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Thème de la publication
Politique du logement & Mouvement Hlm
Numéro

Actualités Habitat n°1153

Paru dans

OCTOBRE 2021

Actualités Habitat n°1153

Date de publication :

19 octobre 2021

Auteur(s) :

VALÉRIE LIQUET , AGNÈS FERNANDEZ , ISABELLE COSTA , DIANE VALRANGES , VÉRONIQUE VELEZ

Transitions environnementale et climatique : "une course contre la montre"

Face aux enjeux climatiques et environnementaux, les défis à relever sont nombreux pour les bailleurs sociaux, qui doivent accélérer et massifier la rénovation de leur parc immobilier et répondre aux attentes de leurs locataires. Création de filières territoriales, confiance donnée aux industriels, recours à des méthodes qui ont fait leurs preuves… des solutions et des financements existent et se développent.

Geste fort à l’ouverture du Congrès : Emmanuelle Cosse annonce que l’empreinte carbone de ces trois jours, estimée à environ 500 tonnes de CO2, sera compensée par la plantation de trois hectares de forêt en Nouvelle-Aquitaine. Au-delà de la symbolique, “penser l’avenir, c’est naturellement nous préparer à être des acteurs déterminés face au défi climatique”, souligne la présidente de l’USH. Les défis sont grands. “Ce sont des centaines de millions de logements que nous devons inscrire dans la Stratégie nationale bas-carbone”, dit-elle en évoquant l’engagement des organismes Hlm dans “une course contre la montre pour éradiquer les passoires énergétiques” et la nécessaire massification des réhabilitations.

Environ 350 000 logements du parc social sont concernés par l’obligation de rénovation inscrite dans la loi Climat et Résilience, dès 2025 pour les bâtiments classés G, en 2028 pour ceux classés F. Faute de quoi, ils ne pourront plus être loués. Leur nombre pourrait en réalité être supérieur, la méthode de calcul choisie pour le nouveau diagnostic de performance énergétique ne favorisant ni les trois millions de logements du parc Hlm chauffés au gaz, ni ceux chauffés au fioul (lire l’article en p. 43).

Les bailleurs sociaux sont pourtant exemplaires, comme l’a salué le Premier ministre Jean Castex lors de son allocution, avec “seulement 7% de logements classés passoires thermiques alors que ce taux s’élève à plus de 17% pour l’ensemble du parc résidentiel”.

Co-construire avec les locataires

“Nous sommes face à une évolution en termes de normes - loi Climat, RE 2020, non artificialisation des sols -, à un moment où la question du foncier est prégnante pour nous et où on doit rendre la densité acceptable et désirable” s’émeut Stéphane Dauphin, directeur général de Paris Habitat, à l’occasion de la plénière sur les transitions environnementale et climatique. “La maîtrise d’ouvrage et la ville bas-carbone, c’est une réalité qui s’impose à nous”, estime-t-il, évoquant une évolution forte au sein des territoires (futur PLU bioclimatique à Paris, Pacte bas-carbone à Lille, bâtiment frugal à Bordeaux...).

Les bailleurs sociaux doivent aussi répondre aux attentes légitimes des locataires en matière de confort du logement, de qualité d’usage, de services de proximité et d’environnement. “Aujourd’hui, la démarche est globale, reprend le DG de Paris Habitat. L’enjeu c’est de faire systématiquement voter les locataires sur les projets. C’est compliqué, mais on apprend tous de ces échanges, et ils apportent ensuite un confort de travail quand on engage les opérations”, admet-il. “On ne peut pas mettre en place un logement durable sans avoir conscience que les locataires ont besoin d’avoir un certain type de logement, dans lequel ils vivent bien. Les confinements ont montré que ce n’était pas toujours le cas”, ajoute Michel Fréchet, président de la Confédération générale du logement. Fabien Lacarrère, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine délégué à l’Habitat, confirme que “le logement est au carrefour des enjeux sociaux, écologiques et d’équité territoriale”.

Être co-constructeurs des projets de rénovation est une chose ; désormais beaucoup d’organismes entreprennent aussi, à la livraison des travaux, de donner les moyens aux locataires de prendre en mains les innovations techniques. “L’usage a changé. Il faut s’y préparer et s’y adapter parce que cela impacte le mode de vie et de consommation du logement. Cette relations clients et cette pédagogie après la livraison est indispensable aussi bien pour le locataire que pour le bailleur”, éclaire Dominique Soyer, directeur général de Maisons et Cités. “Plus que de la pédagogie, c’est une démarche participative qu’il faut avoir avec les locataires, surtout quand les rénovations sont lourdes. C’est une question d’acceptabilité des travaux”, estime pour sa part Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires(1).

 

Nouveau prêt bonifié en faveur de la construction verte

La Banque des Territoires a lancé avec Action Logement un nouveau prêt bonifié en faveur de la construction verte, dans le contexte de mise en place de la nouvelle réglementation environnementale RE 2020. Ce dispositif s’inscrit dans la série des PHB mis en place en 2018 et qui a accompagné avec des conditions financières avantageuses(1) la production de 200000 logements sociaux agréés entre 2018 et 2020. Il récupère les 200M€ encore disponibles de l’enveloppe de 2Md€ de ces prêts bonifiés par Action Logement, distribuée en trois tranches successives (530M€ en 2018, 440M€ en 2019 et environ 410M€ en 2020).

Le nouveau PHB financera les opérations vertueuses allant au-delà du simple respect de la réglementation. Seront ainsi éligibles les opérations capables d’atteindre, dès 2022, les seuils fixés pour 2025 en matière de performance carbone des constructions neuves. Les indicateurs utilisés seront les niveaux 2025 de l’IC construction (impact sur le changement climatique des composants du bâtiment) et de l’IC Énergie (impact carbone des consommations d’énergie du bâtiment). Les surperformances attendues seront précisées avec l’USH. Le PHB vert sera distribué par le biais d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé courant 2022.

(1) Taux 0 pendant vingt ans avec différé total d’amortissement du capital, et taux du Livret A + 0,60% pendant dix à vingt ans (dix ans pour la réhabilitation et vingt ans pour la construction) avec amortissement constant.

 

“On n’a plus les moyens de faire du prototype”

Alors, comment répondre à l’enjeu de la massification des rénovations ? Par l’innovation, toujours, comme en témoigne Axel David, directeur de l’USH Pays de la Loire. “On n’a plus les moyens de faire du prototype trop longtemps. Quand on a fait la preuve d’un matériau et d’une ingénierie, il faut être capable de donner de la confiance à une filière. C’est le rôle des bailleurs sociaux. On l’a fait de tout temps, en portant des innovations”. De l’innovation, ce fameux “ADN des bailleurs sociaux”, il en a été beaucoup question lors de la séance d’ouverture du congrès. Citée plus d’une vingtaine de fois comme une “nécessité de transformation”, l’innovation fut déclinée pendant trois jours au travers d’exemples concrets de solutions. L’évolution du village des start-up au cours des cinq dernières années en témoigne et illustre la progression des acteurs.

Autre enjeu de la massification des rénovations énergétiques, soulevé par Philippe Gruat, président de l’Associations des industries de produits de construction (AIIMCC), la question de l’industrialisation. Rebondissant sur les propos d’Axel David, il souligne le besoin de “confiance en l’avenir” des industriels. “Nous sommes allés très loin en matière de recherche, mais le développement et la mise en œuvre des innovations manquent encore”. Prenant l’exemple des matériaux biosourcés et géosourcés, il martèle : “Il faut que les filières se développent. La rentabilité n’est pas acquise et donc les industriels n’ont pas confiance pour investir massivement”.

À cette difficulté, les bailleurs sociaux impliqués dans la démarche EnergieSprong ont essayé de répondre, “pour donner confiance aux industriels”, précise Axel David, évoquant le regroupement de 14 bailleurs sociaux au sein d’une centrale d’achat commune. Avec l’objectif de créer un marché de rénovation de 2 108 logements pour un montant de 200M€. Un autre exemple avait été présenté la veille par Fabien Lasserre, à l’occasion d’une table ronde sur les actions régionales en matière de rénovation. Engagée dans EnergieSprong, l’UR Hlm des Hauts-de-France, dont il est chef de projet, a lancé un groupement de commandes pour rénover 1 000 logements ; la difficulté étant pour lui de trouver les bons modèles économiques et d’accompagner la montée en compétences de l’ensemble des acteurs. “Nous en sommes aux balbutiements, avait-il signalé. Il faut que tout le monde apprenne à travailler ensemble”. Cette pratique, Maisons et Cités l’a bien rôdée. “On travaille régulièrement avec 200 entreprises qui nous suivent sur nos travaux, reprend Dominique Soyer. On les a réunies pour les amener à se grouper afin de réhabiliter par l’extérieur sur un parc potentiel de 3 000 logements. De la petite entreprise à la très grosse, elles trouvent toutes leur intérêt à travailler ensemble parce qu’elles peuvent être complémentaires”. Une nouvelle méthode de travail qui enthousiasme Philippe Gruat : “Au niveau industriel, cette habitude de se regrouper n’est pas courante et nous appelons de nos vœux cette collaboration entre industriels pour arriver à cet effet de massification”.

À la question du développement des filières s’ajoute celle de l’écologie industrielle territoriale (EIT), pour rassembler les acteurs de l’écosystème et dynamiser un territoire en  termes de ressources (et non de déchets). Avec l’USH, Agyre, hub d'accélération national de l'économie circulaire, copilote un chantier concerté sur le développement concret de l’EIT. Plusieurs expérimentations sont en cours dans les régions, notamment avec Pierres et Territoires et Granudem, en Eure-et-Loir, autour des granulats de béton à partir de béton recyclé (lire AH 1105). Dans les Hauts-de-France, Maisons et Cités développe depuis cinq ans une filière régionale autour du béton de chanvre. “Pour mettre en œuvre une filière (c’est-à-dire faire en sorte de suffisamment massifier pour aboutir à des tarifs raisonnables), il faut emmener tous les mécanismes de formation financés par la Région et mettre en place des outils très pratiques”, explique Dominique Soyer. “Temps long”, “confiance” et “partenariats multiples” sont pour lui les trois clés du succès. “On essaye d’amener les bonnes solutions aux bons endroits sur des chantiers donnés, enchaîne Philippe Gruat, prenant sa casquette de président d’Agyre. C’est un rôle de chef d’orchestre que l’on peut jouer à partir du maître d’ouvrage jusqu’à l’ensemble des acteurs d’une construction”.

 

Go Rénove, outil digital d’aide à la décision

Il sera bientôt possible, en quelques clics, de décider ou pas de l’intérêt de réaliser la rénovation thermique d’un bâtiment. Le CSTB a mis au point un outil d’aide à la décision gratuit, Go Rénove, qui permettra aux bailleurs sociaux (hors Outre-mer) d’interroger leur patrimoine, collectif ou individuel. Accessible en décembre 2021 sur le site de l’USH, cet outil compile sous forme de cartes l’ensemble du patrimoine des organismes Hlm classé par étiquette énergétique, à l’échelle du parc global ou du bâtiment. Le CSTB a recueilli les cartes d’identité pré-renseignées de 22 millions de bâtiment en France. Pour chaque bâtiment de son patrimoine, le bailleur dispose d’une cinquantaine d’indicateurs : fiche d’identité du bâtiment, équipements, opportunité ou non de rénover, contraintes de performance, métrés, accès aux consommations, consommations simulées avant/après rénovation… L’utilisateur pourra interagir avec l’outil, en important ou en exportant des données Excel. Go Rénove est l’un des neuf projets du programme Profeel, porté par 16 organisations professionnelles du bâtiment, dont l’USH, pour faciliter et fiabiliser la rénovation énergétique des bâtiments existants.

 

Jusqu’à 100 000 € par logement

“Les logements qu’il nous reste à rénover seront les plus coûteux”, a prévenu Emmanuelle Cosse lors d’une rencontre avec la presse. Pour la présidente de l’USH, “certaines rénovations pourraient coûter autour de 80 000 à 100 000 euros par logement”. Depuis le lancement de l’éco-prêt en 2009, “plus de 15 milliards de travaux ont été financés et 425 000 logements rénovés grâce aux efforts de toute la profession”, précise Olivier Sichel.

L’Europe est également au rendez-vous, avec des outils financiers nombreux et variés (Next Generation EU, FEDER, FSE, REact EU, appels à projets…) “qui demandent beaucoup de savoir-faire et une mobilisation importante des équipes”, témoignait Carine Puyol, chargée de mission Politiques et Financements communautaires à l’USH Bruxelles lors d’une table ronde sur l’Europe. Elle relevait cependant un “sérieux besoin de simplification, pour permettre aux bailleurs sociaux de s’y retrouver dans ce dédale de financements européens”. Pour elle, le guichet unique créé dans le cadre de l’Alliance européenne pour un logement social durable et inclusif (lire AH 1130) est l’exemple à suivre.

D’autant que l’enveloppe initiale de 300 M€ a été écoulée, comme l’a confirmé le directeur des prêts à la Banque des Territoires, Kosta Kastrinidis, lors d’une rencontre avec la presse. Une nouvelle enveloppe de 150 M€, provenant de la Banque de développement du Conseil de l’Europe (CEB), a été débloquée. Une enveloppe supplémentaire de la Banque européenne d’investissement (BEI) est également en cours de discussion.

L’intérêt qu’accorde la Commission européenne au logement social s’est traduit dans un message vidéo de sa présidente, en clôture du congrès : “Nous voulons doubler le taux de rénovation de nos bâtiments d’ici à 2030, a annoncé Ursula Van der Layen. Chaque année, 800 000 logements sociaux doivent être rénovés en Europe. Avec le Pacte vert pour l’Europe, nous prenons toutes ces questions à bras-le-corps. Notre Plan de relance, Next Generation EU, prévoit 53Md€ pour la rénovation énergétique et nous avons proposé un Fonds social pour le climat doté de 72Md€ afin de réduire les factures d’énergie des plus vulnérables”.

Au-delà de ces enveloppes et des investissements prévus par le Plan France Relance - pour lesquels “les dossiers déposés en 2021 représentent près de 35 000 logements en étiquettes F, G et E”, a annoncé Emmanuelle Wargon - “il faut que nous allions plus loin pour répondre aux exigences de la réhabilitation du patrimoine Hlm”, considère Emmanuelle Cosse, qui salue l’annonce, par la Caisse des Dépôts d’une nouvelle enveloppe de prêts de haut de bilan verts pour la construction neuve vertueuse (voir encadré P. 36). “Nous avons convenu d’engager un travail entre la Caisse des Dépôts, l’USH et l’État sur les outils de financement supplémentaires à mobiliser”, a convenu la ministre chargée du Logement -, précisant lors d’une rencontre avec la presse qu’“il nous faudra quelques jours ou semaines pour nous mettre d’accord sur le besoin et sur les outils nécessaires pour y répondre”.

(1) Auteur du rapport “Pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés”, remis en mars au gouvernement.

 

Penser l’avenir sans fantasmer sur l’exode urbain

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E. Lombard, DG de la CDC © USH

“On assiste depuis deux ou trois ans à la fin de l’exode rural, avec un rééquilibrage vers les zones rurales et les villes moyennes, via des afflux de population dans certaines villes et régions. Donc il faut construire”, assurait Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts lors d’une conférence de presse le 29 septembre. Une position à contre-pied de celle exprimée par les participants à la plénière Un territoire, des dynamiques territoriales, selon qui l’exode urbain n’a pas eu lieu. Les mouvements d’installation de familles franciliennes vers la campagne ou vers d’autres territoires supposés offrir une meilleure qualité de vie seraient clairement un “épiphénomène”, a résumé Frédéric Lavergne, DG d’Érilia. En zone rurale, Jean-Denis Mege, DG d’Opal, a bien quelques exemples dans l’Aisne de “maisons sympas, achetées par un parisien pour faire de temps en temps du télétravail, mais ça ne va pas plus loin”. Alors mieux vaut ne pas tout miser sur une hypothétique attractivité spontanée des territoires détendus, et poursuivre le travail engagé sous la casquette d’opérateur de logement social et plus largement d’aménageur. Autrement dit : tenir le rôle de “bailleur providence”, comme se définit le DG d’Opal, avec “une vraie vision, un vrai modèle économique, en préservant la gouvernance de proximité”. Un rôle que Frédéric Lavergne revendique aussi pour l’urbain, au sens où se positionner en aménageur permettrait de se situer en amont des opérations et ainsi “sortir de la dépendance aux programmes privés des promoteurs” qui conduit au fait que 64% de la production d’Érilia est réalisée en VEFA.

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1153 DU 15 octobre 2021

Actualités Habitat n°1153

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