revente, alors qu’elle avait adopté une position contraire en 2016. C’est une bonne nouvelle, notamment pour les organismes Hlm qui vendent des lots à bâtir à des particuliers. C’est aussi l’occasion de faire le point sur les règles actuellement applicables, à la fois quand un organisme Hlm vend un terrain mais aussi quand il l’achète. Pour définir le régime de TVA applicable, il faut répondre successivement à trois questions : la vente est-elle soumise à TVA ? Si oui, cette TVA doit-elle être calculée sur le prix de vente total ou sur la marge ? Et à quel taux ?

La vente d’un terrain à bâtir est-elle soumise à TVA ?

La réponse sera positive dès lors que celui qui vend le terrain est considéré comme un "assujetti agissant en tant que tel" et que cette vente est faite à titre onéreux. Autrement dit, la cession d’un terrain à bâtir à un prix symbolique n’est pas soumise à TVA et, si le prix n’est pas symbolique, son assujettissement va dépendre de la "qualité" du vendeur : réalise-t-il cette vente dans le cadre de son activité économique, ou non ? Prenons l’exemple d’un particulier qui vend un terrain dont il a hérité à un organisme Hlm, lequel, après l’avoir viabilisé, revend des lots à bâtir à des particuliers : en principe, la vente du terrain par le particulier à l’organisme ne sera pas soumise à TVA dès lors que cette opération n’intervient pas dans le cadre de l’activité économique du vendeur mais relève de la gestion de son patrimoine privé. En revanche, lorsque l’organisme revendra les lots à bâtir, la vente sera soumise à TVA car cette opération relève de son activité économique. Cela étant, l’appréciation de ce critère n’est pas toujours aisée, notamment lorsque le vendeur est une collectivité locale, laquelle peut aussi bien agir dans le cadre d’une activité "économique" (acquisition de parcelles en vue de le revendre dans le cadre d’une opération d’aménagement) ou "à titre privé" (vente d’un terrain que la collectivité avait acquis et utilisé pour elle-même mais dont elle n’a plus besoin). L’analyse dépendra notamment de "l’historique" du terrain dans le patrimoine du vendeur et c’est à lui qu’il appartiendra de se positionner. Si la TVA s’applique, restent deux questions à trancher : sur quelle base et à quel taux ?

L’assiette de la TVA : marge ou prix total ?

En principe, la TVA est calculée sur la base du prix de vente mais, par dérogation, l’article 268 du Code général des impôts prévoit que "si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée", la base d'imposition est constituée par "la marge". On ne détaillera pas ici le calcul de la marge mais elle correspond, globalement, à la différence entre d'une part, le prix de vente, et d’autre part, le prix que le cédant avait payé lorsqu’il avait lui-même acquis le terrain, sans revalorisation et sans prise en compte des dépenses éventuellement engagées entre l’achat et la revente. Cette règle impose au vendeur du terrain d’analyser le régime de TVA qui s’est appliqué lorsqu’il a lui-même acquis ce terrain : lui a-t-on facturé de la TVA et a-t-il pu la récupérer ? En pratique, et sauf cas particuliers, le plus simple pour celui qui vend un terrain sera de vérifier si l’acte par lequel il a lui-même acquis ce terrain fait apparaître un montant de TVA collectée par le vendeur d’origine. Si cet acte ne mentionne pas de TVA ou n’en précise pas le montant, la revente sera soumise à la TVA sur la marge. Sinon, ce sera une TVA calculée sur le prix total.

Exemple : un organisme achète un terrain à un prix de 100 à un particulier. Cette opération n’est pas soumise à TVA (le vendeur n’agissant pas en tant qu’assujetti). L’organisme fait des travaux de viabilisation et revend ce terrain 124 TTC. La TVA supportée par l’organisme sur les travaux de viabilisation est immédiatement déductible. Quant à la revente, elle est soumise à la TVA sur la marge au taux de 20%. La marge TTC est égale à 24 (124-100), ce qui correspond à une marge HT de 20 et à une TVA de 4 (20 x 20%). Toutefois, au-delà de cette règle, l’administration fiscale a estimé, en 2010, puis en 2016, que le régime de la marge était soumis à des conditions supplémentaires : selon son interprétation, il ne pouvait s’appliquer qu’à la condition que l’opérateur vende le même bien que celui qu’il avait acquis à l’origine, tant au regard de sa qualification juridique qu’au regard de ses caractéristiques physiques (cf. notamment réponse ministérielle publiée au JO AN, 30/08/2016, n° 091143). Il en résultait notamment qu’un opérateur qui achetait un terrain et procédait ensuite à une division de celui-ci pour le revendre par lots, devait calculer la TVA sur le prix total, les caractéristiques physiques du bien revendu n’étant pas les mêmes que celles du bien acheté à l’origine. Cette interprétation a été vivement critiquée et des contentieux engagés. Après plusieurs jugements défavorables à l’administration (tribunaux administratifs de Grenoble  - 14/11/2016, n° 1403397 - et Montpellier -04/12/2017, n° 1602770), l’administration est finalement "revenue en arrière", du moins partiellement, dans la réponse ministérielle du 17 mai 2018 évoquée en introduction.

La position de l’administration est désormais la suivante : elle n’exige plus la condition d’identité « physique », y compris pour les opérations en cours. Il est donc admis que le régime de la marge puisse s’appliquer en cas d'acquisition d'un terrain qui n'a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division avant de le revendre en plusieurs lots. En revanche, elle continue d’exiger que le bien revendu ait une qualification juridique identique au bien acquis. Ainsi, selon son interprétation, le régime de la marge ne s’applique pas à un opérateur qui achète un immeuble qualifié, dans l’acte, d’immeuble bâti, qui démolit le bâti et revend le bien en tant que terrain à bâtir. Il ne s’applique pas non plus dans le cas où l’opérateur acquiert une propriété bâtie avec un jardin, et divise ensuite ce bien pour revendre d’un côté la construction et de l’autre des lots de terrains à bâtir. Dans ce cas, il y a en effet une modification de la qualification juridique entre l’acquisition (le bien a été traité, globalement, comme un immeuble bâti avec ses dépendances) et la revente (les lots à bâtir détachés du bâti sont vendus en tant que "terrains à bâtir"). Le maintien de cette restriction reste discutable et les jugements précités ont considéré que cette condition d’identité de qualification juridique n’était pas justifiée au regard du texte de la loi. Le Conseil d’État sera sans doute amené "à trancher" ce point prochainement. Dans l’attente, précisons que cette question n’a véritablement d’importance que pour les ventes de terrains à des acquéreurs qui ne peuvent pas récupérer la TVA qui leur est facturée (essentiellement les ventes à des particuliers) : la TVA sur le prix total est par hypothèse plus élevée que la TVA sur marge. Toutefois, il faut noter qu’en contrepartie, les droits d’enregistrement dus par l’acquéreur (paiement via le notaire) seront calculés au taux réduit de 0,715% au lieu du taux normal de 5,8% (ou 5,09% dans certains départements) si la TVA a été calculée sur la marge.

Quel est le taux de TVA applicable aux ventes de terrains à bâtir ?

En principe, c’est le taux normal de 20% qui s’applique. Toutefois, certaines ventes peuvent bénéficier du taux réduit. • Le taux de 10% s’applique à la vente d’un terrain à bâtir à un organisme d'habitations à loyer modéré visé à l'article L. 411-2 du Code de la construction et de l'habitation (cf. art. 278 sexies I, 1° du CGI). Peu importe la destination du terrain dès lors qu’il s’agit d’une opération réalisée, selon la loi, "dans le cadre de la politique sociale du logement". Le terrain peut être destiné à une opération locative sociale, à une opération d’accession sociale à la propriété ou une opération mixte. En revanche, si la destination n’a rien de "social" (par exemple un terrain destiné uniquement à la vente de lots à bâtir), il conviendra plutôt d’appliquer le taux normal (en principe, le taux facturé n’est pas déterminant puisque l’organisme acquéreur pourra récupérer la TVA payée sur le terrain et appliquera ensuite, en fonction de l’opération réalisée sur ce terrain, le taux correspondant à cette opération).

  • Le taux de 10% s’applique aussi en cas de vente à une personne (autre qu’un organisme Hlm) qui bénéficie d'un prêt mentionné à l'article R. 331-1 du même Code (PLS, PLUS ou PLAI) pour la construction de logements conventionnés à l’APL (cf. art. 278 sexies I, 1° du CGI).
  • Le taux de 5,5% peut s’appliquer à la vente d’un terrain à bâtir à un ménage sous plafonds de ressources (PLS + 11%) qui le destine à la construction de sa résidence principale, à condition que ce terrain soit situé dans un des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à proximité (ou dans un ancien quartier Anru - cf. article 278 sexies I, 11 et 11 bis du CGI).
  • Enfin, le taux de 5,5% s’applique à la vente d’un terrain à bâtir à un organisme de foncier solidaire en vue de la conclusion d'un bail réel solidaire (cf. article 278 sexies, I, 13 du CGI). Les conditions d’application de ces taux sont identiques, que la TVA soit calculée sur la marge ou sur le prix total.


THÈMES : TVA terrain à bâtir.

CONTACT : Pascale Loiseaux, Direction juridique et fiscale ; Tél. : 01 40 75 78 60 ; Mél. : ush-djef@union-habitat.org

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1083 DU 30 juillet 2018

Actualités Habitat n°1083

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