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Date de publication :

09 avril 2015

Les Hlm d'Ile-de-France, mal attribués ? Le rapport de la Cour des comptes est caricatural

Dans un rapport rendu public le mercredi 8 avril, la Cour des comptes dénonce des incohérences dans l'attribution des logements sociaux franciliens et appelle à une plus grande transparence. Pour Jean-Louis Dumont, il faut arrêter de monter les locataires Hlm les uns contre les autres. Explications.

La Cour des comptes vient de se pencher à nouveau sur la question des politiques du logement en Ile-de-France. Que faut-il en retenir ?

D'abord, un constat qui doit interpeller les responsables franciliens : on manque de logements dans la zone dense. La tension est extrême, elle pousse les prix à la hausse et engorge le parc social.

En d'autres termes, la "marche" est tellement haute entre les loyers réglementés des Hlm et ceux du privé, ou le coût de l'accession libre, que les familles qui ont eu droit à un logement social cherchent à y rester le plus longtemps possible. C'est un comportement individuel inéluctable.

Les critères d'attribution des Hlm sont connus

Les organismes Hlm sont-ils "complices" de cela ? Non. Face à la déferlante des indignations, je tiens à rappeler quelques vérités. Les attributions de logements sociaux se font de manières connues. Les commissions d'attributions sont obligatoires et plurielles. Elles associent, collectivités locales, représentants des locataires et du Préfet.

Quant aux plafonds de ressources, de loyers, aux critères de priorité, ils sont fixés par les lois et les décrets. C'est la clé de voûte du logement social "à la française".

Il y a une réalité qui dérange : les revenus des locataires Hlm ne progressent plus, voire même, ils régressent. En vingt ans, le revenu mensuel moyen des locataires Hlm a baissé de 100 euros. Dans une société en crise, il n'y a hélas rien de surprenant à un tel constat, encore faut-il avoir le courage de le dire.

Heureusement, ces données sont des moyennes et les Hlm accompagnent quotidiennement des parcours résidentiels. Tous les ans, plus de 400.000 locataires Hlm quittent leur logement pour accéder à la propriété, parfois en accession sociale sécurisée par le Mouvement Hlm, ou pour louer ailleurs.

Certaines situations sont abusives

Pour ce qui est des locataires dont les revenus progressent et dépassent les plafonds, la loi est très précise : d'abord, on leur applique un "surloyer de solidarité", puis, si leurs revenus atteignent le double du plafond, ils sont dans l'obligation de quitter leur logement.

Ces dispositions sont issues de la loi "Boutin" de 2009, qui laissait cinq années pleines aux locataires visés pour quitter leur logement.

Par ailleurs, j'ai proposé, en novembre dernier, au Premier ministre et à la ministre du Logement, une série de mesures pour en réduire le délai, le seuil de déclenchement et en durcir la mise en œuvre, notamment lors de situations abusives et intolérables : sous-location, double-résidence…

Des revenus supérieurs au plafond ?

Le rapport de la Cour des comptes nous révèle que 47% des locataires Hlm en Ile-de-France auraient des revenus supérieurs à 60% du plafond. Je félicite la Cour, mais faut-il rappeler que si le plafond est à 2 mètres, il n'est pas à 1 mètre 20.

Revenons au "scoop" des Sages de la rue Cambon. Concrètement, parlons d'un couple avec deux enfants qui est au-dessus de 60% du plafond. Imaginez : une famille de quatre personnes qui a des revenus supérieurs à 2.704 euros par mois. À l'évidence, une fortune pour la Cour des comptes !

Je leur suggère de "tester" une agence immobilière parisienne avec ce dossier et de nous dire comment cette famille pourrait se loger si on lui ôtait le droit à un logement social.

Ne pas monter les locataires les uns contre les autres

Oui, nous manquons de logements en Ile-de-France pour répondre à des dizaines de milliers de salariés, de retraités, de jeunes débutants dans la vie qui veulent se loger correctement, à un prix accessible.

Mais je suis un responsable, et je ne leur dirai pas que la solution se trouve dans l'éviction d'autres familles qui auraient autant de peine à se loger qu'eux. La question n'est pas de monter des locataires Hlm les uns contre les autres. Nous défendons la mixité et la diversité des familles accueillies.

Des erreurs stratégiques ont été commises il y a plus de 20 ans, sur le développement de l'Ile-de-France : la sur-localisation d'activités à l'Ouest, les sous-investissements sur le réseau des transports collectifs, ont conduit à cet engorgement, on peut même dire, sans second degré, à "cette asphyxie".

Oui, il faut développer une offre de logements sociaux bien localisée, accessible. L'État et les maires doivent se mobiliser pour soutenir les organismes Hlm qui veulent construire et qui sont empêchés par des tracasseries administratives quand ce n'est pas des oppositions fermes.

Respecter les familles qui habitent en Hlm

À force de considérer les choses partiellement – et je n'oserai dire partialement – la haute administration caricature une situation complexe. Le mérite de cette affaire, c'est qu'elle démontre par l'absurde qu'une politique ne saurait se réduire à un audit.

Au contraire, il me semble que notre pays a besoin d'idées, d'impulsion, mais également de respect. Respect pour les familles qui habitent en Hlm et qui, selon les saisons médiatiques, sont soit coupables d'être trop riches, soit coupables d'être trop pauvres. Respect également pour les acteurs du logement social, bénévoles, salariés, politiques, qui ont fait de cette idée une des forces de notre pays.

Donnons-leur la liberté d'agir en responsabilité.

Jean-Louis DumontPrésident de l'Union sociale pour l'habitat

Cette tribune a été préalablement publiée sur le Plus de l'Obs.

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