Actualités

Numéro

Actualités Habitat n°1151

Paru dans

SEPTEMBRE 2021

Actualités Habitat n°1151

Date de publication :

23 septembre 2021

Auteur(s) :

BARBARA FOURCADE , FABIEN ELIE , GAËLLE LECOUËDIC , PASCALE LOISEAUX , MATHILDE LABROT , LÉA GASNIER

Neuf questions/réponses dans l'air du temps juridique

Les articles juridiques publiés tout au long de l’année dans Actualités Habitat sont rédigés par l’équipe de juristes de l’USH. Ils choisissent les sujets en fonction de l’actualité législative et réglementaire, mais aussi de la récurrence des questions qui leur sont posées par les organismes Hlm. À l’occasion du Congrès de Bordeaux, où ils tiendront une permanence, nous leur avons demandé de partager leur expertise au travers 9 questions/réponses dans l’air du temps, que des organismes ont déjà posées ou se poseront bientôt.

GESTION LOCATIVE - ACQUISITION DE PATRIMOINE

Quel est le sort des baux privés lors du rachat de leur immeuble par un organisme Hlm ?

Solution retenue par la Cour de cassation : dès que le bail privé vient à se renouveler, il est soumis aux dispositions relatives à la législation Hlm.

Un bailleur social peut être amené à acheter un immeuble occupé et ne pas le conventionner immédiatement pour différentes raisons. Les locataires en place au moment de l’acquisition sont titulaires d’un bail soumis exclusivement à la loi du 6 juillet 1989. Dès lors, comment un organisme Hlm doit-il gérer ces contrats ? Le contrat de location initial continue-t-il de s’appliquer ou le régime Hlm a-t-il vocation à s’appliquer ?

Un arrêt rendu par la Cour de cassation (Cass. 28 mai 2020, 19-14.090) est enfin venu trancher cette question qui a longtemps fait débat. En l’espèce, un bailleur social a acquis un immeuble privé en 2001 grâce à un prêt locatif intermédiaire. En 2007, les locataires et le bailleur ont signé un bail intitulé “contrat de location d’un logement PLI”. La question à trancher du litige portait sur l’application de certaines dispositions de la loi de 1989 (notamment l’article 10 et l’article 15 - congé délivré par le bailleur), dès lors que le logement est devenu propriété d’un bailleur social. L’arrêt est clair, dès qu’il est renouvelé, le bail est soumis aux dispositions de l’article 40 : “Les baux reconduits étant de nouveaux baux, ceux-ci ne peuvent, lors de leur reconduction, demeurer régis par les dispositions de droit commun des baux d’habitation auxquelles ils étaient initialement soumis”. Ainsi, dès la reconduction du bail, les dispositions de l’article 40-I de la loi du 6 juillet 1989 applicables aux logements non conventionnés appartenant à un organisme Hlm s’appliquent. On notera que la Cour précise que la solution est la même que les locataires aient ou non signé un bail avec l’organisme Hlm suite à l’acquisition de leur immeuble.

On peut en déduire que les dispositions du CCH s’appliquent également, et notamment celles sur le SLS (Supplément de loyer de solidarité). Le locataire est enquêté au 1er janvier qui suit la reconduction de son bail intervenant après le rachat de l’immeuble par l’OLS. À noter toutefois que le champ d’application du SLS sur les logements non conventionnés est relativement restreint (voir le tableau page 16 du guide SLS 2021). Les dispositions relatives aux augmentations de loyer annuelles s’appliqueront également (L. 442-1 du CCH).

Le bailleur social en question a eu à gérer plusieurs contentieux du même type dans le cadre de cette acquisition d’immeuble. Suite à un arrêt rendu en février 2021, une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée : “L’article 10 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 duquel il résulte, selon l’interprétation qu’en a faite la Cour de cassation dans ses arrêts du 28 mai 2020, qu’au cas de baux du secteur privé marché libre soumis à la législation de droit commun, en cours lors de l’acquisition des logements par un organisme Hlm, les baux reconduits étant de nouveaux baux, ceux-ci ne peuvent, lors de leur reconduction tacite, demeurer régis par les dispositions de droit commun des baux d’habitation auxquelles ils étaient initialement soumis, mais doivent relever de la législation Hlm, institue-t-il une atteinte grave et injustifiée à la législation applicable, au droit des contrats et à la libre volonté des parties et méconnaît-il en conséquence les principes constitutionnels ou de valeur constitutionnelle de liberté contractuelle, de droit au respect des contrats en cours, de droit au maintien des droits acquis et des situations nés de contrats légalement conclus, de sécurité juridique, de clarté et d’intelligibilité de la loi et de droit au respect de la confiance et de l’attente légitime, tels qu’ils sont garantis par les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?”.

La Cour de cassation (Chambre civile 3, 8 juillet 2021, 21-11.231) a jugé cette question prioritaire de constitutionnalité irrecevable au motif que “sous le couvert d’une contestation de la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation constante conférerait à l’article 10 de la loi du 6 juillet 1989, la question posée ne tend en réalité qu’à contester le principe jurisprudentiel selon lequel le contrat de bail reconduit par tacite reconduction constitue un nouveau bail.”

La jurisprudence du 28 mai 2020 est donc confortée.

GESTION LOCATIVE - CHARGES

Quel est le point de départ de la prescription de l’action en remboursement de charges ?

L’action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Ce jour est celui de la régularisation des charges, qui seule permet au preneur de déterminer l’existence d’un indu, et non celui du versement de la provision. La Cour de cassation rappelle ce principe, déjà affirmé, au visa des articles 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et 2224 du Code civil.

La décision de première instance avait limité la restitution de l’indu en fixant comme point de départ de la prescription triennale le paiement de chaque provision.

Cass. 3e civ., 6 mai 2021, n° 20-11.707.

FISCALITÉ - TFPB

Pour le calcul de la TFPB, un immeuble à usage de logement-foyer doit-il être évalué selon la méthode applicable aux locaux à usage d’habitation ou celle applicable aux locaux à usage professionnel ?

Par un arrêt du 25 juin 2021, n° 441377, le Conseil d’État a jugé qu’un immeuble à usage d’EHPAD, appartenant à un organisme Hlm, doit être évalué comme un local professionnel et non comme un local d’habitation.

Pour rappel, la TFPB (de même que certains autres impôts locaux) est calculée sur la base de la valeur locative cadastrale attribuée par l’administration à chaque local, la loi prévoyant des méthodes d’évaluation différentes pour les locaux à usage d’habitation et les locaux à usage professionnel.

La question de la méthode à utiliser pour les EHPAD faisait débat depuis longtemps, particulièrement depuis la révision de l’évaluation des locaux professionnels mise en place par la loi de Finances rectificative pour 2010 (révision dont les résultats ont été utilisés à compter des impositions dues au titre de 2017).

L’arrêt du Conseil d’État tranche la question : l’évaluation doit être faite selon la méthode applicable aux locaux professionnels, le fait que l’EHPAD soit conventionné à l’APL n’étant pas déterminant pour retenir un classement en tant que local à usage d’habitation.

Cette décision peut avoir des conséquences sur le montant de la TFPB due au titre de ces locaux (impact à déterminer au cas par cas en fonction des barèmes d’évaluation qui varient, d’une commune à l’autre, en fonction du marché local).

Le raisonnement retenu est également susceptible de s’appliquer à d’autres logements-foyers (a priori ceux dans lesquels le gestionnaire fournit, en plus de l’hébergement, des services para-hôteliers importants).

L’administration fiscale sera sans doute amenée à apporter prochainement des précisions sur les différentes conséquences que peut avoir cette jurisprudence.

FISCALITÉ - TVA

Quel est le régime de TVA applicable à la refacturation de prestations de services rendues entre organismes Hlm ?

En principe, les prestations de services rendues entre deux entités juridiques sont soumises à la TVA, y compris la mise à disposition de salariés refacturée à prix coutant (taux de 20%).

Toutefois, il existe des exceptions à ce principe permettant une exonération de TVA sur les facturations effectuées entre organismes Hlm, ce qui leur évite ainsi un surcoût de TVA lorsqu’ils ne peuvent pas récupérer la taxe.

Tolérance administrative pour les prestations rendues entre organismes Hlm

Une ancienne tolérance administrative, qui résulte d’une note du 20 juin 1980, permet une exonération de TVA des prestations rendues entre organismes Hlm (OPH, SA d’Hlm, Coopératives Hlm, fondations d’Hlm, sociétés de coordination, sociétés de vente d’Hlm). Dans un courrier du 17 octobre 2019, l’administration fiscale a confirmé la validité de cette tolérance mais en précisant que cette exonération ne s’applique que “pour les prestations de gestion, entendues au sens strict, concernant l’usage et l’entretien du parc locatif ou réalisées dans le cadre de l’accession à la propriété”. Ainsi, cette tolérance a une portée limitée.

Régime de l’article 261 B du CGI

L’article 261 B du CGI prévoit, sous certaines conditions, une exonération de TVA pour les services rendus par les groupements à leurs membres au titre d’opérations exonérées de TVA (BOI-TVA-CHAMP-30-10-40-20210210).

L’application du régime d’exonération de l’article 261 B du CGI, qui suppose notamment qu’aucun des membres du grou- pement concerné n’ait plus de 20% de son chiffre d’affaires soumis à TVA, doit répondre à des conditions strictes (refacturation à l’euro/l’euro, uniquement pour des prestations rendues pour les besoins des opérations exonérées des membres...). L’administration fiscale a toutefois admis certains assouplissements au profit notamment des sociétés de coordination.

À noter : la loi de Finances pour 2021 prévoit que les organismes Hlm ne pourront plus utiliser ce régime à compter de 2023.  

Nouveau régime “groupe TVA’’

La loi de Finances pour 2021 a institué un régime optionnel de “groupe TVA’’ qui pourra s’appliquer à compter de 2023. Ce régime permettra aux membres d’un groupe d’être considérés comme une seule personne au regard de la TVA, ce qui aura pour conséquence de ne pas soumettre à la taxe les opérations internes au groupe.

L’option pour ce régime ne sera possible que lorsque les membres du groupe sont étroitement liés sur le plan financier, économique et organisationnel. Les Sociétés de coordination et leurs membres sont en principe éligibles.

Ce régime supposera toutefois une “intégration’’ assez poussée des membres du groupe puisqu’il se traduira par une déclaration unique de TVA pour l’ensemble des membres.

Des actions sont en cours afin de tenter d’obtenir des pouvoirs publics un aménagement de ces règles d’ici 2023. 

VENTE HLM - VENTE DE LOGEMENTS-FOYERS

Comment est décompté le délai de dix ans lors de la vente d’un logement-foyer ?

L’article L. 443-15-6 (1er alinéa) du CCH dispose que “pour pouvoir être cédé, un logement-foyer doit avoir été construit ou acquis depuis plus de dix ans par l’organisme d’habitations à loyer modéré, sauf lorsque la vente est conclue avec un autre organisme d’habitations à loyer modéré, une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ou avec un organisme sans but lucratif bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu au même article L. 365-2...”

L’article R 443-18 du même code précise que “Le délai de dix ans fixé par le premier alinéa de l’article L. 443-15-6 court à compter de la date de déclaration d’achèvement des travaux prévue à l’article L. 462-1 du Code de l’urbanisme ou à compter de la date de l’acte d’acquisition”.

Par conséquent, il résulte de ces textes que :

- la condition d’ancienneté est attachée à l’organisme Hlm vendeur lors d’une cession d’un logement-foyer, et non pas à l’immeuble ;
- la date d’entrée dans le parc social ne constitue pas nécessairement le point de départ du délai de dix ans ;
- si l’organisme Hlm vendeur est propriétaire depuis moins de dix ans, la durée de détention par un précédent organisme Hlm ne se cumule donc pas avec la sienne, le seul fait que le logement-foyer soit resté dans le parc social depuis sa construction, il y a plus de dix ans, est insuffisant.

Les modalités de la condition d’ancienneté sont donc différentes de celles applicables pour la vente de logements appartenant à un organisme Hlm.

Toutefois, cette condition d’ancienneté ne s’applique pas en cas de vente d’un logement-foyer à un autre organisme Hlm, à une SEM de construction et de gestion de logements sociaux ou à un organisme sans but lucratif bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 du CCH.

VENTE HLM - LOGEMENTS VACANTS

Lors de la vente d’un logement vacant, les locataires de logements non conventionnés d’une SEM agréée sont-ils prioritaires ?

L’article L. 443-11 (III) du CCH vise parmi les acquéreurs prioritaires, au premier rang de l’ordre décroissant de priorité “les locataires de logements appartenant aux bailleurs sociaux disposant de patrimoine dans le département”. Seuls les locataires de logements conventionnés d’une SEM agréée de construction et de gestion de logements sociaux sont prioritaires lors de la vente d’un logement vacant.

Les locataires de logements non conventionnés d’une SEM agréée ne sont donc pas prioritaires, toutefois ils peuvent formuler une offre qui sera classée soit au 1er rang, après les locataires et les gardiens prioritaires, si leurs ressources n’excèdent pas les plafonds de l’accession sociale (LI +11%) ou au 3e rang si leurs ressources sont supérieures à ces mêmes plafonds.

COMMANDE PUBLIQUE

Le recours par les organismes Hlm au marché de conception-réalisation est-il possible dans le cadre d’une opération visant la réalisation de logements locatifs aidés par l’État ?

Oui, les organismes Hlm ont la possibilité de passer un marché de conception-réalisation pour les opérations visant la réalisation de logements locatifs aidés par l’État, sous réserve que cette opération soit mise en œuvre par un organisme Hlm(1).

Le terme “réalisation’’ vise la création et non la réhabilitation de logements locatifs aidés par l’État.

Est-il alors possible pour les organismes Hlm de recourir au marché de conception-réalisation pour les opérations visant la réhabilitation de logements locatifs aidés par l’État ?

Oui, les organismes Hlm peuvent recourir au marché de conception-réalisation pour leurs opérations de réhabilitation de logements locatifs aidés par l’État mais devront alors justifier :

- de motifs d’ordre technique, ou
- d’un engagement contractuel portant sur l’amélioration de l’efficacité énergétique, nécessitant l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage(2).

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Quelles sont, concrètement, les opérations pour lesquelles le recours au marché de conception-réalisation par les organismes Hlm est libre ?

Le recours libre au marché de conception-réalisation par les organismes Hlm est possible dans trois cas :

1. Une opération de construction de logements locatifs aidés par l’État ;
2. Une opération de transformation de bureaux/ commerces/etc. en logements locatifs aidés par l’État ;
3. Une opération non liée à des logements locatifs aidés par l’État, telle qu’une opération en accession(3).

Le tableau récapitulatif ci-dessus cible les cas où le recours par les organismes Hlm au marché de conception-réalisation est libre ou conditionné.

(1) Article L2171-2 al. 3 du Code de la commande publique.
(2) Article L2171-2, al. 2 du Code de la commande publique.
(3) Les opérations non liées à des logements locatifs aidés par l’État ne sont pas soumises aux conditions de recours prévus par l’article L2171-2 du CCP car les organismes Hlm ne sont pas soumis aux dispositions du livre IV du CCP pour ces autres opérations (voir articles L2171-2, al. 2 et L2411-1 du Code de la commande publique).

Contact : Direction juridique et fiscale, USH. Tél. : 01 40 75 78 60. Mél. : ush-djef@union-habitat.org

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1151 DU 15 septembre 2021

Actualités Habitat n°1151

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