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Thème de la publication
Foncier
Numéro

Actualités Habitat n°1202

Paru dans

JANVIER 2024

Actualités Habitat n°1202

Date de publication :

18 janvier 2024

Auteur(s) :

TONINO SERAFINI

Île-de-France : contrainte à la sobriété foncière

Alors que la loi ZAN vise à ralentir le grignotage des espaces naturels, avec un objectif de zéro artificialisation nette des sols à l’horizon de 2050, la région parisienne fait office d’exemple. L’essentiel de la production de foncier est issu de terrains recyclés. Mais la tension sur les prix des parcelles est très forte. Son Établissement public foncier intervient sur ce marché, en anticipant les besoins de terrains destinés notamment au logement abordable.

Pour pointer l’importance du foncier, des acteurs de la construction utilisent une métaphore empruntée au monde de l’industrie. “Le foncier, c’est la matière première du logement”, disent-ils. Sous-entendu : produire des terrains à bâtir est l’acte premier d’une politique du logement, avec des difficultés variables selon les territoires. La région parisienne, les grandes métropoles régionales ou le littoral constituent les secteurs où la tension sur le foncier est assurément la plus forte. Conséquence : les prix se sont considérablement envolés au cours des deux dernières décennies. “En Île-de-France, le foncier représente jusqu’à 50% du prix de la construction d’un immeuble”, a pointé Arnaud Cursente, directeur de cabinet du ministre du Logement, lors d’un colloque(1) organisé début décembre par l’Établissement public foncier d’Île-de-France (Epfif). Selon que l’on est en zone centrale ou en troisième couronne de la région francilienne, la part du terrain à bâtir représente 15% à 50% du coût d’un logement.

 

Concurrence d’usage

Cette tension foncière est due “à la concentration des activités” sur un territoire relativement peu étendu, a analysé en introduction d’une autre table ronde Clara Wolf, économiste spécialiste du logement, directrice des opérations de Datastorm. L’Île-de-France compte pas moins de 12,2 millions d’habitants pour une superficie d’à peine 12 000 km2 (l’équivalent de deux départements de province). Les besoins sont multiples. Il faut du foncier pour réaliser des zones d’activités, des entrepôts, des immeubles de bureaux, des équipements publics, de la voirie, des transports et bien sûr de l’habitat. “Il y a une forte concurrence d’usage du foncier”, a résumé Clara Wolf. Dans ce contexte, le logement accessible peine à tirer son épingle du jeu en raison de la surenchère sur les terrains à bâtir, stoppée depuis un an par la crise de l’immobilier. Pour les bailleurs sociaux, le foncier cher est un défi pour leur modèle économique. Même chose pour l’accession sociale à la propriété. Pour tenter de réguler et de fluidifier autant que faire se peut le prix des terrains, de nombreuses métropoles ou régions sont dotées d’un Établissement public foncier (EPF).

 

Du foncier pour le logement abordable

L’idée est de contrer les logiques de spéculation en anticipant sur les projets d’aménagement de demain. Comme le fait par exemple l’Epfif, qui achète des terrains autour des futures gares du Grand Paris Express. C’est l’un des moyens de produire du foncier destiné notamment au logement. “En Île-de-France, 90% des immeubles d’habitation réalisés cette année sur les fonciers vendus par l’Epfif seront des logements abordables”, a indiqué lors du colloque Gilles Bouvelot, son directeur général. Au total, 7 200 logements ont été produits en Île-de-France en 2022 sur les parcelles qu’il a vendues. La région parisienne n’a pas attendu l’impératif du ZAN pour mordre le moins possible sur les surfaces agricoles, du reste peu nombreuses, et ne pas artificialiser les sols non-encore urbanisés.


Pendant le colloque, Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable au ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, l’un des concepteurs du ZAN, a défendu la réforme, indiquant que “24 000 hectares [d’espaces naturels, agricoles et forestiers, NDLR] sont consommés chaque année en France”, en majorité dans “des territoires peu denses”, a déploré le haut fonctionnaire. Une véritable gabegie. “L’Île-de-France est une région très sobre en foncier par rapport au reste du territoire”, a encore fait observer Jean-Baptiste Butlen. Ce qui démontre que la sobriété foncière est possible. “Le foncier que porte l’Epfif est en très grande majorité du foncier d’occasion”, précise Gilles Bouvelot. “85% des terrains que nous achetons sont déjà bâtis. On y trouve d’anciennes usines, d’anciens ateliers, des entrepôts désaffectés, des locaux d’activité désuets, des parkings, ou encore de l’habitat individuel dispersé”, explique-t-il. D’ailleurs, les évolutions des modes de consommation et du commerce font émerger de nouvelles ressources foncières dans les grandes agglomérations. “Les collectivités travaillent beaucoup sur leurs entrées de villes”, a relevé Richard Curnier, directeur régional Île-de-France de la Caisse des dépôts. Allusion à ces zones commerciales faites de parkings et de grandes surfaces type “boîtes à chaussures”, “qui ne correspondent plus aux attentes des consommateurs. On peut rationaliser tout cela”, a-t-il pointé. Des zones qualifiées de “gisements fonciers” par Jean-Baptiste Butlen.

 

(1) Foncier et territoires : comment sortir de la crise du logement ?, colloque du 8 décembre 2023, organisé à Paris par l’Epfif.

“Après les friches industrielles et ses entrepôts désaffectés, les entrées de ville constituent de nouveaux gisements fonciers.”

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1202 DU 15 janvier 2024

Actualités Habitat n°1202

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