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Thème de la publication
Précarité énergétique
Numéro

Actualités Habitat n°1174

Paru dans

SEPTEMBRE 2022

Actualités Habitat n°1174

Date de publication :

30 septembre 2022

Auteur(s) :

VALÉRIE LIQUET

Focus Énergie : Interview de Nicolas Prudhomme (Directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales, USH)

Au lendemain des décisions prises par le gouvernement pour contenir les impacts de la crise énergétique sur les ménages, éclairage de Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales à l’USH.

Élisabeth Borne a annoncé le 14 septembre la reconduction pour l’hiver 2023 du bouclier tarifaire et la mise en place d’un chèque énergie exceptionnel de 100 à 200 euros en fonction des revenus des ménages. Est-ce suffisant pour contenir les impacts de la crise sur les locataires Hlm ?

Dans un contexte de hausse importante des prix du gaz et de l’électricité, ces annonces étaient très attendues du Mouvement Hlm. La reconduction pour l’hiver 2023 du bouclier tarifaire, mis en place de manière rétroactive à l’automne 2021, l’était tout particulièrement. Ses effets limiteront notablement l’augmentation des tarifs de l’énergie, qui auraient sinon été multipliés par 2,2 environ au début de l’année 2023. Le gouvernement estime que l’augmentation mensuelle de la facture, pour un ménage, sera contenue à 25 euros pour ceux chauffés au gaz, et à 20 euros pour ceux recourant à l’électricité : ces augmentations de dépenses apparaissent bien inférieures à celles constatées dans les autres pays européens ; malgré tout, elles risquent de mettre à rude épreuve un certain nombre de nos locataires en situation précaire. Il semble acquis, à ce stade, que le niveau de protection soit malheureusement abaissé, provoquant une augmentation supportée par l’utilisateur final de 15%.

La mise en place du chèque énergie exceptionnel concernerait près de 12 millions de foyers. Ce dispositif est clairement nécessaire, mais risque malheureusement d’être trop large dans son ciblage, là où il aurait mérité d’être plus spécifique et plus ambitieux.

Parallèlement, nous pourrions souhaiter que le dispositif de bouclier tarifaire couvre bien l’exhaustivité des situations rencontrées, comme, notamment, le chauffage collectif électrique, la géothermie (qui nécessite un appoint électrique), et le chauffage GPL, pour ne pas laisser certains locataires exclus de cette protection.

Quelles sont les demandes exprimées par l’USH au gouvernement ?

L’USH a appelé le gouvernement à la mise en œuvre rapide de mesures fortes pour la maîtrise du coût global de l’énergie et de la protection des utilisateurs. Et notamment : la baisse significative de la fiscalité sur le gaz ; la poursuite du “bouclier tarifaire” et du dispositif d’aide ; la mise en place d’un dispositif équivalent pour le cas du chauffage collectif électrique et du chauffage au GPL ; la capacité pour les OLS à revenir au tarif réglementé de vente (TRV) de l’électricité pour l’approvisionnement de leurs parties communes ; une revalorisation forte du chèque énergie ; la revalorisation plus dynamique que l’inflation du forfait “charges” des APL.

Comment le secteur Hlm appréhende-t-il la période à venir ?

Le secteur Hlm reste très vigilant et plutôt inquiet de la situation, notamment si elle était amenée à durer. Les effets des hausses récentes commencent d’ores et déjà à se faire sentir pour bon nombre de bailleurs, qui observent que certains locataires rencontrent des difficultés à honorer leurs quittances.

Il nous faut bien comprendre que cette période, à très court terme, concerne des actions de sobriété, qui ne sont en rien comparables avec celles de la décence. Là où la sortie de l’indécence (c’est-à-dire la suppression des passoires énergétiques marquées par des étiquettes de diagnostic de performance énergétique de niveau E, F, G) doit intervenir avant 2034, nous laissant la possibilité de planifier des travaux d’amélioration de la qualité intrinsèque des logements, le court horizon temporel de la crise actuelle nous oblige à penser des solutions autres.

Nous avons la chance, il faut le rappeler, de disposer d’un parc social dont la performance énergétique est en moyenne meilleure que celle du parc privé. Le parc Hlm contient en effet 2,5 fois moins de passoires énergétiques (F et G) que le parc privé. Mais de nombreux efforts restent encore à faire. Au regard du très court horizon temporel, le secteur Hlm ne peut que rechercher des solutions rapides à mettre en œuvre, en ciblant une exploitation performante de ses installations de chauffage (pilotage et contrôle des contrats d’exploitation) et l’amélioration d’équipements obsolètes fortement consommateurs d’énergie ou provoquant des pics de consommation par de forts appels de puissance ponctuels, comme certains ascenseurs. Des dispositions mineures, consistant notamment à vérifier que les éclairages des parties communes ont tous bien migré vers des équipements LED, contrôlés par “radar de présence”, sont également à l’ordre du jour.

Tous les jours, nous avons des témoignages d’organismes de logement social qui se mobilisent pour sensibiliser les locataires à cette situation que l’on souhaite exceptionnelle, et qui déploient des actions permettant de réduire au maximum la consommation énergétique de leur patrimoine.

Les autres actions relèvent surtout des usages, et se traduisent par un accompagnement pédagogique et informatif des locataires.

Comment l’USH travaille-t-elle avec les fournisseurs d’énergie pour diffuser les informations aux locataires ?

Par ses fonctions, l’USH ne négocie pas directement l’achat d’énergie auprès des fournisseurs, fonction qui relève des attributions des organismes de logement social. En pratique, l’Union assure un recensement et une coordination des attentes et difficultés rencontrées par chacun des organismes de logement social, afin de nourrir une discussion avec les pouvoirs publics et les fédérations professionnelles des métiers de l’énergie. L’USH accompagne ainsi ses adhérents dans le partage de l’information et l’animation, favorisant la montée en compétences des acteurs. À cette fin, nous avons lancé tout récemment une étude sur les bonnes pratiques de l’achat d’énergie dont le but est à la fois de faire un état des lieux des pratiques des organismes, d’apporter des éléments de compréhension sur le marché des énergies gaz et électricité, et enfin, au travers de témoignages opérationnels de bailleurs, d’identifier et diffuser les différentes solutions à dispositions des organismes pour contractualiser, et sécuriser, leurs approvisionnements d’énergie.

 

“Cette période, à très court terme, concerne des actions de sobriété, qui ne sont en rien comparables avec celles de la décence.”

 

Le parc social est-il engagé dans une politique de sobriété énergétique ?

L’USH, par la voix de sa présidente, a rappelé l’implication et la mobilisation du Mouvement Hlm quant à la mise en œuvre de mesures destinées à aider les pouvoirs publics et les citoyens dans cette situation de crise, afin de concourir à l’effort national. Nous faisons ainsi écho au discours d’Élisabeth Borne sur le lancement d’une campagne de communication, à compter du 10 octobre, pour promouvoir la sobriété énergétique dans les gestes du quotidien. Les objectifs du gouvernement, partagés avec les autres pays membres de l’Union européenne, visent à atteindre une baisse de 10% de consommation d’ici 2 ans, à partir de la référence de 2019. Ce travail a été initié avant l’été avec le ministère de la Transition écologique, à la demande d’Agnès Pannier-Runacher, afin de mieux gérer les très fortes tensions qui pèsent sur les réseaux énergétiques. En effet, au-delà de la situation gravissime que connaît l’Ukraine et de ses conséquences sur la fourniture de l’Europe en gaz fossile, les difficultés rencontrées par le secteur nucléaire sur l’entretien des centrales sont venues complexifier et accentuer une situation de crise déjà exceptionnelle. Comme je l’évoquais précédemment, il est bien question de sobriété énergétique ici, pour gérer au mieux une situation exceptionnelle, dont le comportement et l’usage des utilisateurs sont un levier majeur d’action. Au-delà des actions structurelles que peuvent mener les bailleurs, le comportement et l’adhésion de chacun à des gestes de bon sens au quotidien sont essentiels.

Alors qu’il est difficile de maintenir un effort permanent et constant, il est aussi utile d’envisager des actions ponctuelles, bien ciblées, qui permettent à un instant donné de faire baisser une tension anormale du réseau. L’USH sera donc signataire de chartes avec les deux principaux transporteurs d’énergie, RTE et GRTgaz, ce qui permettra aux organismes d’intégrer une chaîne d’alerte. En cas de difficultés majeures annoncées par les systèmes Ecowatt et Ecogaz, les organismes pourront ainsi cibler des actions et organiser une réaction rapide pour tenter de contenir de trop fortes tensions qui pourraient peser sur les réseaux d’énergie. L’organisation de la veille sera complétée par un kit de communication, qui s’appuiera sur des éléments de discours gouvernemental, à déployer par les bailleurs auprès des habitants, afin de les inciter à décaler les appels de puissance importants sur des périodes cruciales de la journée (pointe du matin et du soir).

Ces modalités feront l’objet prochainement d’un webinaire de l’USH, à destination des organismes. Elles se prolongeront par un groupe de travail adapté, pour favoriser l’émergence de bonnes solutions et leur essaimage.

Nous espérons ainsi que les organismes se trouvent mieux armés pour accompagner les locataires dans un effort spécifique et efficace. La solidarité des locataires du logement social pourra ainsi concourir à éviter des situations de crise extrême, comme les coupures ponctuelles ou les délestages.

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1174 DU 30 septembre 2022

Actualités Habitat n°1174

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