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Thème de la publication
Histoire du logement social
Date de publication :

04 avril 2012

« Bidon, Bidon, Bidonville »

A l'occasion de la sortie du livre en bandes dessinées « Demain, demain », qui a pour cadre le plus grand bidonville de Nanterre : « La Folie » et retrace avec précision la vie dans un bidonville de la région parisienne au cours des années 1960, retour sur les « années bidonvilles ».

Regarde là, ma ville.
Elle s'appelle Bidon,
Bidon, Bidon, Bidonville.
Vivre là-dedans, c'est coton.
Les filles qui ont la peau douce
La vendent pour manger.
Dans les chambres, l'herbe pousse.
Pour y dormir, faut se pousser.
Les gosses jouent, mais le ballon,
C'est une boîte de sardines, Bidon.

Claude Nougaro

Le terme « bidonville » est apparu à Casablanca, au Maroc, à proximité de la centrale thermique de Roches Noires, dans les années 1930, afin de désigner un habitat spontané, fait de bric et de broc. Son usage, dans la langue française, date des années 1950. Avant la guerre, on l'appelle autour de Paris « la Zone », et en province, le plus souvent, il est désigné par des noms exotiques comme le « Petit Tonkin » ou le « Maroc ».

Les lois d'expropriation des années 1960

Après-guerre, les bidonvilles se multiplient à la périphérie des grandes villes. Si leur existence est reconnue du bout des lèvres, dès le début des années 1950, en 1964, le nombre de personnes vivant en bidonville, nettement sous-évalué, est estimé par les pouvoirs publics à plus de 75 000 personnes.

La loi du 14 décembre 1964, dite loi Debré, autorise les communes à exproprier les terrains sur lesquels ils sont installés, afin de les aménager pour construire des logements. Un relogement durable ou provisoire doit être proposé aux habitants. Cette loi sera complétée par la loi du 12 juillet 1966 qui permet à l'Etat et à ses établissements publics de procéder, par procédure accélérée, à l'expropriation des bidonvilles pour y construire des logements sociaux et de l'habitat provisoire. L'Etat se dote d'outils spécifiques : cinq sociétés d'Hlm, les « Logis », filiales de la Sonacotra, société d'Etat pour le logement des immigrés. Ils auront pour mission première la construction de cités d'habitation sur le site même du bidonville.

Des bidonvilles de plus en plus surpeuplés

En 1966, trois régions - l'Ile-de-France, le Nord Pas de Calais et la Provence - accueillent alors 90 % des habitants des 255 bidonvilles recensés qui abritent dans des conditions désastreuses plus de 75 000 personnes. Huit communes hébergent à elles seules les deux tiers de cette population. Les plus importants bidonvilles sont Champigny-sur-Marne, avec 15 000 personnes, et Nanterre qui en comporte 10 000. Majoritairement de nationalité étrangère – 42 %  d'originaires du Maghreb, 21 % de Portugais, 6 % d'Espagnols - un habitant sur cinq y est Français. Le bidonville de Noisy-le-Grand est, lui, composé à 80% de Français.

En 1970, 45 000 personnes habitent toujours dans des bidonvilles dont le nombre a fortement chuté. Mais dans ceux qui restent, les conditions de vie s'aggravent et la proportion des familles avec enfants augmente de 20 % entre 1966 et 1970. Ils sont très difficiles à traiter car de plus en plus surpeuplés.

(Photo ci-contre : Le bidonville de Nanterre à deux pas du Centre des nouvelles industries et technologies plus connu sous le nom de CNIT, symbole de la modernité, bâti entre 1956 et 1958 par trois prix de Rome : Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zehrfuss. © Jean Pottier)

Vers les cités de transit

Lorsque le 12 février 1970, le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas entreprend une visite de plusieurs heures dans le bidonville d'Aubervilliers, il constate « des conditions d'existence insupportables et pourtant elles sont supportées par ceux qui les subissent (...) ». Des cités de transit sont créées pour résorber en partie les bidonvilles. Elles sont destinées théoriquement « aux seules familles présentant des difficultés d'insertion » et dont le séjour ne devait pas dépasser deux ans. Elles se sont multipliées dès 1967 au rythme de 3 000 logements par an. En cinq ans, les bidonvilles ont quasiment disparus, mais les logements de transition auront la vie dure. Le dernier grand bidonville «La Digue des Français» à Nice, de plus de 2 000 âmes, est rasé en 1976.

Patrick Kamoun, conseiller à l'Union sociale pour l'habitat.

« Demain, demain », Laurent Maffre et Monique Hervo - Editions Actes Sud BD/Arte Editions, 140 pages, 23 euros.

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