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Thème de la publication
OPH
Numéro

Actualités Habitat n°1191

Paru dans

JUIN 2023

Actualités Habitat n°1191

Date de publication :

04 juillet 2023

Auteur(s) :

VALÉRIE LIQUET

Fédération des OPH : une convention de solutions pour affronter la crise

La convention de la Fédération des OPH s’est tenue à Nancy les 1er et 2  juin sur le thème Les opérateurs publics Hlm, créateurs de solutions et boucliers en temps de crises, en l’absence remarquée d’Olivier Klein. Ses oreilles ont sans aucun doute sifflé.

“Dommage que le ministre ne soit pas là, j’aurais bien aimé lui montrer ces chiffres”. Les fameux chiffres que Fabienne Labrette-Ménager aurait voulu présenter à Olivier Klein illustrent combien “les OPH sont restés confiants et volontaristes malgré des perspectives financières compliquées”. Ils ont ainsi, entre 2017 et 2021, investi 7,3 Md€ par an dont 3,9 Md€ pour la construction neuve, a indiqué la présidente du comité fédéral d’autocontrôle de la Fédération des OPH. Les logements classés A, B et C, qui représentaient 27% du parc des Offices en 2010, sont à 47% aujourd’hui.


Quant aux 276 000 qui demeurent en classes E, F et G, les OPH entendent bien, en les rénovant profondément, les amener directement aux étiquettes A ou B, conscients que les coûts seront désormais de l’ordre de 80 000-100 000 € par logement, contre 35 000-50 000 € il y a encore quelques années. Au total, pour la période 2022-2026, les OPH déclarent vouloir investir en moyenne 10,4 Md€ par an durant 5 ans, soit une hausse de 42% par rapport à la période 2017-2021. Avec un investissement travaux particulièrement volontariste (+ 118%).


Mais ces projections, c’était sur la base des paramètres de novembre 2022, avant la hausse du taux du Livret A à 3% en février, et avant celle d’août anticipée à 4%. “Les OPH sont percutés par le mur de la réalité”, observe le président de la Fédération, Marcel Rogemont, “bloquant la dynamique vertueuse d’investissement nécessaire pour relever les défis sociaux et environnementaux”.

 

Lignes rouges

Alors quand il s’agit de tracer les “lignes rouges” pour un éventuel Pacte de confiance entre le Mouvement Hlm et l’État, la condition première de la FOPH serait que le gouvernement bloque le taux de Livret A à 3%. Il faudrait également rétablir un taux de TVA à 5,5% pour tous les investissements des organismes de logement social, “voire un taux encore inférieur pour les travaux de rénovation énergétique”, est-il écrit dans la résolution adoptée à l’unanimité.


La Fédération s’opposerait aussi à “toute disposition mettant en cause le bail à durée déterminée, gage de stabilité pour des gens qui souvent n’en ont guère dans le travail”, et à toute mesure qui viserait à adapter le loyer aux revenus “alors que c’est l’essence même des APL”.


La FOPH demande sans surprise l’arrêt de la RLS, la création d’une MaPrimeRénov’ Hlm et “la réorientation des dépenses publiques consacrées au logement défiscalisé vers le logement social”. Si Élisabeth Borne a bien annoncé quelques jours plus tard, le 5 juin, en conclusion du CNR Logement, la suppression du dispositif fiscal Pinel et la rétractation du PTZ, c’est clairement pour économiser 2 Md€ à terme au budget de l’État, comme l’a confirmé Bruno Le Maire aux Assises des Finances publiques du 19 juin, et non pour les redéployer vers le secteur Hlm. Comme le soufflait un participant en marge de la convention : les négociations sur le Pacte de confiance sont en cours, et le projet de loi de Finances n’est pas encore voté.

 

Des AOH renforcées pour réussir la décentralisation

Autre cheval de bataille de la Fédération des OPH : le renforcement des Autorités organisatrices de l’habitat (AOH) instituées par la loi 3DS de février 2022. La Fédération peut compter sur le soutien de Nathalie Appéré, maire et présidente de Rennes Métropole, pour qui “la condition de réussite de la décentralisation est d’avoir une politique du logement de cohésion et de solidarité nationale”.


“Il faut désormais conforter ce statut en donnant des compétences plus larges aux AOH, en l’ouvrant aux Départements, et en faire un lieu de différenciation des politiques du logement”, estime la FOPH qui va même plus loin en proposant que les AOH bénéficient d’un financement dédié via une partie de la Peec, au nom du principe de non-discrimination des fonds destinés aux organismes de logement social, qu’ils soient filiales d’Action Logement ou non. Marcel Rogemont avait d’ailleurs adressé dans ce sens un courrier à la Première ministre, le 17 mai, dans le cadre de la préparation de la convention entre l’État et Action Logement, finalement signée le 16 juin. Comme le craignait le président de la FOPH, le groupe paritaire baissera bien sa contribution au Fnap en 2024, de 300 M€ à 150 M€, et ce sera son dernier versement au fonds. “Si cela n’est pas compensé par des crédits budgétaires, cela reviendrait à affirmer que le logement des ménages aux revenus modestes n’est plus une priorité du gouvernement”, a alerté Marcel Rogemont à Nancy.

 

Vous avez dit « financiarisation » ?

Autre sujet d’inquiétude, analysé par l’économiste Nordine Kireche, directeur de l’Executive master Stratégie et finance de l’immobilier durable à Sciences Po : “Les incursions de la financiarisation dans le secteur du logement social”. Elles sont à l’œuvre depuis les années 1980 aux États-Unis, avec le recours aux émissions obligataires par les organismes de logements publics. En Allemagne, les réformes structurelles ont amené les acteurs du logement social à vendre massivement leur parc. À la fin des années 2000, c’est l’Italie qui crée un fonds de dette publique, le SIF, abondé par des investisseurs institutionnels pour construire du logement social et abordable. En France, le développement du logement locatif intermédiaire serait-il le signal d’une financiarisation à la française ? Nordine Kireche est prudent. “Des acteurs comme la Caisse des dépôts et Action Logement mettent en œuvre une politique publique et profitent des fonds levés pour se placer au centre du jeu d’acteurs”. Dès lors, “est-ce que l’État sert le marché ou se sert du marché ?”, interroge-t-il.


“Le logement social est l’avenir du marché financier immobilier”, est convaincu le député Renaissance de Meurthe-et-Moselle, Emmanuel Lacresse. “C’est le chemin que le gouvernement a voulu emprunter en 2017, avec la loi Élan”, confirme le communiste Stéphane Peu, se souvenant du ministre du Logement Julien Denormandie lui expliquant qu’il fallait faire tourner les actifs immobiliers propriétés des organismes Hlm. “Je ne pense pas que la financiarisation soir l’avenir du logement social”, a estimé pour sa part la sénatrice Dominique Estrosi-Sassone, rappelant que “le logement social s’est formé en opposition aux investissements privés, pour répondre aux besoins en logements abordables issus de l’industrialisation, de l’exode rural et du baby-boom”. Et rassurons-nous en écoutant Hervé Marseille, sénateur centriste des Hauts-de-Seine : “Quand Elon Musk va voir la Dreal, le ZAN et cetera, il ne va pas rester 5 minutes…”. Nordine Kireche opine : “C’est la barrière naturelle des investissements étrangers”.

 

Un observatoire fédéral de la RSE pour valoriser l’impact des OPH

Laurent Goyard, directeur général de la Fédération, a présenté lors de la Convention de Nancy le futur observatoire fédéral de la RSE et de la durabilité, visant à “valoriser au niveau national tout le travail que vous faites sur le terrain” contribuant au développement durable et inclusif des territoires, à travers 83 indicateurs. Car si les Offices n’ont pas d’obligations de reporting RSE, “la tendance va se normaliser”, prédit Charlotte Limousin, déléguée générale de Delphis, partenaire de l’observatoire, ne serait-ce parce que “les acteurs financiers vont demander de plus en plus d’informations sur des critères environnementaux et sociétaux”.


Pour illustrer le rôle de “vecteur du développement social et sociétal” et d’acteur de la transition écologique des Offices, six d’entre eux se sont livrés à Nancy à l’exercice du pitch sur une initiative inspirante, examinés par deux grands témoins, la députée et ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho, et Olivier Maurel, consultant-chercheur indépendant.


Barthélémy Perin, DGA de Lille Métropole Habitat, a présenté l’Université des compétences habitat, un GIE créé en partenariat avec Vilogia et Partenord Habitat (lire AH 1149) pour offrir “une assistance RH commune, partagée, proactive et innovante”.


Doudou Mbaye, chef du service Politiques sociales et urbaines de Seine-Saint-Denis Habitat, a exposé le double intérêt du dispositif d’habitat intercalaire expérimenté en partenariat avec le groupe SOS et le Département, sur le quartier de l’Abreuvoir à Bobigny : répondre à la demande d’hébergement d’urgence et éviter les squats.


Jean-Luc Gorce, DG d’Aquitanis, est revenu sur les occupations temporaires qu’il conduit à Bordeaux avec Plateau Urbain, et notamment celle du tiers-lieu installé dans l’ancien siège de la direction régionale de la CDC (lire AH 1188). La démarche consiste selon lui à “régénérer ce qui est sous nos yeux”, explique ce dirigeant soucieux d’“anticiper la production des lieux habités de demain” dans un contexte de ZAN.


Du recyclage urbain, on est passé à l’économie circulaire avec Jean-François Briche, chargé de mission NPNRU de l’Office métropolitain de l’habitat du Grand Nancy (OMH), et Mathieu Collot, responsable de programmes. Dans le cadre de l’opération de renouvellement urbain du Plateau de Haye, une partie des matériaux de déconstruction a été réemployée pour réhabiliter les logements du quartier et alimenter un “supermarché du réemploi” de 3 000 m2, la Maison du réemploi (lire AH 1189). On parle ici de 4 kilomètres de garde-corps, 1 700 robinetteries, 600 châssis PVC, 800 lavabos…


Céline Moreau, directrice générale de Limoges Habitat, a partagé son défi de “répondre de front à deux priorités antipodiques”, celles de l’Office au quotidien (stabilisation financière, mise à jour du PSP…) et celles portées par la Métropole dans une vision prospective à 2050.


Guy Henrion, DG de Sarthe Habitat, a expliqué comment, engagé dans une démarche préventive proactive en faveur de la biodiversité, il avait appris à “savoir ne pas faire”. Comprendre : “savoir renoncer à une opération en raison de son impact sur la biodiversité”. Et quand ce n’est pas possible, par exemple pour la reconfiguration d’une friche ferroviaire en centre-bourg où pousse l’orobanche pourprée, opter pour l’option “déplacer les espèces pour les protéger”.


À l’écoute de ces initiatives, trois mots sont venus à Olivier Maurel : “synapse” (les Offices étant à la bonne place pour créer du lien dans une intelligence collective) ; “ikebana” (les Offices “customisent” avec talent les outils à disposition); “plaisir” (un moteur de leur action). Delphine Batho a ajouté le mot “fierté”, “ce sentiment qui nous embarque quand on a l’impression de prendre le contrôle de quelque chose d’absurde”.

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1191 DU 30 juin 2023

Actualités Habitat n°1191

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