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Date de publication :

08 mars 2017

Le droit au maintien dans les lieux, un acquis de société civilisée

La publication du récent rapport de la Cour des comptes consacré à la question de l'accueil des personnes les plus défavorisées par les Hlm a de nouveau focalisé l'attention des médias sur la question de l'occupation des logements sociaux. La Cour propose la mise en place, en zone de marché tendu, du bail à durée limitée en lieu et place du bail à durée indéterminée et un abaissement des plafonds de ressources. Elle propose également de réserver les immeubles dont les loyers sont les moins chers aux seules personnes à très faibles ressources. Ces questions sont posées alors que, depuis dix ans, les phénomènes de pauvreté et de précarité se sont considérablement accrus dans notre pays.

Ces propositions constituent-elles la bonne réponse ? Le Mouvement Hlm ne le pense pas et cette position est issue de l'expérience sociale des organismes construite depuis des dizaines d'années. Nous voyons également ce que sont devenus des ensembles désormais classés quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le Mouvement Hlm est attaché à deux principes qui définissent notre modèle du logement social :

  • Le premier est celui de la mixité d'occupation sous plafonds de ressources. Attribuer les logements dont les loyers sont les plus bas aux seules personnes dont les ressources sont très faibles reviendrait à créer des ghettos sociaux, à marquer des immeubles dans la ville, à stigmatiser des populations. "Ici ne logent que des pauvres".
  • Le second principe est celui du bail à durée indéterminée, du droit au maintien dans les lieux. Ce n'est pas là un acquis corporatiste mais un acquis de société civilisée. Passer au bail à durée limitée reviendrait à accroître la précarité des plus fragiles dans le but de faire entrer les plus pauvres en faisant sortir du logement social ceux qui sont moins pauvres qu'eux. D'ores et déjà, sur les 450 000 attributions que font les organismes chaque année, la moitié se fait à des personnes dont les ressources se situent sous le seuil de pauvreté. Dans les zones de marché très tendues (car c'est là que la question peut se poser : métropole du grand Paris, et de manière complémentaire quelques zones frontalières de l'est de la France, une partie du littoral méditerranéen, le cœur de quelques grandes métropoles), il faut mettre en œuvre les bonnes réponses : produire plus de logement social, en particulier dans les villes où il n'y en a pas ou trop peu, assurer la continuité de l'offre en termes de loyers. A l'inverse des Hlm, les investisseurs locatifs privés, qui bénéficient d'aides publiques quasiment égales à celles des Hlm et qui devraient respecter (les trois quarts ne le font pas) des loyers plafonds de loyers et des plafonds de ressources, ne sont pas contrôlés. La Cour écrit elle-même : "La sortie des ménages vers le parc privé (locatif ou accession) suppose que le marché local propose des logements abordables pour les locataires concernés, ce qui nécessite de mobiliser l'ensemble des outils de la politique locale du logement."

Demeure la question du maintien ou non dans leur logement social des personnes qui dépassent, parce que leurs revenus ont évolué depuis leur entrée dans les lieux, les plafonds de ressources. La réponse théorique (mais traduite opérationnellement dans le droit actuel tel que l'a adopté le législateur d'une manière qui paraît de moins en moins convenir) repose sur le surloyer de solidarité. Les ressources dépassant peu à peu le plafond, le loyer, avec le surloyer, va progresser au point d'amener l'occupant, lorsque ses ressources atteindront un certain niveau, à quitter les lieux.

Pourtant l'idée du surloyer (SLS) est une bonne idée. Parce qu'elle permet, en effet sur le principe, là où l'écart de loyer est d'un à trois (à Paris et en première couronne par exemple) un traitement de la situation des personnes sans effet de seuil brutal. Un traitement "humain" des situations personnelles est également nécessaire (personnes âgées, personnes qui partent à la retraite prochainement et vont voir leurs revenus chuter…)

Mais on voit bien qu'un décalage existe aujourd'hui entre ce que le droit permet et ce que la société admet. Cette question, qui ne se pose dans les faits que dans les zones de marché très tendues, est mal réglée. Le traitement de la question des dépassements du plafond de ressources par le gouvernement et par le législateur ne cesse d'être hésitant depuis des dizaines d'années. Certes, un barème du surloyer existe, mais il s'applique au-delà de 20% de dépassement du plafond de ressources et il est possible pour les collectivités locales d'y déroger ou de l'adapter. Comment justifier également que ce soit quand les revenus atteignent 150% du plafond des logements PLS, c'est-à-dire pas loin de 10000 euros par mois pour un couple avec 2 enfants sur la métropole du grand Paris, qu'on doive quitter son logement social ?

Ces situations sont évidemment extrêmement minoritaires mais elles portent une valeur symbolique puissante. Le pays exprime aujourd'hui comme jamais une attente d'exemplarité. A l'égard de ses élites, de ses dirigeants et des grandes institutions.

La réalité de l'effet et la lisibilité du SLS passeront par une remise à plat globale de ses coefficients de calculs. Ne doutant pas des fondamentaux de notre modèle et pour pouvoir les préserver, nous devons être en mesure de traiter le sujet. Faute de quoi on continuera d'alimenter les positions les plus démagogiques et les plus populistes qui visent à opposer les plus pauvres aux moins pauvres qu'eux.

Frédéric PaulDélégué général de l'Union sociale pour l'habitat

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