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Thème de la publication
Gestion locative
Numéro

Actualités Habitat n°1116

Paru dans

FÉVRIER 2020

Actualités Habitat n°1116

Date de publication :

19 février 2020

Auteur(s) :

BARBARA FOURCADE

La colocation dans le parc social

Né avec la loi MOLLE, le concept de colocation ne concernait qu’un public restreint et ne portait que sur des baux de courte durée. La loi ÉLAN a élargi le dispositif mais sa mise en œuvre, un an après son entrée en vigueur, pose encore beaucoup de questions.

La possibilité de proposer la colocation dans le parc social est née avec la loi MOLLE du 25 mars 2009 qui a modifié l’article L.442-8-4 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Ce mode d’habitat était alors réservé aux étudiants, aux personnes de moins de trente ans ou aux personnes titulaires d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. Les logements pouvaient être loués meublés, ou non. Dans ce cadre, les colocataires ne bénéficiaient pas du droit au maintien dans les lieux, comme c’est le cas pour un bail classique, et la durée du contrat était d’un an, avec possibilité de renouvellement sous réserve que le colocataire remplisse toujours les conditions d‘accès. Autre spécificité de ce contrat, les bénéficiaires n’étaient pas tenus au respect des plafonds de ressources, même si le logement était bien attribué par la commission d’attribution. Par ailleurs, un contrat de location unique était signé par l'ensemble des colocataires qui contenait obligatoirement une clause de solidarité.

Une colocation élargie par la loi ÉLAN

La loi ÉLAN met fin à ce dispositif et modifie à nouveau l’article L.442-8-4 du CCH. Désormais, la colocation est ouverte à toutes les personnes éligibles au logement social qui en font la demande, sans considération d’âge ou de situation. Toutefois, il est précisé que cette colocation est telle que définie au I de l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989 (pour mémoire, la loi ALUR du 24 mars 2014 a créé une colocation élargie mais qui ne s’applique pas au parc social, mais uniquement au parc privé(1)). De ce fait, les couples mariés ou pacsés sont les seules personnes ne pouvant prétendre à la colocation.

Les modalités d’attribution

La situation de chaque demandeur doit être étudiée séparément. En effet, l’article L.442-8-4 du CCH dispose que "les logements sont attribués à chaque colocataire dans les conditions prévues aux articles L.441 à L.441-2-9 du présent Code. Le respect du plafond de ressources applicable au logement s'apprécie dans le cadre de chaque contrat de location."

De plus, dans ce cadre, Il est également précisé qu’"un contrat de location est conclu avec chaque locataire d'un même logement."

Concrètement, chaque demandeur doit remplir une demande de logement séparément (un formulaire Cerfa par demandeur) et sa situation est étudiée au regard de ses seules ressources. Si sa demande est acceptée, il bénéficie du droit au maintien dans les lieux dans les mêmes conditions qu’une location classique de logement social.

Un contrat distinct est ensuite signé avec chaque colocataire d’un même logement, sans faire mention des autres colocataires. Seules les conditions d’utilisation de sa partie privative et des parties communes avec les autres colocataires sont mentionnées. Chaque colocataire reçoit de ce fait son avis d’échéance et sa quittance individuellement.

Le loyer et les charges

Le loyer fixé par l’organisme est encadré. Le texte précise que "le montant de la somme des loyers perçus de l’ensemble des colocataires ne peut être supérieur au montant du loyer applicable au logement". Dans cette limite, il faut fixer le loyer de chaque contrat de location sans qu’un déséquilibre important n’apparaisse entre les colocataires s’ils ne disposent pas de la même surface privative. Afin d’éviter toute contestation et de simplifier la gestion de ces baux, il semble juridiquement sécurisé de fixer le loyer en fonction de la superficie allouée à chaque colocataire, soit : division de la surface des pièces communes en parts égales en fonction du nombre de colocataires + calcul du reste du loyer au prorata de la surface de chaque pièce privative.

Concernant les charges locatives, le législateur a prévu la possibilité, pour le bailleur, de les récupérer sous forme de forfait versé simultanément au loyer, dont le montant et la périodicité sont inscrits dans le contrat de location. Dans ce cas, il ne pourra y avoir de régularisation ultérieure des charges.

Chaque colocataire disposant d’un bail distinct implique nécessairement l’impossibilité pour le bailleur d’insérer une clause de solidarité. Chacun est tenu du paiement du loyer et des charges inscrits sur son bail sans que la responsabilité des autres puisse être recherchée. Enfin, pour rappel, la colocation d’un logement social peut ouvrir droit à la réduction de loyer de solidarité (RLS) au regard de la situation de chaque colocataire. Son montant est alors abaissé à 75% du montant de la RLS normalement applicable(2).

S’agissant de baux séparés, en cas de contentieux, l’action en justice devra être dirigée à l’encontre du seul colocataire fautif

Les rapports locatifs

Le logement devra bien évidemment répondre aux critères de décence et la surface et le volume habitables des locaux privatifs doivent être au moins égaux, respectivement, à 9m2 et à 20m3. Il peut être loué meublé, ou non.

Chaque colocataire doit souscrire un contrat d’assurance multirisque habitation. S’agissant de baux séparés, en cas de contentieux (impayés de loyers et charges/troubles de jouissance…), l’action en justice devra être dirigée à l’encontre du seul colocataire fautif, la responsabilité des autres ne pouvant être engagée.

Nombre de questions portent sur la gestion du départ de l’un des colocataires. Pour rappel, le congé donné par l’un d’eux n’a pas de conséquence sur la situation locative des autres qui continuent à bénéficier du droit au maintien dans les lieux ; il n’est pas possible de répercuter le manque à gagner sur les colocataires restants.

D’un point de vue pratique, il est vivement conseillé aux bailleurs de sécuriser la partie privative laissée libre par le colocataire partant en empêchant son accès, avec lequel un état des lieux est établi et le dépôt de garanti attaché au contrat restitué.

Le bailleur est alors fondé à relouer la partie du logement laissée vacante à un autre colocataire désigné par la commission d’attribution.

Afin que la colocation se passe le mieux possible et éviter au maximum les conflits et incompréhensions, il peut être très utile d’établir un document qui s’apparenterait à une charte de la vie en colocation ou un règlement intérieur, qui fixerait notamment les règles de vie dans les pièces communes et dans les pièces privatives afin de s’assurer de la jouissance paisible des lieux.

(1) Voir art. 40 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 qui rend l’article 8-1 de la même loi inapplicable au parc social.
(2) Art. L.442-2-1 du CCH et art. 2 de l’arrêté du 27 février 2018 relatif à la réduction de loyer de solidarité.

Thèmes : Gestion locative - Bail d’habitation - colocation.

Contacts : Barbara Fourcade, responsable du département gestion locative - Direction juridique et fiscale ; Tél. : 01 40 75 78 60 ; Mél. : ush-djef@union-habitat.org

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PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1116 DU 14 février 2020

Actualités Habitat n°1116

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