Actualités

Thème de la publication
Urbanisme
Numéro

Actualités Habitat n°1078

Paru dans

MAI 2018

Actualités Habitat n°1078

Date de publication :

15 mai 2018

Auteur(s) :

CÉLINE CHABOT

L’urbanisme transitoire : une réponse à de nouveaux usages

Si l’on constate aujourd’hui un fort engouement pour la mise en œuvre de projets temporaires et éphémères liés à des événements culturels, festifs ou à l’organisation d’hébergement d’urgence, se pose la question d’une nouvelle façon de construire la ville sans nécessairement tenir compte d’un usage définitif et figé à l’origine mais en intégrant, dès la conception, les possibilités d’assurer sa réversibilité en fonction des usages futurs. Retour sur les règles à respecter.

Les projets d’urbanisme transitoire ou d’habitat temporaire se sont multipliés ces dernières années dans les grandes agglomérations jusqu’à faire émerger une véritable ingénierie technique et opérationnelle, venant réinterroger l’encadrement juridique et réglementaire de tels dispositifs.

Un phénomène en plein essor…

Fait émergent au sein des grandes agglomérations, l’urbanisme et l’habitat temporaires consistent à développer des projets d’aménagement, d’urbanisme et d’habitat suscitant innovation, créativité, et souvent mixité des usages. L’essence même de ce type de projets tient à son caractère temporaire puisque les constructions ou aménagements devront être démontés pour laisser la place aux projet définitif. D’autant plus prisées, ces exploitations temporaires et transitoires sont une opportunité, pour le propriétaire, d’accompagner le projet final à la fois dans l’initiation d’un dynamique de quartier en pleine mutation, tout en faisant obstacle aux occupations illicites et en permettant éventuellement une valorisation financière des biens immobiliser mis à disposition temporairement.

…qui vient bousculer l’urbanisme planificateur et réglementaire

Le caractère temporaire, transitoire, réversible des constructions, des aménagements urbains vient bousculer la manière dont l’urbanisme et l’habitat ont été conçus. En effet, l’urbanisme français repose sur un modèle de planification qui a vocation à figer les destinations et les usages des espaces. Il s’est également fondé sur un modèle fonctionnel cherchant à séparer les quatre fonctions constitutives de la ville que sont l’habitat, la production, les commerces et les loisirs, dans un souci de réponse à l’industrialisation croissante des années 70 et d’une urbanisation rapide et peu économe des espaces naturels. Le droit de l’urbanisme s’est ainsi construit sur les principes de la planification de la loi d’orientation foncière de 1967, sur la hiérarchie des normes d’urbanisme, sur les destinations en principe figées dans le temps, sur l’encadrement et le strict contrôle du changement d’usage des locaux par l’administration, etc.

Il est acquis aujourd’hui que cette conception de l’urbanisme est largement dépassée et qu’il faut repenser la ville autrement, privilégiant une mixité fonctionnelle et sociale des espaces. Devant ces transformations nécessaires, de nouvelles politiques urbaines sont renouvelées autour du concept de ville durable, lequel contraste avec l’idée d’une ville figée dans ces espaces, ces fonctions et ces mobilités. Ainsi nous réorientons-nous vers une ville changeante et réversible en lien permanent avec les évolutions sociales et sociétales.

Montage immobilier à vocation temporaire : quels outils juridiques mobiliser ?

Le montage immobilier d’une opération temporaire repose sur un système partenarial tissé entre un opérateur privé, porteur du ou des projet(s), le propriétaire public ou privé du terrain ou des locaux, et éventuellement une collectivité territoriale. Bien que temporaires, ces projets mobilisent les outils juridiques classiques des opérations immobilières.

L’occupation temporaire du terrain ou des locaux : négociation, partenariat et contrat

  • Le terrain appartient au domaine public d’une collectivité ou d’un établissement public

Pour une collectivité ou un établissement public (y compris un OPH), il est possible de mettre à disposition d’un tiers n’importe quel bien issu de son patrimoine immobilier, même ceux relevant de son domaine public. Toutefois, en pareille situation, l’autorisation d’occupation sera nécessairement précaire et temporaire en raison du caractère inaliénable et imprescriptible du domaine public.

Cette autorisation d’occupation temporaire (AOT) peut être délivrée par la collectivité ou l’établissement public à l’opérateur désigné, dans la mesure où l’activité envisagée demeure compatible avec l’affectation domaniale. La délivrance d’une telle autorisation devra être précédée, depuis l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, de mesures de publicité et de mise en concurrence si l’occupation vise une activité économique. L’AOT peut être soumise au versement d’une redevance ou être gratuite si le projet concourt à la satisfaction d’un intérêt général. L’AOT est précaire et révocable dans les conditions prévues au contrat, le titulaire ne disposant d’aucun droit à renouvellement ou à maintien. Toutefois, elle peut être constitutive de droits réels, ce qui permet d’accompagner des projets nécessitant la construction d’ouvrages ou des travaux importants. Pendant la durée de la convention, le titulaire dispose de prérogatives et obligations du propriétaire (possibilité d’avoir recours à l’hypothèque pour garantir les emprunts). À l’issue, les constructions ou ouvrages réalisés par le titulaire doivent être démolis, sauf à ce que la convention ait initialement prévu leur maintien.

  • Le terrain relève du domaine privé de la collectivité ou de l’établissement public

La mise à disposition temporaire pourra se contractualiser avec un bail dérogatoire qui ne peut excéder trois ans (article L. 145-5 du Code de commerce), une convention d’occupation précaire (article L. 145-5-1 du Code de commerce) ou un prêt à usage par nature gratuit sauf entretien (article 1875 et suivant du Code civil). L’utilisation n’est plus limitée par l’accomplissement d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général.

Dans ce contexte, les organismes Hlm sont amenés à mettre à disposition des biens de leur patrimoine pour la mise en œuvre de projets temporaires. L’ensemble des outils juridiques est relativement souple laissant une large part à des éléments de négociations et de partenariats (durée, montant, sort des biens, etc.). Toutefois, pour des projets d’hébergement d’urgence, il est conseillé à l’organisme Hlm de ne contractualiser la mise à disposition qu’avec l’opérateur ou l’association qui les porte, ce qui sécurise le montage en excluant tout lien juridique avec les futurs occupants.

Quelles règles d’urbanisme pour les projets de construction temporaire ?

Bien que temporaires et démontables, les constructions ou ouvrages projetés doivent tout de même faire l’objet d’une autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration préalable). Ces projets ne bénéficient d’aucune règle d’urbanisme spécifique ni même de régime dérogatoire et devront être conformes au règlement du plan local d’urbanisme (PLU) ou, à défaut, au règlement national d’urbanisme, lequel fait obstacle à toute construction en dehors des parties déjà urbanisées. Le PLU demeure un document de planification relativement figé auquel les projets temporaires doivent s’adapter. On constate tout de même une évolution au service de la réversibilité et de la transformation des immeubles existants avec la possibilité de déroger à certaines règles du PLU (densité et stationnement) pour inciter à la transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, "dans la limite du gabarit de l’immeuble existant" (article L. 152-6 3° du Code de l’urbanisme : disposition introduite par l’ordonnance n° 2013-889 du 3 octobre 2013 relative au développement de la construction de logement). En pratique, ces dérogations sont difficiles à mettre en œuvre. La demande de dérogation devra être justifiée et la décision du maire devra être motivée (arrêté de PC), ouvrant des possibilités de recours contentieux et fragilisant ainsi le permis accordé et l’ensemble du montage immobilier.

Autorisations d’urbanisme : quelles formalités à accomplir ?

  • Constructions nouvelles

Le caractère temporaire, transitoire et non pérenne des constructions projetées n’exclut pas pour autant l’obtention d’autorisations d’urbanisme ni même le respect des règles et des normes en matière de sécurité et d’accessibilité.

En règle générale, les travaux et construction d’une certaine ampleur seront soumis à permis de construire ou d’aménager. Si l’emprise au sol ou la surface de plancher est comprise entre 5 et 20 m2, avec une hauteur inférieure ou égale à 12 m, une déclaration préalable suffira. Une facilité est prévue pour les construction liées à une manifestation culturelle, commerciale, touristique ou sportive, les constructions nécessaires au relogement d’urgence pour lesquelles aucune autorisation n’est requise pourvu que la durée d’installation n’excède pas trois mois (article R. 421-5 du Code de l’urbanisme).

C’est à l’opérateur, titulaire d’une AOT, d’une COP, d’un prêt à usage de déposer le dossier de demande de PC ou de DP. Il en assume les charges et les responsabilités qui en découlent.

  • Des locaux existants à transformer

Il s’agit de mettre à disposition des locaux bâtis pour un usage temporaire. Cette mise à disposition peut induire un changement d’usage si la destination du bâtiment n’est pas compatible avec l’usage même temporaire. L’usage d’un bâtiment, bien que déterminé par le propriétaire ou l’opérateur, n’est pas libre et doit être contrôlé par l’administration à l’occasion d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable.

À titre d’exemple, un organisme Hlm peut mettre à disposition un immeuble d’habitation dans l’attente de sa requalification ou de travaux afin de permettre un hébergement temporaire de populations fragilisées en lien avec une association. Dans ces conditions, aucune autorisation au titre de l’urbanisme ne sera requise puisqu’il n’y a pas de changement de destination ni même de travaux d’envergure (les deux sous-destinations faisant partie de la même catégorie des destinations, à savoir "Habitation").

Un organisme Hlm peut également envisager de mettre à disposition d’un tiers qu’une partie de son immeuble (par exemple, les locaux situés en rez-de-chaussée dans l’attente de la mise en location définitive avec un preneur). Dans ces conditions, il est conseillé de prévoir, dans la demande de PC initial, les règles de construction et différentes normes en matière de sécurité et d’accessibilité les plus contraignantes pour pouvoir accueillir tout type d’activité une fois le chantier livré. En cas de changement de destination, une DP devra être obtenue.

Une autorisation d’urbanisme sera nécessaire pour entériner la transformation d’un immeuble de bureaux en logements temporaires. Si ce changement de destination ne s’accompagne pas de travaux majeurs, une déclaration préalable sera suffisante. En cas de travaux ou de création de surface, l’opérateur ou l’association, titulaire d’une COP ou autres titres, devra, en revanche, obtenir un permis de construire.

  • Nouveauté : locaux à construire en ménageant une occupation temporaire

Un nouveau dispositif a été introduit par la loi relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, parue le 26 mars 2018. L’organisation de ces Jeux exige de nouvelles constructions, qu’elles soient temporaires (pour une durée de 18 mois maximum avec une dispense d’obtention d’autorisations d’urbanisme) ou provisoires avec un "état définitif" correspondant à l’affectation ou à la destination postérieure aux Jeux.

Dans ce contexte, les organismes Hlm intervenant en Seine-Saint-Denis et dans les Bouches-du-Rhône (départements accueillant les Jeux) pourront être amenés à acquérir et construire des locaux, à usage d'habitation ou non, afin de les mettre temporairement à disposition du comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques.

La conception des projets de construction devra prendre en compte à la fois la phase transitoire et la destination définitive correspondant aux logements locatifs sociaux.

Or, en matière d’autorisations d’urbanisme, l’état du droit actuel ne permet pas de soumettre à instruction une construction avec plusieurs destinations. C’est pourquoi la loi prévoit une unique autorisation d’urbanisme (permis de construire ou d’aménager) ménageant à la fois un état provisoire lié aux Jeux et "un état définitif propre à ses affectations ou destinations postérieures au déroulement des Jeux". Un décret est attendu pour préciser les modalités d’application d’une telle disposition notamment pour ce qui concerne l’application des règles d’urbanisme au regard de la destination qui sera finalement prise en compte.

Est-ce une première étape avant le permis dit mixte ouvrant la possibilité de diversifier les destinations en fonction des usages présents ou futurs ?

Les autres réglementations à respecter

Outre la réglementation d’urbanisme, d’autres contraintes juridiques sont à respecter lorsqu’un opérateur souhaite transformer des locaux. Les normes techniques de construction, les règles de protection contre les risques d’incendie, les règles d’accessibilité peuvent constituer un frein à la transformation ou la réversibilité des immeubles, ainsi que les règles qui régissent l’organisation juridique de l’immeuble (copropriété, division en volumes, etc.). Certains locaux ayant vocation à accueillir du public pourront même être soumis en tout ou partie à la réglementation très stricte des bâtiments classés en Établissement recevant du public (ERP) L’ensemble de ces règles sera contrôlé par l’administration dans le cadre de l’instruction des autorisations d’urbanisme.

Si de telles autorisations ne sont pas requises compte tenu de la faible ampleur des travaux envisagés, les règles de sécurité seront appréciées dans le cadre d’un dépôt d’un dossier en mairie, en vue d’autorisation des manifestations dans un espace ouvert, l’ensemble relevant exclusivement de la responsabilité de l’opérateur et non pas du propriétaire.

L’organisme Hlm qui met un de ses terrains ou locaux à disposition d’un tiers devra veiller à ce qu’il soit mis à la charge du preneur l’ensemble des travaux de sécurité, d’accessibilité ou de mise aux normes nécessaires pour l’occupation envisagée, sous réserve de l’outil juridique choisi.

Thème : Urbanisme.

Contact : Céline Chabot, Direction juridique et fiscale ; Tél : 01 40 75 78 60 ; Mél : ush-djef@union-habitat.org

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1078 DU 15 mai 2018

Actualités Habitat n°1078

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