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Thème de la publication
Gestion locative
Numéro

Actualités Habitat n°1113

Paru dans

DÉCEMBRE 2019

Actualités Habitat n°1113

Date de publication :

19 décembre 2019

Auteur(s) :

CHRISTOPHE TRINH

Squat de logements Hlm : quels sont les recours ?

Récupérer son logement "squatté" peut s’avérer difficile, compte tenu de la complexité des règles procédurales à respecter avec des délais variant selon la qualification juridique de l’occupation. Quelles sont les procédures à suivre pour un locataire, un organisme Hlm ?

Retrouver le confort de son domicile après une période d’absence pour des raisons diverses, tels qu’un séjour à l’hôpital, un déplacement professionnel ou tout simplement après des vacances est un moment normal, ordinaire et connu de chacun. Mais retrouver la porte de son logement close et s’apercevoir qu’il est occupé par des inconnus est une situation surprenante et inhabituelle qui peut très vite se transformer en situation cauchemardesque pour les personnes ayant à subir l’occupation de leur logement par des intrus.

Pour les logements des organismes Hlm, il convient de distinguer les logements squattés qui sont en cours de bail, des logements vacants en attente de relocation ou de réhabilitation. Dans la première hypothèse, les locataires effectuent les démarches pour récupérer leur logement. Dans la seconde hypothèse, l’action en justice appartient à l’organisme Hlm.

Qu’est-ce qu’un logement "squatté" ?

Le squat d’un logement consiste en une occupation des lieux sans l’accord, ni du locataire ni du propriétaire, et après une intrusion non autorisée. Il convient dès lors de préciser que toute occupation sans autorisation du propriétaire ne constitue pas nécessairement un squat. En effet, une personne hébergée par exemple gracieusement par un locataire qui se maintient dans les lieux après le congé du locataire n’a aucun titre d’occupation. Il est bien un occupant "sans droit ni titre", et le propriétaire serait bien en droit de lui demander de quitter les lieux, mais cet occupant n’est pas pour autant un squatteur. En effet, cet occupant ne s’est pas introduit dans le logement par voie de fait.

Le squat peut aussi concerner des terrains ou des bureaux à usage professionnel mais ne sera traité ici que le cas du squat des logements, donc des locaux dont la destination est l’habitation. Par ailleurs, le squat peut concerner des locaux faisant l’objet d’un bail d’habitation en cours ou de logements vacants, en attente d’une relocation ou d’une réhabilitation. Cette distinction a une importance car les procédures et les délais d’expulsion ne sont pas les mêmes.

Le titulaire du contrat de location effectue les démarches pour récupérer son logement occupé

Lorsque le logement squatté fait l’objet d’un contrat de location en cours, le locataire titulaire du bail doit accomplir les démarches pour le récupérer. Par ailleurs, lorsque ce logement constitue son domicile c’est-à-dire le lieu de son principal établissement, la législation autorise une expulsion sans délai du squatteur, soit par la saisine du préfet, soit par une autorisation judiciaire.

La loi Dalo du 5 mars 2007(1) permet en effet au locataire d’un logement squatté de demander au préfet du lieu de situation de l’immeuble de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux. Le locataire doit au préalable avoir déposé une plainte au pénal, faire la preuve que le logement constitue son domicile et faire constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. La mise en demeure du préfet est alors assortie d’un délai d’exécution qui ne peut toutefois être inférieur à vingt-quatre heures et elle est notifiée et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux (du logement squatté). Si la mise en demeure de quitter les lieux n’est pas suivie d’effet dans le délai imparti, alors le préfet doit procéder à l’évacuation forcée du logement.

Le locataire du logement squatté peut également saisir l’autorité judiciaire pour récupérer son domicile occupé. D’ailleurs, sauf le cas d’une saisine du préfet, le locataire doit impérativement saisir la justice pour faire évacuer son logement squatté. La loi dispose ainsi que "sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire, et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux" (2).

Dans cette dernière hypothèse, la saisine du juge peut alors se faire par le biais d’un référé(3). En pratique, le locataire devra démontrer l’occupation irrégulière (contrat de location à son nom par exemple), mais il devra pouvoir identifier les squatteurs afin de respecter les règles procédurales (assignation, principe du contradictoire, expulsion, etc.). Dans les faits, l’identification des squatteurs n’est pas simple et constitue un réel frein à l’obtention d’une décision judiciaire. Le locataire pourra alors exceptionnellement adresser une requête au tribunal en cas d’identification impossible des squatteurs.

En pratique, bien que ce soit aux locataires d’accomplir ces démarches, certains bailleurs mettent en place un accompagnement de leurs locataires afin de faire face à la complexité des procédures et les aider à récupérer au plus vite leur logement.

La suppression des délais d’expulsion en cas d’entrée dans les lieux par voie de fait

En principe, l’exécution d’une expulsion portant sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois, et en respectant l’interdiction d’expulsion durant la trêve hivernale(5).

Toutefois, le législateur a voulu renforcer la protection du domicile contre les squats. Ainsi, par la loi ÉLAN(6), le législateur a précisé que le délai de deux mois précité et le sursis à toute mesure d’expulsion pendant la trêve hivernale ne s’appliquent pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voie de fait.

La voie de fait est appréciée selon les circonstances d’espèce et son acceptation varie selon les tribunaux. Certaines juridictions retiennent l’entrée dans les lieux par voie de fait, dès lors que l’occupation des lieux n’est pas autorisée. Pour ces juridictions, "l'atteinte au droit de propriété constitue par elle-même une voie de fait" et les occupants "ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils ont pénétré sans effraction dans le local d'habitation(7)" et "même en l'absence d'effraction ou de dégradation des lieux occupés(8)". D’autres juridictions exigent la preuve d’actes positifs pour caractériser une entrée dans les lieux par voie de fait et l’occupation sans droit ni titre ne suffit pas. Ainsi, dans un cas d’occupation, les juges avaient relevé qu’il "résultait des investigations de l'huissier que la surface appréhendée par l’occupant est accessible librement et que ce dernier y a entreposé une multitude d'objets divers constituant un abri de fortune. Aucun élément produit aux débats ne permet d'établir l'existence d'une entrée dans les lieux par voie de fait(9)". De même, une seule plainte indiquant "que la porte anti-squat avait été remplacée par une porte palière ordinaire" ne justifie pas une voie de fait(10). La conséquence de l’occupation des lieux, sans entrée dans les lieux par une voie de fait, n’est pas nécessairement le refus de l’autorisation de l’expulsion mais les délais et sursis s’appliqueront.

Le squat des logements vacants des organismes Hlm

Dans les situations de squats de logements, de garages ou parkings vacants parce qu’en attente de relogement ou de réhabilitation, il appartient au bailleur de procéder aux démarches pour expulser les squatteurs. Toutefois, dans ces hypothèses, la notion de domicile disparaît. Dès lors, le bailleur reste en droit de demander l’expulsion des squatteurs mais les délais et sursis d’expulsion ne sont pas automatiquement supprimés, même si l’entrée dans les lieux s’est faite par voie de fait. Selon les circonstances d’espèce (danger, salubrité, sécurité, troubles de voisinage, etc.), le juge décide de supprimer ou de réduire les délais et sursis à l’expulsion ou inversement les maintenir, voire de les prolonger.

En ce qui concerne les démarches, le bailleur peut déposer une plainte auprès des forces de police ou gendarmerie, notamment pour compléter son dossier devant le juge judiciaire. La procédure pénale suivra son cours indépendamment de la procédure judiciaire et éventuellement aboutir à une condamnation pénale ou pas.

Si les forces de l’ordre n’interviennent pas pour mettre fin au squat(11), le bailleur devra alors saisir le juge judiciaire pour obtenir l’expulsion des squatteurs. La première étape consistera à identifier les squatteurs afin de pouvoir procéder à une assignation. Si l’identité des occupants est inconnue, il peut être procédé par voie de sommation interpellative, délivrée par huissier de justice (l’huissier demande oralement aux occupants de décliner leur identité). Si cette démarche est infructueuse, le bailleur peut demander, par requête, au juge, la désignation d’un huissier de justice lui permettant de rechercher par tout moyen l’identité des squatteurs.

Pour la constitution du dossier, le bailleur devra fournir le titre de propriété, le PV de constat du squat, le récépissé du dépôt de la plainte pour voie de fait, le cas échéant, et des avis d’échéance permettant de justifier le montant de l’indemnité d’occupation réclamée. Le tribunal d’instance est saisi en référé voire en référé d’heure à heure, en cas de circonstances d’extrême urgence.

Si l’identification des squatteurs s’avère impossible, le bailleur ne pourra pas assigner les squatteurs en référé. Il lui sera alors possible de saisir le juge afin d’obtenir une ordonnance d’expulsion par le biais d’une requête(12) déposée au tribunal. Cette dernière procédure est exceptionnelle car la décision est rendue sans que les squatteurs ne soient convoqués. Aussi, le bailleur devra démontrer qu’il a fait tout ce qu’il pouvait pour identifier les squatteurs sans y parvenir. A défaut, sa requête en expulsion risque fortement d’être rejetée par le juge, notamment car le principe du contradictoire n’est pas respecté dans cette procédure.

(1) Art 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007.
(2) Article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
(3) Cass. 3e civ., 21 déc. 2017 n° 16-24469 compétence du juge en référé car "l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite".
(4) Le délai de 48 heures pour agir au titre de l’état de flagrance qui résultait des usages a été supprimé.
(5) Article L. 412-1 Code des procédures civiles d’exécution.
(6) Article 201 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018.
(7) CA de Versailles, 19 mai 2016, n° 15-02789.
(8) CA Lyon, 3 avril 2018, n° 17-08397.
(9) CA Paris, 26 Janvier 2018, n° 17-00496.
(10) CA Toulouse, 11 avril 2019, n° 18-04332.
(11) Voir encadré.
(12) Article 493 du Code de procédure civile.

Thèmes : Procédures – Squatteurs.

Contact : Christophe Trinh, conseiller juridique, Direction juridique et fiscale – Tél. : 01 40 75 78 60 ; Mél. : ush-djef@union-habitat.org

 

Bien que ce soit aux locataires d’accomplir les démarches, des bailleurs peuvent les accompagner afin de faire face à la complexité des procédures et les aider à récupérer leur logement.

 

Infraction pénale, dépôt de plainte et procédure de flagrance

- Art. 226-4 du Code pénal : "L'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonne­ment et de 15 000 euros d'amende. Le maintien dans le domicile d'autrui à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines."
- Art. 132-73 du Code pénal : "L'effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture. Est assimilé à l'effraction, l'usage de fausses clefs, de clefs indûment obtenues ou de tout instrument pouvant être frauduleuse­ment employé pour actionner un dispositif de fermeture sans le forcer ni le dégrader."
- Art. 53 du Code de procédure pénale : "Est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit […]".

Le locataire qui constate le squat de son domicile doit déposer une plainte pénale pour violation et maintien à son domicile auprès d’un commissariat de police, d’une brigade de gendarmerie ou du procureur de la République, qui permettrait une intervention des forces de l’ordre en flagrant délit pour mettre fin au squat.

Lorsque le logement est vacant, la notion de domicile n’intervient pas. Il n’y a donc pas de violation de domicile. En revanche, si le bailleur constate un squat, il peut toujours déposer une plainte pénale mais puisqu’il ne s’agit pas d’un domicile, les forces de l’ordre ne mettront fin au squat, qu’avec une décision judiciaire. Rien n’empêche le bailleur de solliciter tout de même les forces de l’ordre à la suite d’un squat constaté et, éventuellement, selon les circonstances, d’espérer permettre la fin du squat...

 

Question/Réponse

URBANISME

Le maire peut-il imposer au maître d’ouvrage l’utilisation d’un matériau dans le cadre d’un permis de construire ?

Oui, mais à condition que sa décision s'appuie sur une règle d'urbanisme qui soit elle-même justifiée par un intérêt urbanistique, comme l’a rappelé la CAA de Lyon dans son arrêt du 11 juillet 2019.

On sait que le plan local d’urbanisme (PLU) d’une commune peut déterminer les règles concernant l’aspect extérieur des constructions neuves, réhabilitées ou rénovées (article L. 151-18 du Code de l’urbanisme). Mais la question est de savoir si les auteurs du PLU peuvent aller jusqu’à imposer ou proscrire la mise en place de certains matériaux, le contrôle du respect de ces règles s’exerçant à l’occasion de l’instruction de la déclaration préalable et selon les cas, du permis de construire.

Une telle question est d’autant plus importante pour les porteurs de projets qu’il est aujourd’hui techniquement possible de remplacer un matériau de façade par un autre garantissant la même apparence esthétique avec un coût moins élevé à supporter par le maître d’ouvrage.

Le ministère de la Cohésion des territoires avait déjà eu l’occasion de répondre sur ce point en considérant que si le PLU peut fixer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions ; il ne peut cependant abolir toute liberté de choix quant aux matériaux, hormis dans les secteurs patrimoniaux remarquables. En dehors de ces secteurs, l'aspect du revêtement de la construction est réglementé sans pouvoir imposer ou interdire un matériau ainsi que son imitation. Les maîtres d’ouvrages disposent donc d’une marge de manœuvre quant aux matériaux choisis pourvu que les règles relatives à l’aspect extérieur soient respectées (QE n° 01509, réponse à Jean-Louis Masson (Moselle - NI), réponse JO Sénat du 11 octobre 2018).

Cependant, s’inscrivant dans le prolongement d’un arrêt qu’elle avait déjà rendu en 2011, la Cour administrative d’appel de Lyon vient de juger l’inverse en considérant qu’un maire peut s’opposer à la délivrance d’une autorisation d’urbanisme si le pétitionnaire n’utilise pas le matériau prescrit par le plan local d’urbanisme.  

Le juge administratif conditionne toutefois la possibilité de prescription ou d’interdiction d’un matériau à l’existence d’un intérêt urbanistique. Dans cet arrêt, il s’agissait d’assurer le caractère traditionnel d’une architecture de montagne en imposant un pourcentage dédié au bois comme élément architectural de façade, même en dehors d’un périmètre de secteurs patrimoniaux comme avait pu le considérer l’administration dans son avis précité. Est donc considérée comme légale, la disposition d’un PLU imposant que les façades doivent en partie être construites en bois non traité sous réserve d’être justifiée pour un motif urbanistique. Compte tenu des enjeux en matière de sécurisation des autorisations d’urbanisme, une telle question mériterait que le Conseil d'État vienne un jour trancher définitivement le sujet.

En attendant, les pétitionnaires doivent se conformer aux règles de l’article 11 des règlements de PLU, notamment pour ce qui concerne les matériaux imposés.

En cas de refus du maire de délivrer un permis fondé sur la méconnaissance de l’article 11 du règlement du PLU prescrivant ou interdisant un matériau, demeure ouverte la possibilité pour le pétitionnaire de contester, par voie d’exception d’illégalité, cette disposition qui viendrait fonder un refus d’autorisation d’urbanisme.

 

Mots clés

PARU DANS ACTUALITÉS HABITAT N°1113 DU 16 décembre 2019

Actualités Habitat n°1113

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