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Thème de la publication
Énergie & Environnement
Numéro

Actualités Habitat n°1167

Paru dans

MAI 2022

Actualités Habitat n°1167

Date de publication :

02 juin 2022

Auteur(s) :

ACHILLE DEFAWE

Penser la gestion de l'eau dès la conception du logement

Dans un monde où “l’or bleu” se fait de plus en plus rare et où le réchauffement climatique augmente les tensions autour de cette ressource, mieux gérer et moins consommer l’eau au quotidien est une nécessité. Pour sensibiliser les professionnels à ce sujet, l’USH a réalisé une étude, animé un chantier collaboratif et organisé un webinar, le 21 avril, sur le thème Comment gérer au mieux l'eau dans le bâtiment et le logement dès la phase de conception ?

­Alors que la 6e “limite planétaire”, celle qui concerne les cycles de l'eau douce, vient d'être dépassée(1), il apparaît nécessaire d’accélérer la transformation des pratiques, que ce soit la consommation d’eau potable dans les logements ou lors des phases de conception et construction de ces logements. Lutter contre cette limite, certes symbolique, nécessite d’agir à tous les niveaux, y compris en milieu urbain, de la parcelle au logement dès la phase de conception et jusque sur le patrimoine existant.

En 2021, Épinal Habitat a analysé son parc de logements à travers ce prisme en réalisant une étude du potentiel de déconnexion des eaux pluviales. Il en résulte que “60% de notre patrimoine a un potentiel “très facile” et “facile” pour se “déraccorder” aux réseaux, ce qui représente environ 150 000 m3 d’eau récupérables sur les parcelles”, indique Guillaume Parmentier, directeur maîtrise d’ouvrage et patrimoine de l’OPH.

Pour autant, malgré l’effort de certains bailleurs, la gestion de l’eau dans le logement ne dispose que d’un cadre réglementaire limité malgré les lois et réglementations récentes (RE 2020, loi Climat & Résilience, loi Anti-gaspillage). Chaque nouveau PLU exige désormais une gestion des pluies courantes par infiltration ou espace éco-aménagé. Une chose est certaine : la gestion de l’eau devient une priorité dans l’urbanisme, et ce, à la fois au niveau des eaux domestiques utilisées au sein du logement, et dans le cycle “naturel” de l’eau à l’échelle de la parcelle.  

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Une gestion plus naturelle de l’eau à la parcelle

L’imperméabilisation des sols (entre 75% et 100% des surfaces en ville), qui favorise le ruissellement et réduit l’infiltration profonde des pluies, peut être atténuée par un retour de la pleine terre et de la végétation. Au-delà d’amener de la nature en ville, cette stratégie permet de gérer les pluies d’orages, en retenant et régulant l’eau pour éviter les débordements et inondations, tout en valorisant les eaux à la source en réduisant le volume rejeté sur les réseaux publics lors des pluies courantes. Et dans un contexte où le changement climatique et l’urbanisation dense entraînent la multiplication des îlots de chaleur, la fraîcheur apportée par de la végétation et des espaces humides devient indispensable.

Une action au niveau de la parcelle est déterminante. Sébastien Derieux, chargé d’opérations au sein de l’agence de l’eau Seine- Normandie, préconise “une gestion gravitaire de l’eau, en privilégiant les espaces multi- fonctionnels”, par l’omniprésence d’espaces verts, le plus souvent en pleine terre, associés à des dispositifs de récupération des eaux pluviales qui peuvent “gérer jusqu’à 80% du volume sans rejet dans les réseaux publics”.

Une des solutions les plus mises en avant est la toiture végétalisée, encouragée par la loi Climat & Résilience, qui permet de contrer l’imperméabilisation et de rafraîchir le bâtiment, voire de cultiver sur les toits. “Une strate herbacée dense et développée améliorera la capacité d’évapotranspiration et la rétention d’eau de la toiture”, explique Sébastien Derieux. Ces toitures végétalisées peuvent s’accompagner de systèmes de récupération des eaux de pluie. En toiture ou au sein du bâtiment, avec des dispositifs aériens ou enterrés de stockage, ils permettent une gestion par évacuation du trop-plein si nécessaire et les eaux récupérées peuvent être utilisables dans le respect des règles sanitaires.

De la même façon, les espaces extérieurs végétalisés permettent le bon fonctionnement du cycle de l’eau et participent à la perméabilité du sol urbain. S’ils sont de plus en plus valorisés, ces aménagements comportent encore trop souvent des erreurs de conception qui gâchent le travail effectué. Ainsi, l’agence de l’eau Seine-Normandie conseille de maximiser les eaux de ruissellement en plaçant les plantations et les évacuations en point bas afin de récupérer les eaux et bénéficier d’un arrosage naturel.

Si ces aménagements se fondent sur une mise en œuvre naturelle et low-tech, ils nécessitent des études préalables (nature du sol, topographie, pluviométrie...) et une adaptation du projet aux contraintes du site, études et travaux pouvant être financés en partie par les agences de l’eau. L’ADOPTA (Association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d’eaux pluviales) propose des campagnes de sensibilisation, de formation et d’accompagnement à la gestion durable des eaux pluviales, toujours en privilégiant des solutions fondées sur la nature, la perméabilité des sols et la multi-fonctionnalité des espaces. “Les outils d’animation prennent vie sous forme de publications, d’événements publics, de vidéos et de visites de sites”, précise Elia Desmot, animatrice eaux pluviales. Au travers de ses journées de formation, l’ADOPTA contribue à instruire les maîtres d’ouvrages pour concevoir des espaces mieux adaptés, afin de rester au plus proche possible du grand cycle naturel de l’eau. Quant au niveau du petit cycle de l’eau - celui de l’eau potable et du traitement des eaux usées -, des solutions au sein des logements sont mises en place pour réduire et mieux gérer la consommation d’eau quotidienne.

Des innovations pour consommer mieux et moins  

Entrée en vigueur le 1er janvier dernier, la RE 2020 intègre dans la performance d’un bâtiment son efficacité dans le temps, avec une analyse du cycle de vie (ACV). “En modélisant la consommation d’eau durant l’usage du logement sur 50 ans, du chantier aux matériaux nécessaires, en passant par l’usage quotidien de l’eau et l’énergie, on obtient une idée des rapports dans la consommation d’eau du bâtiment”, résume Luc Floissac, conseiller environnemental au sein d’Éco-Études.

Ainsi, dans une maison individuelle, le poids de l’usage quotidien de l’eau sur 50 ans est sensiblement équivalent à celui des matériaux constructifs, tandis que dans les logements collectifs, l’usage quotidien de l’eau est largement supérieur aux matériaux constructifs et à l’énergie. Ces données valorisent donc les équipements sobres, qui font sensiblement baisser la consommation d’eau sur le long terme et réduisent l’impact en eau du cycle de vie du bâtiment.

Pour gagner en performance, des solutions techniques innovantes existent dont l’objectif est avant tout de réduire les consommations globales et la quantité d’eau rejetée à assainir. Rappelons que seulement 1% de l’eau potable consommée est bue ! Ainsi, les eaux usées peuvent constituer une ressource. Par exemple, la chaleur des eaux grises à 30°C issues de la douche peut être utilisée pour préchauffer les eaux froides issues du réseau de la ville, à la manière d’une VMC double flux.

La société Solaronics récupère la chaleur des eaux grises pour préchauffer l’eau chaude sanitaire (ECS) avec sa technologie PAC Facteur 7, au niveau d’un bâtiment en entier. Elle peut fonctionner en hybridation avec une pompe à chaleur air/eau ou avec une chaudière gaz. Le système est adaptable à grande échelle (15 000 l/j) ; il est intéressant dès 50 logements et permet une valorisation d’une énergie qui aurait été perdue.

Toujours au chapitre des innovations, Hydrao encourage une consommation moindre de l’eau au quotidien. L’entreprise a développé un pommeau de douche interactif qui indique la consommation d’eau en temps réel, et un compteur autonome et connecté permettant le suivi et la modélisation des usages en eau, avec la possibilité de repérer les fuites ou des consommations d’eau inhabituelles.

Dans l’optique de responsabiliser les usagers, ces équipements permettent aussi de penser autrement la consommation de l’eau et notamment la façon dont l’eau potable et les eaux usées sont gérées. De notre douche à nos espaces verts, notre consommation d’eau devrait être véritablement mesurée afin de préserver le précieux cycle de “l’or bleu”.

(1) Le concept des limites planétaires a été défini et étudié par une équipe internationale de chercheurs depuis 2009. Il détermine le seuil à partir duquel l’humanité risque de compromettre les conditions favorables à la vie sur terre et intègre 9 processus biophysiques, dont 6 ont déjà été dépassés : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, le changement d’affectation des sols, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, la pollution chimique et le cycle de l’eau douce. Les trois derniers sont l’acidification des océans, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique et l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère.

Pour en savoir plus : Comment gérer au mieux l'eau dans le bâtiment et le logement dès la phase de conception ? - Repères n°96

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1167 DU 31 mai 2022

Actualités Habitat n°1167

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