Actualités

Thème de la publication
Accession sociale
Numéro

Actualités Habitat n°1086

Paru dans

SEPTEMBRE 2018

Actualités Habitat n°1086

Date de publication :

30 septembre 2018

Auteur(s) :

GAËLLE LECOUËDIC

Les clauses anti-spéculatives

Il n’est pas rare que les actes de vente de logements consentis par les organismes Hlm (contrats de VEFA, de PSLA) comportent des clauses contractuelles anti-spéculatives encadrant la revente par l’accédant. Quelles sont les règles applicables ?

Le contexte de l’opération, notamment sa localisation (en secteur tendu) et ses modalités (prix encadré, versement de subventions publiques…), peut conduire le vendeur à insérer des clauses dites « anti-spéculatives » dans les actes conclus avec les accédants. L’intervention d’une collectivité locale pour encourager et aider l’opération pourra justifier l’introduction de telles clauses. L’organisme Hlm sera ainsi amené à s’interroger sur la formulation, la rédaction, l’objet et, par conséquent, la licéité des stipulations envisagées.

La rédaction de ce type de clauses dans les contrats de vente n’étant pas encadrée par des textes légaux ou réglementaires spécifiques, la doctrine et surtout la jurisprudence seront, pour le rédacteur d’actes, les sources du droit qui s’imposeront en la matière.

Les situations justifiant des clauses anti-spéculatives

À la demande d’une collectivité cédant un foncier à des conditions très favorables, des clauses anti-spéculatives pourront être introduites dans les actes de vente d’un terrain sur lequel sera réalisé un programme en accession aidée, à charge pour l’opérateur qui construit et commercialise les logements de reprendre de tels engagements dans les actes conclus avec les ménages accédants.

Dans un contexte de hausse des prix de l’immobilier et de marché tendu, le risque d’effet d’aubaine est plus important et certains vendeurs souhaiteront le limiter. Cette situation sera d’autant plus probable que le prix de vente des logements concernés aura été fixé à un montant inférieur à celui du marché, d’où une possibilité accrue de plus-value importante en cas de revente, y compris à court terme.

Dans un tel schéma, ce sera surtout l’emploi de fonds publics ayant permis la fixation d’un prix attractif qui conduira à s’interroger sur les moyens à mettre en place pour limiter ce risque. La collectivité territoriale pourra ainsi développer une politique d’aide à l’accession sociale à la propriété sur son territoire et rechercher des moyens pour éviter tout détournement dans l’usage de l’aide publique.

Les organismes Hlm sont couramment confrontés à cette obligation de mise en œuvre d’un dispositif anti-spéculatif. Certes, la loi peut leur imposer de telles clauses dans des situations définies (cf. article L. 443-12-1 du Code de la construction et de l’habitation pour la vente Hlm ; la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social…) mais la liberté conventionnelle peut également permettre leur insertion dans des cas non définis par le législateur. Il en sera ainsi, notamment, lorsque le risque de détournement évoqué supra existera.

La pratique de telles clauses a été admise depuis longtemps pour les actes à titre gratuit (Cass. 20 avril 1858 Bull. N° 68 p. 114, et article 900-1 du Code civil) ainsi que pour les actes à titre onéreux. En matière de vente immobilière, face au caractère absolu du droit de propriété, les limites pouvant ainsi être apportées devront être justifiées et resteront à l’appréciation du juge : un équilibre à trouver entre intérêt général et droit de propriété.

Deux conditions de licéité fixées par la jurisprudence

En l’absence de texte fixant un cadre juridique pour les dispositifs anti-spéculatifs pouvant être introduits dans les actes de vente, la jurisprudence joue un rôle essentiel. La licéité de telles clauses a ainsi été reconnue, en particulier s’agissant des clauses d’inaliénabilité dans un acte à titre onéreux, aux mêmes conditions que pour les actes à titre gratuit (1ère Civ. 31 octobre 2007 n° 05-14238).

En effet, une telle clause sera jugée licite, si et seulement si, elle est limitée dans le temps et si un intérêt sérieux et légitime la justifie.

  • Dans le domaine des ventes immobilières, le caractère temporaire de la clause donne lieu à des pratiques diverses, avec des durées comprises entre cinq et dix ans, voire quinze. Ce point demeure soumis à l’appréciation du juge, au cas par cas, notamment au regard de la proportionnalité de celle-ci avec l’aide octroyée.

Ainsi, dans un contexte particulier, la Cour de cassation a admis la validité d’un pacte de préférence, prévu pour une durée de vingt ans, au profit d’une commune (3e Civ. 23 septembre 2009 n° 08-18187 cf. Actualités Habitat n° 904 du 15 juin 2010). Nous n’avons pas connaissance d’autres cas de figure similaires.

La fixation d’une durée comprise entre cinq et dix ans pourra être recommandée pour limiter le risque de contentieux et d’annulation de la clause. Aussi, le caractère nécessairement temporaire du dispositif ne permet pas de pérenniser le caractère social du logement ayant bénéficié de l’aide publique. Cet inconvénient a notamment participé aux réflexions ayant conduit à la création d’un nouveau type de bail, le bail réel solidaire (cf. Actualités Habitat n° 1060 du 15 juillet 2017).

  • La seconde condition cumulative implique de pouvoir justifier d’un intérêt légitime et sérieux pour expliquer cette restriction au droit de propriété de l’accédant.Tel sera le cas lorsque le logement aura donné lieu à une aide de la collectivité qui aura apporté le terrain sur lequel l’opération d’accession sociale est réalisée.

L’acte de cession du foncier comportera généralement cette obligation de faire figurer dans les actes conclus par le vendeur des logements construits, une stipulation limitant les droits de l’accédant, compte tenu de l’avantage dont ce dernier a bénéficié. Ainsi, la fixation d’un prix inférieur à celui du marché, compte tenu du coût réduit du terrain dans l’opération, constitue une aide à l’accession à la propriété justifiant la clause anti-spéculative.

Ces clauses peuvent être très diverses et se combiner. Dès lors qu’elles remplissent les deux conditions rappelées supra, le vendeur pourra adapter leur rédaction, selon l’objectif recherché.

Les restrictions possibles

On peut distinguer habituellement plusieurs catégories de clauses, dont la liste n’est pas exhaustive, notamment :

  • les clauses restrictives du droit de propriété ayant pour objet d’interdire la vente. Elles peuvent prendre la forme d’un pacte de préférence ou d’un droit de priorité au profit du vendeur par exemple ;
  • les clauses tendant à limiter l’affectation du bien immobilier qui consistent, par exemple, à prévoir l’obligation de maintien du logement à usage de résidence principale. La mise en location sera interdite ou encadrée ;
  • les clauses relatives au prix de revente ou tendant au reversement en partie ou en totalité de l’aide accordée, etc.

Il sera de bonne pratique de rédiger dans l’acte de vente du logement un exposé présentant les caractéristiques de l’opération justifiant de l’introduction de telles stipulations et permettant ainsi d’établir l’existence d’un caractère légitime et sérieux.

Les parties pourront toutefois écarter l’application de ladite clause, dans certaines circonstances dont l’accédant devra justifier. Ainsi, en cas d’accident de la vie (chômage, divorce, décès, etc.), une clause d’inaliénabilité, par exemple, ne sera pas opposable. Il convient de le mentionner expressément, et de préciser clairement les cas permettant la non-application de la clause.

De manière générale, une rédaction la plus explicite possible est conseillée, en l’absence de dispositions légales auxquelles se référer : le contrat fera la loi des parties. L’organisme Hlm vendeur pourra s’appuyer sur son notaire, et son rôle de conseil en tant que rédacteur de l’acte comportant de telles clauses sera important pour assurer la sécurité juridique de l’acte.

Toute disposition ambiguë ou incomplète sera, le cas échéant, source d’un contentieux, l’accédant souhaitant, le moment venu, faire valoir l’illicéité ou la non-application de la restriction à son droit de disposer du logement. Seul le juge pourra alors l’apprécier.

Thème : Conditions de construction et de vente des organismes Hlm.

Contact : Gaëlle Lecouëdic, Direction juridique et fiscale ; Tél. : 01 40 75 78 60 ; Mèl : ush-djef@union-habitat.org

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1086 DU 30 septembre 2018

Actualités Habitat n°1086

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