Actualités

Thème de la publication
Politique de la ville
Numéro

Actualités Habitat n°1199

Paru dans

NOVEMBRE 2023

Actualités Habitat n°1199

Date de publication :

17 novembre 2023

Auteur(s) :

VALÉRIE LIQUET

Politique de la ville : un CIV d'émancipation ou de stigmatisation ?

Le CIV du 27 octobre a acté 70 mesures sous le signe de l’« émancipation », rompant avec la « logique de réparation » qui, selon l’Élysée, constitue le péché originel de la politique de la ville. Certaines cherchant louablement à « enrayer les phénomènes de concentration de la pauvreté » n’échappent pas au piège de la stigmatisation.

Après moult reports, le CIV (Comité interministériel des villes) de Chanteloup-les-Vignes (78), présenté par la Première ministre comme traduction du plan “Quartiers 2030” ébauché en juin par le président de la République à Marseille, s'est réuni le 27 octobre. “Nous voulons permettre l’émancipation de toutes et de tous”, a déclaré Élisabeth Borne dans son discours, listant plusieurs mesures sur l’école, la santé, la formation, l’emploi, la sécurité, l’architecture, la prolongation du programme “Quartiers résilients”…


Concernant le logement social, on retrouve des propositions formulées par l’USH. C’est le cas de l’inscription de la rénovation urbaine dans la durée (au-delà de 2026), avec la création d’une mission partenariale visant à diagnostiquer les besoins et définir les nouvelles modalités d’action.


Autres motifs de satisfaction pour l’USH : la fixation d’un objectif de 15% du Fonds Vert fléché vers les QPV; l’adaptation de l’offre neuve ou rénovée de logements sociaux en QPV pour répondre à la diversité de la demande; la prolongation de l’abattement de TFPB en QPV jusqu’en 2030.


Le CIV a également décidé le renforcement de la présence, dans le parc social, des personnels de proximité, des gardiens et des gardiennes, ainsi que l’amélioration de leur protection juridique.

 

Au nom de la mixité sociale

Plusieurs mesures présentées comme favorisant la mixité sociale dans le logement posent la question de leur faisabilité, de leur efficacité, voire de leur contre-productivité. Renforcer le rôle du maire dans les attributions est ainsi sujet à débat, des voix craignant le retour à une forme de clientélisme et la porte ouverte à une politique de peuplement qui rejetteraient les “indésirables” : sorties d’hébergement, sorties de prison, sorties d’ASE… (lire notre dossier p.26). Sans compter que faire passer une telle mesure par voie de circulaire serait “juridiquement impossible”, a indiqué la sénatrice Dominique Estrosi-Sassone, invitant le gouvernement à rependre la proposition de loi “Primas” adoptée en octobre par le Sénat (p.33).


Cette circulaire comprendrait bien d’autres mesures prises au nom de la mixité sociale. Elle demanderait par exemple aux préfets de ne plus attribuer de logements sociaux aux “ménages Dalo les plus en difficultés” dans les QPV. “Le Dalo est un droit à valeur constitutionnelle, il ne doit pas devenir un stigmate pour les ménages en attente de logement”, rappelle Emmanuelle Cosse. D’autant que “les profils des ménages Dalo sont sensiblement les mêmes que l’ensemble des demandeurs de logement social”, souligne Thierry Asselin, directeur des politiques urbaines et sociales à l’USH.


La circulaire demanderait également aux préfets de ne plus créer de places d’hébergement en QPV et d’amplifier l’accueil des plus fragiles en dehors de ces quartiers “en incitant les bailleurs à modifier la structure de leurs loyers et en contrôlant mieux le respect de leurs obligations légales”. Pour faire venir une population plus favorisée dans les QPV, les préfets encourageront les maires, bailleurs et réservataires à déployer des “dispositifs spécifiques de recherche de candidats locataires visant à favoriser la mixité sociale”, telle que la location choisie ou les petites annonces sur des sites classiques de locations immobilières. Ils devront aussi veiller à la diversification des typologies et porter une attention à la rénovation du parc privé…


Un décret définirait également des “résidences à enjeu de mixité sociale” dans lesquelles l’EPCI pourrait limiter la part de logements attribués à des publics “identifiés comme fragiles”.


“Je note qu’encore une fois la tonalité est à la stigmatisation des demandeurs de logements modestes”, regrette Emmanuelle Cosse. “Plutôt que de refuser de loger des familles en attente de logement dans les QPV, le gouvernement ferait mieux d’imposer un respect impitoyable de la loi SRU”, ajoute-t-elle. “Voilà ce qui doit être LA priorité de la parole publique, qui ne devrait jamais céder à la tentation de la stigmatisation”.

 

“Le gouvernement ferait mieux d’imposer un respect impitoyable de la loi SRU.”

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1199 DU 15 novembre 2023

Actualités Habitat n°1199

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